Mythes et légendes: le socle partagé des civilisations #2

A rebours de la théorie de Carl Young (images primordiales d’un inconscient collectif), des travaux récents sur des milliers de mythes du monde entier montrent que ces images effectivement partagées, ont connu des processus de création et d’évolution à travers le temps et les migrations des populations.

Le mythe méditerranéen d’Orphée (musicien qui envoûte animaux et hommes) se retrouve dans le monde entier, jusque chez les Iroquois.

Anthropologues et psychanalystes ont jusqu’ici supposé (dans la trace de Carl Gustav Jung) que ces mythes, similaires d’un bout à l’autre de la terre, correspondaient à des invariants psychologiques, des représentations mentales communes à toutes l’humanité, le fameux “inconscient collectif”.  Des anthropologues, comme Levi-Strauss, ont suivi à la trace ces légendes, tout au long des tracés migratoires, comme le fameux détroit de Behring qui à un moment, a séparé des populations pour toujours.

Dans les années 2000, la constitution d’immenses bases de données fondées sur le dépouillement et le référencement de milliers de mythes, comme celles construites par Yuri Berezkin ou par Jean-Loïc Le Quellec, couplées avec un système d’information géographique, ont permis de dresser rapidement la carte de la répartition de récits ou motifs mythologiques à l’échelle de la planète. On était là dans une nouvelle dimension de recherche. Leurs travaux ont montré que la distribution des mythes était loin d’être aléatoire, et pouvait servir à reconstruire une histoire des croyances depuis le Paléolithique supérieur.

Cet apparentement et cette permanence dans le temps ont d’ailleurs permis d’établir des arbres « phylogénétiques » de mythes et de traditions mythologiques. Comme pour les espèces vivantes, il est désormais possible de déterminer la probabilité qu’un mythe ait des origines communes avec un autre, et de retracer ainsi leurs généalogies.

Ainsi, les mythes ont une histoire, aussi ancienne que celle de l’humanité. Dans sa longue marche, notre espèce a diffusé des récits, des croyances, les modifiant parfois, les oubliant souvent. La réinvention est une part intégrale de ce processus, conduisant d’hier aux mythes d’aujourd’hui

Source: Le Monde des religions