Si le miel et la gelée royale sont les deux produits de la ruche les plus ancrés dans nos esprits, nos vaillantes abeilles ont plus d’un tour dans leur jabot et leurs alvéoles … Elles savent en particulier préparer un aliment à la fois roboratif, énergétique, digeste, à base de miel et de pollen fermenté : c’est le pain d’abeilles.
C’est une production totalement négligée par les apiculteurs. Sans doute parce qu’elle est compliquée à extirper des alvéoles, elle ne coule pas comme le miel ou la gelée royale…
On l’appelle « pain d’abeilles », puisqu’il s’agit d’un aliment complet, issu d’une fermentation, et qui se conserve commodément comme son homologue des boulangeries.
De fait, c’est pour les abeilles un garde-manger dans lequel elles peuvent puiser à tout moment, aussi bien pendant la saison active que lors du repos hivernal.
Au début, est le pollen…
Le pollen est produit dans les fleurs par les anthères, on pourrait caricaturer en disant qu’il s’agit de « graines mâles » qui doivent s’en échapper puis rencontrer le terrain favorable (pistil femelle contenant les ovules) pour y germer et y introduire les gamètes mâles. Fécondation qui donnera lieu à la « vraie graine » du végétal.
Le pollen doit donc contenir des nutriments directement digérables : des glucides (environ 40% du total), des protéines (de 10 à 35%), des vitamines, avec les enzymes indispensables à leur assimilation.
L’abeille butineuse récolte ce pollen sous forme de pelotes (grains agglomérés par la production du jabot de l’insecte) et dans la ruche, va les entasser par couches successives (une couche de pollen, une couche de miel) dans certaines alvéoles.
Nota : le miel est le fruit de la transformation du nectar, une production sucrée destinée à attirer les butineuses…
Or, ce pollen, tout comme la salive des abeilles, contient des enzymes, levures, et bactéries qui vont permettre d’abord de lyser les enveloppes, puis d’assurer une fermentation complexe du contenu.
Puis une fermentation complexe…
Tout d’abord, des bactéries (Pseudomonas, Streptococcus) aérobies qui « commencent le travail », puis d’autres bactéries (Lactobacillus anaérobies) qui acidifient le substrat et enfin des levures (Saccharomyces) pour épuiser les glucides et fixer la composition.
On pourrait faire un parallèle avec la vinification, où les ferments transforment les sucres en alcool, jusqu’à un point d’équilibre où l’alcool tue les levures et stabilise le jus de la vigne.
L’ensemble du processus prend environ 15 jours, selon la température, la météo, le type de pollen… Le produit ainsi élaboré a la consistance d’un nougat, avec une saveur acidulée et une couleur différente selon les récoltes de pollen. Le goût est agréable, sucré-aigre, l’odeur est spécifique et rappelle celle du pollen.
Enfin l’Ambroisie des Dieux…
Ce trésor diététique n’a pas échappé aux peuples anciens qui l’ont considéré avec le nectar comme un attribut divin, sous le nom d’Ambroisie.
Vigueur, fécondité, longévité, l’Ambroisie dont la formule fut tenue secrète, a fait fantasmer pendant des siècles … Ce n’est que depuis les années 20 que les microbiologistes, en parallèle avec les vins, les bières et les pains, ont débusqué la composition des substrats et la liste des bactéries et levures mises en jeu.
A partir des matériaux bruts du pollen, les fermentations dégagent des nutriments exceptionnels. On estime que la valeur nutritive du pain d’abeilles est trois fois supérieure à celle du pollen.
Des abeilles diététiciennes
La fermentation (comme pour d’autres aliments comme la choucroute) constitue une prédigestion qui transforme des molécules de réserve en principes nutritifs directement assimilables, tout en synthétisant de nouvelles substances particulièrement bénéfiques.
Certes, la plante a déjà fait l’essentiel en élaborant les grains de pollen, mais les enzymes du jabot de l’abeille, puis les ferments naturels vont exercer un travail de chimie fine.
Les réserves en sucres sont hydrolysées pour donnes des petits hexoses/pentoses qui eux-mêmes vont s’associer avec des acides gras ou des protéines pour créer en quelques jours une cascade de molécules pleines de vie : vitamines, enzymes, peptides, acides gras, principes antioxydants, etc.
Concernant en particulier l’inventaire des acides aminés rendus disponibles, et en bonnes quantités, on s’aperçoit que ce pollen fermenté (à distinguer du pollen germé, qui a subi un autre cheminement physiologique) constitue un équivalent aux protéines animales, donc un excellent support nutritif pour les végétariens, et même les végétaliens, car si le pain d’abeilles est issu de la ruche, sa base-pollen est purement végétale …
Concernant tout un chacun, le pain d’abeilles est nettement plus digeste que le pollen frais, et incomparable par rapport au pollen sec, dont les coques acérées et inassimilables irritent les muqueuses de l’estomac.
Toute une pharmacie dans les alvéoles
C’est tout d’abord un puissant reconstituant, pour les personnes convalescentes, anémiées, et pour les personnes âgées dénutries.
En oncologie, il permet de booster la reconstitution du sang, en parallèle avec de la propolis et de la zéolithe.
Pour les sportifs en quête de performances, le pain d’abeilles fournit des acides aminés directement disponibles, ce qui évite la prise concomitante d’anabolisants.
A l’inverse, pour les personnes en surpoids ou en dyslipidémie, le pain d’abeilles permet de réguler les productions d’acides gras et d’insuline, et constitue un appoint idéal lors de régimes ou de jeûnes intermittents.
Sur le plan digestif, sa richesse en fibres, en acétyl-choline et en pré et probiotiques, permet de traiter aussi bien les constipations, que les entérites chroniques, parasitaires ou infectieuses.
Sur un plan général, le pain d’abeilles améliore la fluidité du sang et soutient l’activité des surrénales (régulation du stress) ainsi que les fonctions sexuelles, dans les deux sexes.
Il a été constaté une amélioration tangible dans les maladies d’hypersensibilité (asthme, eczémas) ou d‘auto-immunité (lupus, thyroïdites, etc).
De fait, le pain d’abeille cumule les qualités du pollen et celles des aliments fermentés (kéfirs, choucroute, yaourts, miso, etc), avec un « plus » certain concernant les protéines.
Une production négligée
Les apiculteurs sont peu enclins à récolter ce pain d’abeilles. Pour certains, c’est pour ne pas écorner les réserves de la ruche (en fait, l’apiculteur peut à tout moment placer dans la ruche du pollen laissé à fermenter dans un pot pour nourrir tout l’essaim).
Mais c’est surtout par la difficulté à récupérer cette substance collante ; il existe néanmoins des cadres équipés d’alvéoles artificielles très solides qui en facilitent l’extraction.
Les pains d’abeilles en vrac disponibles en France sont vendus aux alentours de 16 € les 100 grammes, c’est nettement moins cher que la gelée royale pour des indications plus larges.
Angelina Viva
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