La diminution du tremblement obtenue avec des ultrasons de faible intensité – une première mondiale – démontre qu’il est possible de stimuler des régions profondes du cerveau de façon non invasive, en focalisant précisément les faisceaux ultrasonores à travers la boite crânienne.
Le tremblement essentiel est une maladie neurologique fréquente qui se traduit par des tremblements incontrôlables. Elle peut prendre des formes sévères, souvent résistantes aux traitements médicamenteux.
Un traitement chirurgical est possible, par stimulation cérébrale profonde du noyau Ventral Intermédiaire (VIM) du thalamus. Mais il nécessite une anesthésie et une trépanation, difficile à réaliser, voire contre-indiquée chez des patients âgés ou avec des lésions vasculaires cérébrales.
Un nouveau traitement, non invasif, qui a fait l’objet d’un essai clinique à l’Institut du cerveau (ICM, CNRS/Inserm/Sorbonne Université), est désormais proposé aux patients de l’hôpital de la Pitié Salpêtrière (APHP) : la thalamotomie par ultrasons focalisés de forte puissance (HIFU, pour High Intensity Focused Ultrasound). Cette technique a été mise au point grâce aux développements technologiques sur les ultrasons transcraniens menés durant ces vingt dernières années, notamment par l’équipe de Jean-François Aubry à l’institut Physique pour la médecine (PhysMed, CNRS/Inserm/ESPCI Paris-PSL)1 .
Sans ouverture de la boîte crânienne, ni même d’ouverture cutanée, le nouveau traitement consiste à concentrer précisément un faisceau ultrasonore afin de créer une lésion millimétriquedu noyau ventral intermédiaire, par augmentation de la température au point focal. Le traitement se fait en deux étapes.
La cible des ultrasons est d’abord précisément localisée en augmentant faiblement la température intracérébrale, afin de contrôler que l’on obtient effectivement un effet thérapeutique : une réduction transitoire du tremblement, en l’absence d’effets indésirables. Lorsque l’effet thérapeutique est jugé satisfaisant, une lésion définitive du VIM est effectuée en augmentant fortement la température, afin de permettre un contrôle durable du tremblement.
L’essai clinique réalisé sur un ensemble des 15 patients a permis d’observer une diminution significative du tremblement du membre supérieur dès la fin du traitement, facilitant ainsi des gestes simples de la vie quotidienne (écrire, dessiner, se servir de couverts ou d’un verre), ou même des activités plus complexes comme jouer d’un instrument de musique. Pour ce premier essai, le traitement est unilatéral, appliqué à la main dominante uniquement.
Mais cet essai clinique a aussi été l’occasion d’une première mondiale : la démonstration, lors de la première étape du traitement, que des ultrasons pulsés de très faible puissance sont capables de moduler l’activité cérébrale de la région ciblée sans la léser, et sans aucune augmentation de température. Cette technique permettrait ainsi de tester de nouvelles cibles thérapeutiques dans le cerveau, par exemple pour soigner le tremblement parkinsonien, avant d’effectuer un traitement effectif par élévation de température. Les ultrasons de faible puissance pourraient aussi, à plus long terme, être utilisés pour soigner des patients souffrant de dépression profonde résistante aux médicaments, ou encore pour traiter l’addiction ou les troubles de la conscience. Les chercheurs de l’institut Physique pour la médecine ont créé la start-up Sonomind pour développer un instrument compact dédié à la focalisation des ultrasons transcrâniens de faible puissance, et destiné aux médecins.
Contact
Jean-François Aubry Directeur de recherche CNRS à l’institut Physique pour la médecine (PhysMed, CNRS/Inserm /ESPCI Paris-PSL)