L’inconscient, moteur et arbitre de nos rires.

Le rire est une énigme scientifique, d’autant qu’il y a toutes sortes de rires, correspondant à des critères qu’on ira jusqu’à encadrer par la morale (“on peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui”…). Nous détaillons ici le point de vue d’un neurobiologiste.

Nous connaissons tous des “rigolos”, des gens qui aiment et qui savent nous faire rire. Ces personnes sont des analogiques, qui jouent sur les analogies que notre inconscient a repérées et stockées.

C’est que notre cerveau (à tous, pas uniquement celui des “rigolos”) fonctionne selon deux modes: le mode cognitif, conscient, et le mode analogique, inconscient. Certaines personnes utilisent davantage le mode analogique, notamment celles qui font des imitations, des jeux de mots, ce qu’on appelle l’humour.

L’adulte utilise essentiellement le mode cognitif, et l’enfant le mode analogique, c’est à dire tout ce qu’il a enregistré sans y penser. Et l’humoriste le déroute et le fait sourire, car ce n’est pas son mode usuel de fonctionnement.

Et ce sera le contraire chez l’enfant. En effet, le tout petit absorbe tous les signaux qui lui parviennent. Chaque entrée crée un souvenir qui s’imprime dans l’immense canevas de ses réseaux de neurones, sans traitement conscient. C’est tout en vrac. Mais petit à petit, l’enfant analyse les informations qu’il reçoit et commence à développer son mode cognitif. L’enfant de cinq ou six ans ne rit pas aux plaisanteries que l’adulte apprécie, car le mode analogique ne le surprend pas: c’est son mode normal. En revanche, quand il associe certaines isées en mode analogique, cela fait rire l’adulte.

En effet, le rire est déclenché par la surprise. Exemple, une personne qui tombe provoque le rire. Un rire méchant? Non, un rire de surprise. Quand une personne marche et qu’un élément (la chute) brise le rythme, le traitement s’accélère: le traitement cognitif (ou conscient) est interrompu et l’analogique, rapide, se déclenche. Cette rupture de rythme nous surprend et provoque le rire.

Pour s’imprimer profondément dans les réseaux neuronaux, pour laisser une empreinte forte dans le cerveau, les trace analogiques doivent être répétées. C’est pourquoi les enfants aiment qu’on leur raconte toujours la même histoire, et on ne doit pas y changer un seul mot, ce qui obligerait l’enfant à quitter le chemin analogique en cours d’impression, ce qui le déstabiliserait.

Au contraire, si un adulte entend plusieurs fois la même histoire, il se lasse car il en connait la chute. C’est l’analogique qui le déroute, le surprend, et le fait rire. Quand nous écoutons une histoire, , nous sommes sur un chemin, nous suivons la logique de l’histoire en mode cognitif, jusqu’au moment où nous devons le quitter puisque la “chute” de l’histoire nous plonge dans l’analogique.

Ainsi, le mode analogique, inconscient, est l’un des principaux moteurs du rire, pour notre plus grand plaisir.Mais à coté de cette face gaie, il présente une face sombre, puisque c’est aussi le moteur des idées reçues et des préjugés.

D’où cette phrase récurrente: “on peut rire de tout, … mais….”

Source: Les coulisses du cerveau, par Jean-Pol Tassin, un ouvrage dédié à notre inconscient, et qui en décrit les différents rôles, de la sexualité aux émotions, des rêves à la mémoire …