On a bien démontré que lors de la prime jeunesse, des infections bactériennes mettent en place une immunité solide, qui ne “dérape pas” vers des ecxès d’hypersensibilité (atopie, asthme). Les virus, eux aussi, ont un effet similaire. Exemple, les herpes virus et l’asthme.
Le système immunitaire est historiquement divisé en une composante innée non spécifique et une composante adaptative spécifique qui présente une mémoire. Plusieurs études récentes ont revisité ce paradigme et ont montré l’influence à long terme de l’environnement sur le comportement des cellules appartenant à l’immunité innée [1].
Il est ainsi apparu que la majorité des variations entre les réponses immunes d’individus différents est définie, non pas uniquement par le patrimoine génétique, mais également par l’exposition à certaines conditions environnementales [2]. Celles-ci peuvent en effet affecter de manière durable, via des modifications épigénétiques, les cellules immunitaires innées, parmi lesquelles les cellules NK (natural killers) et les monocytes (MO). Ces modifications épigénétiques sont induites lors d’une exposition à certains stimulus et définissent la mise en place d’une réponse lors d’une exposition ultérieure soit plus intense, soit atténuée [1]. Parmi les très nombreux déterminants environnementaux qui façonnent notre système immunitaire (F, les microorganismes occupent une place centrale et laissent une empreinte d’autant plus décisive que la rencontre avec ces microorganismes se produit dans la petite enfance [3] (→).
Les réponses immunitaires de type 2, telles que les allergies respiratoires, sont particulièrement conditionnées par l’environnement [4]. Plus spécifiquement, l’asthme allergique, qui affecte plus de 300 millions de personnes dans le monde, présente une prévalence croissante, principalement dans les pays industrialisés. Cette augmentation est corrélée à une hygiène de vie renforcée et une moindre exposition aux infections durant le jeune âge qui représente une fenêtre critique pour la sensibilisation aux allergènes [4]. Parmi les microorganismes qui nous entourent, les herpèsvirus, et particulièrement les gammaherpèsvirus, ont co-évolué avec leur hôte pour s’adapter au système immunitaire et établir une infection persistante (F. Alors que ces gammaherpèsvirus favorisent les réponses immunes régulatrices des leucocytes pour se maintenir à l’état latent, leur grande prévalence suggère l’existence d’une relation quasi symbiotique avec leur hôte [5]. À ce titre, ces virus pourraient être qualifiés de « vieux amis » selon la théorie proposée par Graham A. Rook [6].
L’infection précoce par le virus d’Epstein-Barr (EBV) chez les enfants semble être un facteur de protection vis-à-vis de la sensibilisation aux immunoglobulines E (IgE) [7]. Afin de rechercher si l’infection par un gammaherpèsvirus peut protéger l’hôte du développement subséquent d’asthme allergique, nous avons utilisé l’herpèsvirus murin 4 (MuHV-4) comme modèle murin d’infection par un gammaherpèsvirus. Des administrations intranasales répétées d’extraits d’acariens ont été réalisées pour induire une allergie respiratoire chez ces souris infectées. Ces expériences ont révélé que l’infection respiratoire par le MuHV-4 inhibait à long terme le développement de l’asthme allergique [8]. En effet, alors que les souris non infectées et soumises aux extraits d’acariens ont toutes développé les caractéristiques d’une allergie respiratoire, les souris préalablement infectées par le MuHV-4 ont présenté une diminution de l’inflammation, une quasi-absence d’éosinophilie pulmonaire, une diminution de la production de cytokines de type 2 dans les voies aériennes et dans le ganglion drainant, ainsi qu’une réduction des taux sériques d’IgE circulantes. Les souris de laboratoire sont élevées dans un environnement strictement contrôlé. Elles présentent donc un système immunitaire vierge de toute influence par des pathogènes. Les expériences menées avec le MuHV-4 ont donc mis en évidence l’importance de l’exposition d’un système immunitaire naïf, comme celui des nouveau-nés ou des jeunes enfants, aux microorganismes pour l’équilibre subséquent des réactions immunitaire à l’encontre des allergènes.
Cette étude a également révélé, en accord avec l’hypothèse hygiéniste, l’influence cruciale des infections ou des stimulations antigéniques dans le jeune âge sur l’orientation subséquente des réponses immunitaires. L’hypothèse hygiéniste impliquait jusqu’à présent principalement des composés bactériens [15]. Cette étude est la première à mettre en évidence le rôle décisif que peuvent également jouer certaines infections virales pour contrebalancer à long terme le développement de réponses allergiques. Actuellement, l’incidence des immunopathologies allergiques ne cesse d’augmenter. La compréhension des mécanismes moléculaires à l’origine de propriétés régulatrices induites par les gammaherpèsvirus pourrait donc dégager de nouvelles perspectives thérapeutiques.
Article original complet sur Medecine-Science
Auteurs: Bénédicte Machiels et Laurent Gillet, docteurs vétérinaire, faculté vétérinaire de Liège.