L’usage détourné de la kétamine, un médicament anesthésique, comme hallucinogène s’installe dans la population, même chez les jeunes. Ce produit peut entraîner des comportements addictifs, avec toutes les conséquences que cela implique, et peut aussi conduire à des complications sévères, notamment urinaires. Il fait l’objet de suivis par des dispositifs de surveillance spécialisés.
La kétamine est un médicament anesthésique général pour usage humain et vétérinaire, dont la première spécialité a été commercialisée en France en 1970.
Plus de 50 ans après, ce produit est aussi de plus en plus présent dans les faits divers en France ou à l’étranger pour son usage détourné. Il en a par exemple été question suite au décès de Matthew Perry, l’un des protagonistes de la célèbre série Friends. L’ampleur que prend l’usage détourné de la kétamine comme hallucinogène, bien loin de son utilisation médicale pourtant essentielle, est sans équivalents. Comment et pourquoi en est-on arrivé à une telle situation ?
En France, les usages récréatifs explosent avec la techno des années 90
Aux États-Unis puis en Europe, les premiers cas de déviation de son usage médical vers un usage récréatif ont été décrits notamment chez des professionnels de santé (anesthésistes) ayant accès aux produits. À la fin des années 90, son usage en France gagne l’espace festif techno, où elle est proposée sous différentes appellations (Kéta, K, Kate, Spécial K, la Golden, la vétérinaire…) et consommée essentiellement par voie nasale (60-100 mg) ou orale, pour ses effets hallucinatoires.
L’usage détourné de la kétamine va également atteindre l’Asie. Elle y prendra une ampleur considérable, en particulier dans les night-clubs de Taiwan et de Hong Kong. En 2006 à Hong Kong, la kétamine est la deuxième substance psychoactive la plus consommé après l’héroïne.
Une substance sous surveillance grâce à l’addictovigilance
En France, depuis de nombreuses années, la kétamine fait l’objet de rapports nationaux d’expertise d’addictovigilance, permettant ainsi de détecter, repérer et caractériser de nouvelles pratiques d’utilisations ainsi que leurs conséquences sur la santé.
Il faut dire que la France est le seul pays en Europe à avoir mis en place depuis 1990 un dispositif de veille spécifique sur les substances psychoactives et leurs conséquences sur la santé, grâce aux treize Centres d’Évaluation et d’Information sur la Pharmacodépendance-Addictovigilance (CEIP-A) qui constituent le Réseau français d’addictovigilance.
Ce dispositif permet de connaître les substances psychoactives consommées par les patients pris en charge en France dans les structures spécialisées en addictologie, grâce à un recueil effectué chaque année durant le mois d’octobre. Sur le mois d’octobre 2012, 35 patients (0,7 %) étaient des consommateurs de kétamine. Ce chiffre ne cesse de croire depuis jusqu’à attendre 107 consommateurs (2 %) lors du recueil en octobre 2023.
Une constante progression des usagers réguliers
La proportion d’usagers réguliers de kétamine est aussi en constante progression. C’est également le cas pour ceux qui augmentent les doses de kétamine et présentent des troubles de l’usage, c’est-à-dire une addiction avec la kétamine.
Cette problématique des troubles de l’usage avec la kétamine se retrouve dans les déclarations d’addictovigilance avec des usagers qui se retrouvent en difficulté avec leur consommation. Cela se manifeste par des augmentations des doses, du craving qui décrit le besoin irrépressible de consommer, des complications dans le domaine de la santé (complications urinaires, complications sur le foie, complications psychiatriques…), des conséquences financières… ce qui amène les usagers à consulter ou à être hospitalisés.
À noter dans ce contexte de troubles de l’usage avec la kétamine, des situations cliniques qui rapportent un comportement de recherche de kétamine pharmaceutique, par des passages via les services d’urgences pour obtenir de la kétamine. Ceci témoigne des passerelles qui peuvent exister entre la kétamine dite « illicite » et la kétamine pharmaceutique.
Quant au profil des usagers, il se diversifie. Certains continuent d’utiliser la kétamine dans un contexte festif ou récréatif, d’autres pour une finalité « auto-thérapeutique » (réduction de l’anxiété, bien-être, antidouleur, amélioration de l’humeur, sevrage alcoolique…) sans que l’efficacité de la kétamine dans ces indications ait été démontrée et hors de tout accompagnement médical, ce qui les expose à des effets indésirables possiblement graves et enfin, d’autres encore à visée sexuelle, notamment dans un contexte de chemsex.
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