Les effets du café sur le sommeil sont bien connus, mais à quoi sont-ils dus ? Et pourquoi vaut-il mieux éviter de consommer de la caféine trop tard dans la journée, même si l’on y est peu sensible ? Voici les réponses.

Pour comprendre comment fonctionne la caféine, il faut tout d’abord s’attarder sur la façon dont nos cellules se procurent leur énergie, et sur les raisons pour lesquelles nous nous sentons fatigués.
Tout comme un moteur à explosion requiert de l’essence ou du gazole pour fonctionner, nos cellules utilisent un carburant pour obtenir leur énergie : la molécule d’adénosine tri-phosphate, ou ATP.
Son clivage (coupure) dégage une grande quantité d’énergie et aboutit à l’accumulation dans notre organisme d’un produit de dégradation, l’adénosine. Plus longtemps nous restons éveillés, plus l’adénosine s’accumule.
Dans le cerveau, cette accumulation a des conséquences particulières. En effet, l’augmentation des quantités d’adénosine inhiberait peu à peu le fonctionnement cérébral en renforçant la « pression de sommeil », autrement dit le besoin de dormir.
Ainsi, plus nous passons du temps éveillé, plus la fatigue s’accumule, à mesure que croissent les quantités d’adénosine. Celle-ci ensuite éliminée lorsque nous dormirons. En conjonction avec d’autres facteurs, notamment l’action d’hormones qui synchronisent notre rythme sur l’alternance jour-nuit, cette molécule joue donc un rôle important dans le sommeil. Or, la caféine interfère avec son action. Mais comment ?
La caféine trompe notre corps
Il faut savoir que les cellules de notre corps détectent la quantité d’adénosine grâce à des récepteurs présents à leur surface. On peut voir ces structures comme des sortes de « socles » faits de protéines, sur lesquels s’arriment les molécules d’adénosine.
Au cours de mes recherches, j’ai pu montrer non seulement que, dans le cerveau, la fixation de l’adénosine sur certains de ces récepteurs stimule des neurones promoteurs du sommeil, mais aussi qu’elle inhibe d’autres neurones, chargés, eux, d’empêcher les neurones promoteurs du sommeil de fonctionner.

Or, après ingestion, la caféine atteint rapidement le cerveau et s’installe sur les récepteurs voués à l’adénosine, empêchant cette dernière de les atteindre. Conséquence : l’activation des neurones promoteurs du sommeil diminue, et les mécanismes d’endormissement qui passent par l’adénosine se retrouvent en partie bloqués.
Concrètement, la caféine trompe notre corps en lui donnant l’impression qu’il a moins besoin de dormir. C’est la raison pour laquelle sa consommation augmente la latence d’endormissement. Elle réduit aussi l’efficacité du sommeil lent profond ainsi que la durée du sommeil paradoxal. Ce faisant, elle diminue donc le temps total du sommeil, particulièrement en période de dette de sommeil, qu’elle peut accentuer.
Les effets de la caféine se font sentir rapidement. En dix minutes seulement, elle commence à augmenter notre vigilance et améliore nos fonctions cognitives, en renforçant nos capacités de mémorisation et de concentration. Dans notre sang, le « pic de caféine », autrement dit sa concentration maximale, est atteint en moins d’une heure.
En revanche, s’en débarrasser prend beaucoup plus de temps. Il faut en effet attendre presque quatre heures pour que la moitié de la quantité de caféine présente dans notre corps soit éliminée. Et jusqu’à plus de quinze heures pour qu’elle soit totalement dégradée ! Sa durée d’action est donc très longue.
Suite de l’article paru chez The Conversation
Auteure: Armelle Rancillac 🔬
Neurobiologiste – Collège de France, Centre interdisciplinaire de recherche en biologie (CIRB) UMR 7241 – U1050, Inserm