Compétition cellulaire : quand les forces mécaniques sculptent nos tissus.

La compétition cellulaire est un mécanisme de surveillance essentiel qui élimine les cellules indésirables, jouant un rôle clé dans le développement, la réponse aux infections et la formation des tumeurs.

Compétition cellulaire mécanique par dissipation des fluctuations des contraintes de stress via l’intensité des adhésions intercellulaires. (illustration Lucas Anger)

La compétition entre les cellules joue un rôle essentiel dans le maintien de la santé des tissus, la lutte contre les infections et la prévention du développement de tumeurs.

Malgré son importance, les mécanismes fondamentaux qui régissent ce phénomène restent encore mal compris. Lorsque des cellules sont considérées comme perdantes, elles peuvent être éliminées par des signaux biochimiques qui entraînent leur mort. Cependant, plusieurs études ont montré que la compétition cellulaire peut également être influencée par des forces mécaniques. Selon le consensus actuel, les cellules « gagnantes » exercent une pression sur les cellules « perdantes », favorisant ainsi leur mort et leur élimination. 

Dans un article publié dans la revue Nature Materials, des scientifiques ont pu montrer que certes, les tensions mécaniques jouaient un rôle fondamental dans les processus de compétition cellulaire, mais que, contrairement aux modèles établis, les cellules gagnantes pouvaient être sous compression tandis que les cellules éliminées étaient sous tension. Les scientifiques ont donc cherché à déterminer des mécanismes généraux pouvant expliquer la compétition mécanique. Ils ont émis l’hypothèse que la modification de la transmission des forces entre les cellules, en ajustant l’adhésion intercellulaire, pourrait déclencher une compétition et influencer fortement son issue.

Les forces mécaniques : un rôle inattendu dans la compétition cellulaire

En mesurant directement les forces au sein de tissus ex vivo et de différentes lignées cellulaires, les scientifiques ont découvert que les cellules ayant une adhésion intercellulaire plus forte et transmettant donc mieux les forces, l’emportent systématiquement. Ce mécanisme fonctionne indépendamment de la compression des cellules perdantes, des différences de taux de croissance ou de densité cellulaire. 

En mélangeant des types cellulaires dont l’un avait des jonctions adhérentes altérées, ils ont pu mesurer des fluctuations accrues des contraintes mécaniques aux interfaces entre les deux tissus. Si ces variations de stress local ne sont pas efficacement dissipées par les cellules situées à la frontière, elles génèrent des tensions importantes hors du plan, conduisant à l’élimination cellulaire. Lorsque des cellules ayant des capacités différentes à transmettre les forces s’affrontent, l’adhésion intercellulaire constitue une stratégie gagnante : elle permet aux cellules dominantes de mieux absorber les fluctuations de stress. Ainsi, ces résultats révèlent un mécanisme inédit, fondé sur la résistance active à l’élimination par le renforcement de l’adhésion intercellulaire. Ce mécanisme d’élimination cellulaire pourrait avoir des implications majeures, notamment dans le maintien des frontières tissulaires et la compréhension des pathologies liées à l’invasion cellulaire, comme le cancer.

Référence : Force transmission is a master regulator of mechanical cell competition. Andreas Schoenit, Siavash Monfared, Lucas Anger, Carine Rosse, Varun Venkatesh, Lakshmi Balasubramaniam, Elisabetta Marangoni, Philippe Chavrier, René-Marc Mège, Amin Doostmohammadi & Benoit Ladoux. 
Nature Materials, 14 mars 2025, DOI : https://www.nature.com/articles/s41563-025-02150-9

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admin1402

Vétérinaire à Toulouse, je gère bénévolement ce blog suite à l'arrêt de parution du journal "paper" Effervesciences" survenue durant la crise covid. Désormais, les infos sont en ligne, gratuietement.