#3 – L’énigme des peuples de la mer.

Dans ce chapitre, focus sur les évènements qui ont touché l’ensemble du “croissant fertile”, du Nil aux confins de l’Euphrate. Où l’on voit autrement l’Exode des Hébreux…

Quitte à rejoindre le camp des hérétiques en invoquant Velikowski, ce récit peut se permettre une petite fantaisie supplémentaire, et non des moindres : nous allons fouiller dans les mystères de l’Exode, cet événement fédérateur des trois religions monothéistes.

Pour décrypter les secrets de cette épopée magnifiée par les Textes Saints et soigneusement tue coté égyptien, il faut des historiens spécialistes, cultivés et d’esprit ouvert. Hé oui, ça existe … En l’occurrence deux frères très au fait des traditions religieuses (ils sont issus d’une lignée de rabbins), Roger et Messod Sabbah.

Ils se sont plongés dans la relecture de la Bible à partir de l’exégèse de Rachi (1040 – 1105), grand-maître de la tradition écrite et orale qui vécut à Troyes où il écrivit le commentaire de l’Ancien Testament, en étudiant le Pentateuque hébraïque et la Bible araméenne.

Jamais la Bible n’a été étudiée comme une composante de l’égyptologie. Bien qu’une grande partie du récit biblique se passe en ancienne Egypte, on ne trouve aucune trace d’Abraham, de Joseph, de Moïse. Pour les archéologues, ils n’existent pas. On n’a découvert aucune preuve de leur présence tels qu’ils sont décrits dans la Genèse et dans l’Exode.

Pourtant, des chercheurs prestigieux auraient pu mettre aux chercheurs la puce à l’oreille : Champollion, tout comme Freud, mettaient déjà en avant l’imbrication obligée des textes bibliques avec l’égyptologie.

A partir d’une étude comparative des écritures hébraïques et des hiéroglyphes égyptiens, les frères Sabbah établissent une passerelle entre chaque caractère de l’alphabet hébreu, les signes égyptiens figurant dans les cartouches de hiéroglyphes, et l’alphabet phénicien d’il y a 3500 ans. Ils en concluent qu’un peuple de culture égyptienne, au contact des phéniciens (dont l’alphabet contenait 22 lettres), sont parvenus à créer une écriture-langage dont les lettres, limitées à 22, sont directement issues des hiéroglyphes par stylisation et association de signes.

A partir de ce constat, on pouvait relire l’histoire de ces peuples avec un principe nouveau, celui qu’ils ne faisaient qu’un primitivement.

Ce qui nous fait revenir à Hamenhotep IV, appellé Hamenophis par les grecs. Ce Pharaon arrive au trône (-1386), alors que l’Egypte est dans une situation géopolitique excellente. Un pays fertile, des populations laborieuses, pas d’ennemis directs.

Un détail familial qui a son importance : Tiyi, la mère du jeune Pharaon, est également la sœur du grand Vizir Aî, à qui on confie l’essentiel du pouvoir séculier.

En quelques années, le Pharaon s’avère emprunt de mysticisme, mais aussi autoritaire, et s’oppose à sa caste tout en ménageant sa famille.

Il puise dans les caisses royales pour bâtir une ville toute neuve, en pleine, et devient la capitale de l’Egypte, en pleine vallée du Nil, et qui sera dédié au Dieu unique qu’il s’est mis en têt d’imposer : Aton. Et ce Pharaon s’appelle désormais Akhenaton.

Cette ville s’agrandit très vite ; des palais, des temples, des obélisques recouverts d’or entourent une gigantesque esplanade de 4 km de longueur.

Le clergé d’Amon (et des Dieux annexes) n’y a pas droit de cité, mais celle ville s’ouvre à des milliers de nouveaux pratiquants séduits par la dimension universelle de cette religion.

Aton est de fait le premier « dieu unique », qui ne soit pas dévolu à un peuple en particulier. Aton est le Dieu de tous les hommes sur terre, sans distinction d’origine.

La vie y est facile, le climat clément, et les frères Sabbah dans leur ouvrage « les secrets de l’Exode », décèlent dans cette contrée protégée un modèle pour les scribes qui plus tard rédigeront les textes bibliques de la Genèse : ils pointent ici le Jardin d’Eden, décrit comme étant entre les bras d’un fleuve, avec canaux et systèmes d’irrigation (Exode VII, Bible araméenne).

Autres références, et non des moindres : le Déluge et la Tour de Babel.

Après l’engloutissement diluvien (qui pourrait être une crue exceptionnelle du Nil, mais aussi ce fameux passage au plus près d’une comète appelée Vénus…), et la dispersion des survivants en tribus ayant chacune leur langage, se reconstitue une civilisation qui mélange les peuples avec une langue unique (comprendre : une croyance unique), dans une ville construite en briques cuites.

Sanction divine immédiate par la dispersion des habitants et l’anéantissement de leur ville. Car justement, c’est bien ce qui se produit à Akhetaton : à la mort du Monarque Inspiré, son fils Semenkhare se trouve au centre d’intrigues et quitte son palais pour remonter sur Thèbes, où il est accueilli par tout le clergé d’Amon qui le presse de changer de cap.

Car en Egypte, les choses vont mal. Les caisses sont vides, siphonnées par les excentricités du Pharaon tourmenté, les fonctionnaires  sans solde ne parviennent plus à faire remonter l’impôt par des Egyptiens profondément croyants en Amon, au profit d’une élite cosmopolite et insolente qui vit oisivement dans la capitale.

C’est le grand Vizir Aï (oncle du Pharaon défunt) qui fait le bilan désastreux de cette révolution religieuse. Il va pouvoir jouer de toute son influence sur le nouveau et très jeune Pharaon (beaucoup d’historiens pensent que Semenkhare a en fait été assassiné).

Cet enfant de huit ans, appellé Touthankaton, s’en remet entièrement à Aï pour régler les problèmes accumulés dans le royaume.

Celui-ci est très déterminé. Il fait changer son nom au Pharaon, désormais Touthankamon, relance tous les rites dévolus à Amon, et aux Dieux traditionnels de l’Egypte, et remet en place le clergé amonien.

Mais que faire de toute cette population atonienne  qui désormais s’oppose au nouvel ordre promulgué par Aï ?

L’égyptologie officielle est très discrète sur cette période.

Mais les frères Sabbah apportent une touche (très) originale qu’on pourra résumer ainsi :

L’idée est de déplacer toute cette population atonnienne en lui promettant (une « terre promise ») de nouveaux territoires pleins d’attraits (« où coulent le lait et le miel ») à dix jours de marche de leur ville, c’est à dire de l’autre coté du Sinaï, dans le pays de Canaan.

Pour les dirigeants égyptiens, c’est faire coup double, car c’est justement au nord que des bandes itinérantes de nomades, les Hapirous, sèment régulièrement des troubles. Y placer un peuple tampon serait particulièrement bienvenu.

Cette migration (on Exode ?) est fermement encadrée par l’armée du Pharaon, qui doit surveiller certains moments cruciaux (passage de la mer des roseaux et traversée du Sinaï) et empêcher certains de rebrousser chemin. Car il s’avère vite que « le lait et le miel » est plutôt derrière eux, alors qu’on les entraine vers une contrée inhospitalière et dangereuse.

Toujours selon « les secrets de l’Exode », il se produit une dichotomie entre les prêtres « yaouds », soit le gratin de cette équipée, qui s’installent en territoire cananéen la Judée), et le menu peuple de plus en plus inquiet, qu’on pousse plus loin vers le nord, an contact de ces Hapirous hostiles pour créer une zone tampon. Et ce transfert qui devait se faire en  10 jours, dure alors quarante ans. Ces sacrifiés se révoltèrent sous la bannière d’Israël, en conflit avec au nord les Hapirous, et au sud les égyptiens installés en Judée (et plus tard encore, comme nous le verrons, contre les Philistins amenés eux aussi par les égyptiens dans un rôle de tampon ethnique).

Ainsi donc, nous sommes dans une autre histoire : plus de peuple réduit en esclavage (ou tout au moins en Egypte), pas de peuple « élu » ni de terre promise par Dieu, mais plutôt une population hétérogène abusée par des promesses fallacieuses et qu’on laisse en mauvaise posture après 40 ans de tribulations.

Alors à quel moment, et par quel biais cette saga 100% égyptienne a t’elle pu se transformer en drame hébraïque ?

Pour les frères Sabbah, il faut se reporter 800 ans plus tard pour en connaître l’explication : dans les années -1000, profitant d’un affaiblissement de l’emprise égyptienne , les Israélites (Saül, puis David) fondent leur royaume unifié avec pour capitale Jérusalem. Leur langage est devenu un idiome simplifié, proche de l’araméen, et les textes bibliques les plus anciens sont toujours empreints de cette origine égyptienne : par exemple les deux appellations arabe (Aïn-Rech-Beth- et hébreux (Aïn-Beth-Rech) désignent (selon les Sabbah) le petit peuple, pour ne pas dire la populace.

En -587, catastrophe pour le peuple Hébreu : suite au siège de Jérusalem, l’ensemble de la population est emmenée en déportation à Babylone, la cité qui s’est toujours opposée aux Egyptiens ! Les Hébreux vont y séjourner pendant plus de cent ans.

Pourront-ils se mêler aux Assyriens s’ils se revendiquent un historique des bords du Nil ?

Assurément non. Alors les scribes reformulent entièrement l’histoire de leur peuple, afin d’y placer une origine mésopotamienne : ainsi le Déluge  se localise au sud du Caucase, Babel s’est développé, puis écroulé sur les rives de l’Euphrate, Abraham est parti d’Our … et le peuple Hébreux est une victime historique des égyptiens (ce qui finalement n’est pas si faux …).

Quant aux héros de cette saga hébraïques, Moïse, Aaron et Josué, ce sont tout bonnement des princes Egyptiens dont on avait donné pour mission le transfert des populations.

Et c’est cette version qui servira de base aux Textes Sacrés des trois religions monothéistes qui en découlent.

On comprend le silence qui entoure toute découverte archéologique dans ce domaine. En particulier les textes dits « de la Mer Morte » laissés par la secte des Esseniens, dont la situation au Sinaï et la rigueur des pratiques laissent à penser qu’ils étaient les derniers « Yaouds » protégés par le désert.

Un autre exode, vers le sud celui-là …

Plusieurs populations africaines vivant à l’aplomb du Nil, se rapprochent par des traditions et des rites, des descriptions légendaires du peuple Hébreu en Exode. Par exemple, les Massaï du Kenya et de Tanzanie revendiquent une origine nordique surprenante : organisés en douze tribus, ils ont comme les prêtres égyptiens horreur du poisson, ne mélangent pas le lait et la viande, pratiquent la circoncision. Selon « les secrets de l’Exode », les Massaï (de « Mess-Aï », les fils de Aï) descendraient d’une tribu nubienne très attachée à Akhenaton, une sorte de « garde suisse » qui assurait le maintien de l’ordre dans la capitale Akhetaton. Ils furent chassés dans leur Nubie originelle par le Vizir Aï car ils auraient pu par leur fidélité protéger les prêtres (les Yaouds) et le peuple atonien dont l’exode était déjà programmé.

Trois mille ans plus tard, l’état d’Israêl a reconnu comme une population « historiquement hébraïque » plusieurs tribus africaines, et en a facilité l’accueil. Ces immigrés déçus forment actuellement un prolétariat protestataire qui se superpose aux problèmes avec les palestiniens.

Prochain article: la constellation des Peuples de la mer …