Avec la médecine allopathique, on soigne la matière avec de la matière, des molécules thérapeutiques ou parfois des alicaments industriels. Les chimistes ont la haute main, on l’a vu avec la tragi-comédie médiatique de ces derniers mois: on a vu défiler des molécules, accompagnées d’interdits ou de panégyriques, tous types d’autres soins étant mis au rencard sous injonction de poursuites. Et pourtant …
Dans notre système médical, on voit mal votre généraliste vous prescrire du fenouil, sauf s’il est fourni en gélules par le pharmacien.
C’est que contrairement au remède, produit “actif” auréolé de science et forcément très onéreux, l’aliment n’est considéré que par l’addition purement comptable de ses constituants:
– sa valeur énergétique après “combustion” dans l’intestin, puis dans toutes les cellules.
– la liste des acides gras et des acides aminés, ainsi que leurs proportions respectives
– la liste des “bonus” vitaminiques, anti-oxydants ou minéraux, ceci dans un domaine quatitatif très évasif.
En fait, un effet thérapeutique n’est reconnu aux aliments qu’en présence d’états de déficience avérée, pratiquement comme un bouche-trous …
Ce n’est que depuis très récemment que la médecine se préoccupe de diététique (la science médicale de la nutrition), en pointant les travers de notre alimentation industrielle. Et encore, dans ce domaine, le marketing des distributeurs a largement pris le pas sur les alertes médicales: tel malade en apprendra plus sur son intolérance au gluten au rayon “diététique”, à travers des petits flyers ou sur les boîtages des aliments, que par son médecin du travail ou son dermatologue …
Si les biotechnologies évoluent rapidement, la pharmacopée de 2020 repose encore à 50% (en nombre de spécialités, mais pas en chiffre d’affaires!) sur des molécules d’origine végétale.
Mais l’utilisation des principes végétaux se fait avec le raisonnement du chimiste: l’étude scientifique consiste donc à les analyser, à les réduire en composantes pour isoler des “principes actifs” sous une forme chimiquement pure, afin de pouvoir élucider leur mode d’action, et en établir l’”effet dose” thérapeutique.
A l’inverse, les thérapeutes “naturels” utilisent le ‘totum” de la plante, dont on aura neutralisé la toxicité par des procédés physiques.
Ces médecines traditionnelles sont en quelque sorte l’inverse des méthodes de la pharmacologie: alors que celle-ci produit des substances chimiquement pures pour obtenir un effet localement limité (ex: puissant antibiotique pour une cystite) aussi intense que possible, les médecines naturelles proposent au contraire un mélange complexe dont l’effet doit être ajusté aussi harmonieusement que possible à l’état global d’un patient individuel (dans notre exemple, un totum à la fois décongestionnant et désinfectant urinaire, qui par ailleurs s’opposera au contact entre la muqueuse vésicale et les bactéries: sont nominées la busserole, la piloselle et la canneberge …).
Là où le pharmacologue soigne “sa” maladie, et ce sera sans doute avec un succès local, mais sans doute aussi avec des effets secondaires qui seront peut-être soignés, là encore localement par un second spécialiste (le dentiste qui passe après le neurologue pour sécheresse de la bouche due aux neuroleptiques …), le médecin holiste soigne “son”malade en ayant préalablement repéré la nature de la perturbation de l’équilibre global pour choisir la voie judicieuse du rééquilibrage.
Le premier dira “j’ai guéri cette maladie”, le second “mon malade s’est rétabli”.
Jean-Yves Gauchet