Les protons sont le “ferraillage” de la matière. Une structure compacte et très solide, insécable dans le cadre des atomes. Et c’est à partir des protons qu’a pu s’édifier et se péréniser la matière.
Pour expliquer la structure des protons, il faut revenir bien en arrière, au moment du “big bang” lorsque dans l’agitation d’un plasma quarks-photons-gluons, le jeune univers se refroidit.
C’est alors que la force forte, l’interaction véhiculée par les gluons, devient de plus en plus forte. Chaque gluon finit par se coller à quelques quarks, et disparait. Et la matière commence à s’agéger en états lourds, génériquement appelés hadrons.
Les premières tentatives pour produire de la matière stable sont infructueuses: des paires éphémères de quarks et d’antiquarks se forment bien, liées par des gluons, mais elles sont trop instables et se séparent rapidement. Tous se passe mieux lorsque des systèmes juste un peu plus complexes apparaissent, composés de trois quarks.
Représentation schématique de la composition en quarks de valence d’un proton, avec deux quarks u et un quark d. L’interaction forte est transmise par des gluons (représentés ici par un tracé sinusoïdal). La couleur des quarks fait référence aux trois types de charges de l’interaction forte : rouge, verte et bleue. Le choix de couleur effectué ici est arbitraire, la charge de couleur circulant à travers les trois quarks.
La nouvelle configuration s’annonce prometteuse: le triplet de quarks, maintenu par des gluons qui voltigent et se collent aux quarks à tour de rôle.
L’architecture qui en résulte a la simplicité des idées géniales, comme la table à trois pieds qui trouve toujours son équilibre et ne vacille jamais … Deux quarks up de charge +2/3 et un quark down de charge -1/3 forment un système de charge positive nette +1 que l’on appelle proton.
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Ce nouveau venu est en quelque sorte un prototype de stabilité, une architecture idéale faite pour durer. La combinaison de trois quarks en rotation, pris dans la mélasse de la force forte portée par les gluons, fait de lui une forteresse imprenable. Malgré la légèreté de ses composants élémentaires, il possède une masse considérable (près de 1 giga-électron-volt) dominée par l’énergie du champ de force forte qui maintient l’ensemble. Le secret de la masse du proton réside dans cette “colle forte” qui lui donne sa stabilité légendaire.
Au fur et à mesure que l’univers se refroidit, il devient incroyablement difficile de briser les protons, les énergies traversées étant bien inférieures à leur énergie de liaison. Cela ne se produira que lors de catastrophes stellaires, il serreront alors sous forme de rayons cosmiques de haute énergie, ou bien lorsqu’on ira les titiller dans nos accélérateurs terriens …
Ce texte est issu d’un ouvrage en cours de relecture:
Genèse, par Guido Tonelli, à paraître prochainement chez Dunod.