L’immunologie, ou le “péché originel” des vaccins (6)

L’immunologie n’est plus la filiale vaccinale de l’infectiologie. Le système immunitaire est maintenant observé et compris dans un ensemble physiologique qui regroupe les systèmes nerveux, sanguins, et hormonaux. Et qui prend en compte des affections non infectieuses, comme les cancers, les maladies dégénératives, ou les troubles endocriniens.

Et maintenant ?

Nous avons vu au cours des 5 articles précédents comment l’immunologie est passée du rang de bricolage vaccinatoire à une place prépondérante du savoir médical.

L’épisode récent du Covid a relancé des espoirs universels dans l’élaboration du vaccin qui résoudrait tous les malheurs. Espoir entretenu grossièrement par des laboratoires qui néanmoins ont obtenu en quelques semaines des millions de subventions au détriment des recherches académiques en cours.

Les vaccins constituent donc encore et toujours un bras puissant de l’immunologie

Il y a de plus en plus de virus et de parasites dans nos écosystèmes perturbés. Donc de pathologies infectieuses. Donc d’objectifs de vaccins à élaborer. Il n’y a jamais tant eu de laboratoires fantastiquement équipés, de compétences et de financements dans le monde entier.

Et pourtant, la vaccinologie patine de manière inquiétante. Si le vaccin contre le HIV demeure une utopie au bout de 20 ans de recherches stériles pour le vaccin, mais fructueuses pour le savoir en immunologie, on se penche avec intérêt sur des vieux vaccins comme le BCG qui entraine une immunité globale vigoureuse, utile contre certains cancers (vessie), contre bien sûr des bactéries, mais aussi comme régulateur endocrinologique …

Des essais dits “prometteurs” ont engendré des catastrophes, la dernière en date étant celle du vaccin contre la Dengue, le dengvaxia produit par Sanofi, et qu’il a fallu arrêté en urgence après des dizaines de morts aux Philippines.

Les vieilles méthodes d’élaboration des vaccins ne marchent plus. Et l’on sait désormais que les fameux anticorps, les unités-étalon d’une protection vaccinale, ne sont qu’une fraction de l’efficacité d’un vaccin, et que dans bien des cas (comme pour le HIV), ils s’avèrent pernicieux en facilitant des sensibilités de certaines cellules au même virus de sérotypes différents.

On sait également depuis des lustres que la peau (cellules de Langerhans) est un tissu très réceptif aux vaccins, même sans adjuvants, et que vacciner en intradermo exige moins d’antigènes, avec moins d’effets secondaires… encore faut-il que les médecins (essentiellement les pédiâtres) sachent faire des intradermos … Pour le “nouveau BCG”, cela a été le maillon faible de sa pratique.

Les “anticorps” de synthèse: une manne pour les labos

Avec l’essor des biotechnologies (faire produire par des micro-organismes aux génomes greffés des molécules utiles en grandes quantités), on sait préparer des “anticorps”capables de circuler dans l’organisme et cibler les molécules cruciales d’une pathologie, comme des récepteurs membranaires, ou des enzymes.

Il s’agit là d’un travail de dentelière, en visant des passages essentiels du phénomène pathogène, avec des résultats très encourageant en oncologie. Mais avec des prix époustouflants. On note d’ailleurs que l’ensemble des labos laissent tomber les recherches contre les infections (où le malade n’est traité qu’une fois) pour s’intéresser aux maladies chroniques qu’il faut traiter à vie.

Ces anticorps artificiels, on les retrouve également en dermatologie pour cadrer des inflammations dues à des cytokines: “yaka” créer des anticorps anticytokines (ex: IL18) et le tour est joué … Mais à quel prix ?

L’auteur de ces lignes est vétérinaire. Le prix d’un traitement pour réduire l’atopie canine (démangeaisons) atteint plus de 100 euros mensuels pour un gros chien.

Les cytokines, parlons-en …

Les cytokines, ce sont ces molécules produites par des cellules pour informer l’organisme d’un évènement. Des sortes d’hormones, beaucoup plus puissantes, beaucoup plus réactives.

Chaque type de cellule immunitaire lâche des cytokines en fonction des évènements, et l’ensemble forme un “nuage cytokinique” qui dirige les réactions des cellules dans tout le corps.

Des molécules aussi efficaces, yabon …On a bien sûr tenté de les utiliser individuellement (avec brevets à la clé) dans des domaines majeurs comme le Sida ou les cancers. En tête l’interleukine 2 et les interférons.

Avec des succès très mitigés, et bien souvent des drames. Ces molécules très puissantes ne sont pas précises dans leurs cibles, elles agissent sur plusieurs tissus à la fois.

Au naturel, les “nuages cytokiniques” constituent un équilibre qui est reconnu par les cellules ciblées et pratiquement ignorées par les autres.

On pourrait faire une relation avec la phytothérapie: les plantes utilisées dans leur “totum”, c’est à dire sous forme d’extraits comprenant plusieurs dizaines de molécules plus ou moins cousines, en tous cas “complices”pour faire le bien, ont bien moins d’effets secondaires que les molécules de monothérapie qu’on a le plus souvent produites par synthèse, alors qu’elles ont la même formule moléculaire.

Modulateurs immunologiques: ces sont avant tout les bactéries intestinales

Nous n’avons qu’une quinzaine d’années de recul sur la connaissance de notre microbiote intestinal.  Et l’on sait maintenant (article à venir dans ce blog) que ces bactéries ne sont pas là uniquement pour nous aider à digérer. Elles sont une interface fragile (merci les antibiotiques et les aliments bourrés de fructose) qui renseigne le système immunitaire et l’anime (où l’on retrouve les cytokines …) soit vers un équilibre de santé, soit vers des travers métaboliques et immunologiques.

Savoir gérer le microbiote, c’est savoir diriger les grandes lignes de notre capacité immunitaire. Il y a là un immense chantier et déjà du monde là dessus. Des bactéries sont brevetées, voire modifiées …

Attendons la suite …

Jean-Yves Gauchet

Les articles précédents

1 – l’immunologie est née de la bactériologie

2 – retour vers la cellule : on comprend la « réaction immunitaire »

3 – avec les années 90 et le SIDA, retour vers l’immuno-infectiologie.

4 – quelle place pour nos bactéries intégrées ?

5 – la théorie de la continuité / discontinuité

6 – Et maintenant ?