Isothérapie végétale: rééquilibrer un terroir avec ses propres nuisibles.

Pour neutraliser les adventices nuisibles à une culture, tout en restant dans le bio, l’isothérapie est une méthode éprouvée sur le terrain, mais qui manque de fondement scientifique. Vous sentez vous concerné(e) pour rejoindre une équipe qui commence à maitriser le sujet ?

L’ambroisie, une plante envahissante, un enjeu économique et de santé publique.

L’Isothérapie est une technique qui utilise une préparation aqueuse spécifique pour la maitrise de maladies, ravageurs, adventices, etc. Une macération  dans l’alcool (teinture mère) de la substance posant problème (champignon, parasites, adventices, etc.) est fabriquée. Celle-ci est ensuite diluée et potentialisée pour arriver à la dilution souhaitée. Des traitements avec un pulvérisateur sont ensuite réalisés.  Plusieurs traitements au pulvérisateur sont ainsi réalisés en fonction des caractéristiques des sols, des cultures, des années climatiques et l’expérience des agriculteurs.

Agrotech Nature est une Association Loi 1901  qui a pour objet de favoriser la recherche sur l’isothérapie et son développement. Elle a été créée en 2020 par des personnes qui ont travaillé plusieurs années sur l’isothérapie dans le cadre de différentes structures (FRAB Champagne-Ardenne, ITAB, etc.). Les nombreuses expérimentations conduites au cours des années ont permis d’améliorer progressivement les connaissances et la compréhension des phénomènes, comme nous allons le voir. 

Agrotech Nature est ouvert à toute collaboration, tant technique que financière, pour faire avancer ce projet original et ambitieux. Si vous vous sentez concerné(e)s, contactez Bruno Taupier Letage via son mail: bruno.taupier-letage@wanadoo.fr

  1. Synthèse des résultats des essais réalisés dans le cadre de la FRAB Champagne-Ardenne, de 2008 à 2014.

Présentation des essais

Au cours de ces sept années, des expérimentations visant la maitrise les adventices, en plein champ et en laboratoire ont été conduites. Des enquêtes chez d’autres agriculteurs utilisateurs ont aussi eu lieu afin d’étudier et comprendre les systèmes de cultures qui semblaient le mieux  convenir à l’utilisation de ces préparations.

En grandes cultures (orge de printemps essentiellement, en conventionnel et en bio),  des essais chez différents agriculteurs ont été réalisés: parcelles élémentaires adjacentes de surface variable selon les agriculteurs, la taille des parcelles, leur matériel à disposition (largeur du pulvérisateur), avec ou sans répétitions, 3 ou 4 modalités. Les préparations étaient élaborées à partir des principales espèces d’adventices présentes sur les parcelles, par les agriculteurs expérimentateurs. Le niveau des dilutions utilisées a été fixé un peu empiriquement à dire d’experts et en fonction de l’expérience des agriculteurs.

Sur un certain nombre de placettes réparties sur les différentes modalités (pour pouvoir obtenir des résultats statistiques), des mesures de densité,  de quantité et pourcentage de biomasse sur adventices et cultures, ont été réalisées tout au long du cycle des culture. Les protocoles ont été progressivement affinés au fil des années d’expériences.

 Les rendements des cultures, lorsqu’ils ont été mesurés, l’ont été sur chaque bande adjacente de 2400 m2 (24 m de largeur correspondant au passage de la rampe du pulvérisateur sur 100 m de longueur)  directement par la moissonneuse batteuse.

Des calculs de marge brute ont parfois aussi été conduits, lorsque les informations étaient disponibles.

En 2014, en laboratoire et sous serre, des essais de germination et de croissance sur ray grass et chénopodes ont été menés à l’INRA de Dijon avec plusieurs modalités et dilution, pour affiner la compréhension des résultats. 

Résultats

Les  résultats des expérimentations réalisées en plein champ, de 2008 à 2012 sont globalement positifs. Ils sont variables, avec une maitrise des adventices par ces préparations diluées plus ou moins efficace selon les années, avec parfois quelques rares incidents (présence de maladies). Ils apportent des informations sur le fonctionnement de ces préparations diluées. En effet, il apparaît que celles-ci ne joueraient pas sur la densité des adventices présentes, mais qu’elles réduiraient ou inhiberaient leur développement, ce qui les rendraient moins concurrentielles vis-à-vis des cultures. Ces préparations ne sont donc pas un substitut aux herbicides de synthèse, elles ne tuent pas les adventices, mais elles ont une action sur la croissance des plantes traitées. Ce qui permet de préserver aussi une certaine biodiversité dans la parcelle.

Les résultats sur les rendements des parcelles traitées en isothérapie sont variables selon les années et les parcelles. Ils peuvent être équivalents à la modalité conventionnelle, ou intermédiaires entre la modalité conventionnelle et la modalité témoin (non traitée), voire pas de différences entre les différentes modalités. Sur 7 essais dans lesquels des mesures de rendements ont été réalisées, les rendements dans 3 essais sont équivalents entre les modalités conventionnelles et les modalités traitées avec isothérapie et dans 4 parcelles, les rendements des modalités conventionnelles sont supérieurs aux modalités avec isothérapie. En effet, en 2012, sur les 2 essais, les modalités conventionnelles ont mieux résisté à des conditions climatiques très difficiles que les parcelles avec isothérapie car les attaques fongiques ont été mieux gérées par les fongicides de synthèse, comparées aux huiles essentielles. 

Les résultats sur les marges brutes sont variables selon les années, mais ils peuvent être  parfois équivalents voire supérieurs aux modalités conventionnelles. En effet à rendement équivalent, les économies réalisées sur l’achat des herbicides contribuent largement à la baisse des couts de production. De plus, le prix supérieur des céréales bio peut accentuer les écarts. Ces résultats semblent aussi liés à l’expérience des agriculteurs et aux caractéristiques des parcelles, aussi bien en agriculture biologique qu’en agriculture conventionnelle.

En 2014, des effets de ces préparations sur la germination et sur la croissance du ray grass et du chénopode blanc ont été constatés en conditions contrôlées à l’Inra de Dijon. Des effets sur la croissance des adventices et sur la culture en place ont aussi été  observés au champ.

Les effets observés ne sont pas constants sur l’ensemble des essais en plein champ et sont parfois contradictoires. Ce qui pose des questions sur le fonctionnement de ces préparations et leurs conditions de réussite.

Les essais en serre devraient être renouvelés pour pouvoir mieux caractériser les effets de ces préparations sur la germination et la croissance des plantules.

Ces techniques de préparations diluées semblent fonctionner, mais nécessitent d’être mieux maitrisées.  Il semblerait nécessaire d’optimiser les techniques de fabrication de ces préparations, peut-être aussi le niveau de dilution, actuellement assez empirique. Elles nécessiteraient aussi d’être étudiées de façon plus approfondies, à la fois en laboratoire et au champ,  afin de mieux connaitre leur mode d’action et fiabiliser leur efficacité. Les protocoles d’expérimentations ont aussi été progressivement améliorés au cours des essais, en utilisant des critères d’observations plus pertinents. Ceux-ci pourraient aussi être discutés ?

Pour ces agriculteurs expérimentateurs, en bio comme en conventionnel, il n’est pas question de revenir en arrière, même si les résultats variables des essais réalisés ne reflètent pas toujours l’intérêt qu’ils y trouvent, tant sur les plans techniques qu’économiques.

  1. Essais et résultats avec l’Itab 2018-2019

L’objectif principal  était de mettre au point une méthode permettant de maitriser les adventices en grandes cultures à l’aide de préparations aqueuses. L’isothérapie a ainsi été testée sur l’ambroisie, une plante fortement invasive qui pose d’importants problèmes agricoles et de santé publique.. Une teinture mère est réalisée à partir d’ambroisies. Celle-ci est ensuite diluée et dynamisée pour arriver à la dilution souhaitée.

Grace à l’expérience acquise avec la FRAB Champagne Ardennes et la mise au point d’un dispositif EDS (Electrophotonic Dataphoton System) par la Société Electrophotonique Ingéniérie (reprise par la Sarl Développement Durable), permettant de tester les dilutions, nous avons pu fiabiliser le choix de ces  dilutions isothérapiques.  

L’utilisation de ce dispositif de captation de photons (EDS) nous a permis de sélectionner les dilutions les plus pertinentes. Celles-ci ont ensuite  été testées en laboratoire (Sachot, 2018) à l’Inra de Dijon sur ivraie et ambroisie. « L’effet des solutions homéopathique n’est pas significativement différent de l’ensemble des témoins, néanmoins, nous avons observé des effets non négligeables des dilutions sur la germination et la croissance des adventices » (Sachot 2018).

En 2e année (2019), des essais sur l’ambroisie ont été réalisés chez quelques agriculteurs de la Drôme. Une douzaine de parcelles ont été suivies, avec des cultures très variées (blé, maïs, soja, tournesol, pois, sarrasin, petit épeautre, pois chiche, sorgho) chez 4 agriculteurs. Les observations ont porté sur la germination et la croissance de l’ambroisie. Les tests par l’électrophotonique ont permis de sélectionner la dilution 5 CH. Des mesures de bioélectronique sur les sols ont évalué l’aptitude des sols des parcelles à recevoir ces dilutions.

Résultats sur les parcelles et l’impact sur l’ambroisie

Sur les 11 parcelles traitées avec l’isothérapie : 5 d’entre elles (soja T, soja avec kanné, blé, sarrasin, sorgho 1 et 2) montrent des différences significatives (p-value < 5%) ou des tendances favorables (p-value < 10%) ; 3 parcelles (maïs, tournesol, soja T sans kanné) montrent des effets variables selon les comptages, entre les parties traitées et non traitées ; 2 parcelles (soja et petit épeautre) ne montrent pas de différences significatives même si on observe tout de même un plus grand nombre d’ambroisies dans les parties témoins que dans les parties traitées ; la parcelle de pois chiche est en défaveur de l’isothérapie, sans qu’une explication puisse être proposée.

Impact sur la germination et la croissance de l’ambroisie

Concernant l’action sur la germination de l’ambroisie, sur certaines cultures (soja, sorgho, maïs), les traitements avec l’isothérapie ont donné des différences significatives (p-value < 5%) ou des tendances favorables (p-value < 10%) sur la réduction du nombre d’ambroisie.

Pour ce qui concerne l’action sur la croissance des ambroisies, l’isothérapie entraine, selon les comptages, certains retards de croissance qui cependant ne sont pas validés par les tests statistiques.

Globalement, exceptée la parcelle de pois chiche, dans toutes les autres parcelles, la densité d’ambroisie est réduite, avec ou sans résultats significatifs. Ce qui peut  favoriser les cultures en place.

Ces résultats sont un peu différents de ceux obtenus en Champagne Ardenne (il n’a pas été constatée d’influence sur la densité des adventices mais celles-ci sont plus chétives, moins concurrentielles). L’expérimentation s’est aussi focalisée sur une seule adventice, l’ambroisie, sans tenir compte des interactions possibles avec les autres adventices présentes. D’autres recherches seraient nécessaires pour approfondir ces questions. 

  • Autres essais réalisées

3.1. Sur vignes, un essai prospectif a été réalisé en 2008 sur le mildiou à Mailly en Champagne. La pression mildiou a été importante sur la parcelle d’essai avec notamment des attaques sur grappes significatives.

– Sur Pinots noirs, aucun effet des préparations n’a été constaté sur feuilles et grappes, comparé au témoin.

– Sur Chardonnay, pas de d’effets sur feuilles. Par contre, sur grappes, l’intensité de l’attaque observée sur la modalité « dilution » est statistiquement moins importante par rapport à la modalité témoin.

3.2. Sur adventices en Martinique en 2019, un traitement de maitrise des adventices sur une parcelle très enherbée a été très efficace (constat visuel).

3.3. Sur une parcelle de citronniers en Martinique, en 2009, des traitements contre la fumagine ont semblé très efficaces.

  • Approche économique

L’utilisation la technique isothérapie bien maitrisée devrait permettre de réaliser des économies conséquentes essentiellement sur le prix des produits phytosanitaires non utilisés pour la maitrise des maladies, ravageurs et adventices.

Une étude réalisée par  des Associations de Gestion et de Comptabilité et des Chambres d’Agriculture du Grand Ouest portant  sur les « Références économiques 2021 des Entreprises Agricoles du GRAND OUEST » en grandes cultures chiffre le poste achat de produits phytosanitaires à 159 € par hectare. Cette étude a été réalisée à partir des comptabilités d’un échantillon de 871 exploitations en grandes cultures, ce qui lui donne une bonne représentativité de la réalité. Ces exploitations agricoles en grandes cultures ont une surface moyenne de 126 ha. Le calcul montre que cela permettrait une économie par exploitation d’environ 20 000 €. Ce qui est très loin d’être négligeable.

On pourrait aussi rajouter, mais ceci est plus difficilement chiffrable, le cout de non pollution par la non utilisation de ces produits phytosanitaires sur l’environnement (l’eau, les sols et l’air), ainsi que sur  l’amélioration de la biodiversité. 

Au niveau de l’agriculteur, pour obtenir ces préparations isothérapiques, deux options seraient possibles : soit l’agriculteur fabrique  lui-même ses préparations, ce qui nécessiterait un peu de temps, mais aurait  un cout négligeable de matière première. Avec une formation adaptée, cela semblerait la meilleure solution, en tout cas la plus économique. Soit il achète les produits déjà fabriqués. Mais toute la chaine de fabrication et de distribution  serait alors à organiser.

En Champagne Ardenne, dans les années 2015, il y avait une 20e d’agriculteurs qui utilisaient l’isothérapie sur environ 2500 hectares. Actuellement, différentes petites structures travaillent sur l’isothérapie ou l’homéopathie végétale. Deux cents agriculteurs environ, ainsi qu’un certain nombre de jardiniers amateurs  ont été formés à ces techniques sans qu’on puisse connaitre les surfaces traitées. Des agriculteurs du Grand Ouest ont aussi suivi ces formations, ce qui permettra de s’appuyer sur eux pour démarrer les expérimentations en plein champ.

Par ailleurs une société a vendu à une soixantaine d’agriculteurs du matériel pour fabriquer eux-mêmes ces préparations isothérapiques.

Conclusion

Les essais ont montré des effets positifs de l’utilisation de l’isothérapie, confortés par un certain nombre d’agriculteurs. Cependant ces résultats nécessitent d’être fiabilisés pour pouvoir changer d’échelle. Un certain nombre de facteurs de réussite ne sont pas encore assez précisés pour garantir l’efficacité des traitements utilisés.

L’utilisation du dispositif EDS a permis de faire un grand pas sur la connaissance du niveau de dilution à utiliser. Et a permis de sortir un peu de l’empirisme. Mais beaucoup de questions sont encore à préciser, notamment sur les traitements (nombre, périodes de traitements, etc.), sur les dilutions (nos essais ont concerné essentiellement les adventices, mais d’autres sont à faire, notamment sur le phytosanitaire), etc.

Des recherches plus fondamentales sont aussi nécessaires pour expliquer le fonctionnement de ces dilutions. Un modèle théorique démontrant le bien-fondé de la technique, basé sur la physique quantique, est proposé mais il a besoin d’être validé scientifiquement. La Société Thalès serait intéressée pour approfondir cette problématique.

Enfin, un important volet formation, de transmission des savoirs, allant de la fabrication des dilutions à leur utilisation sur le terrain, est à mettre en place pour les agriculteurs et les techniciens qui les conseillent. Un accompagnement au changement est indispensable, si on veut garantir la réussite du projet à plus grande échelle.

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Contact: <bruno.taupier-letage@wanadoo.fr>

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