Pourquoi l’océan est-il si important pour le climat ?

Quand on parle de réchauffement climatique, on pense souvent à l’air qui se réchauffe. Mais c’est l’océan qui, grâce aux courants marins et aux propriétés exceptionnelles de l’eau, a jusqu’à présent absorbé frontalement une grande partie du réchauffement. 

Depuis les années 1960, le domaine de l’observation des océans a été transformé par d’importantes avancées technologiques et numériques. La transition vers une approche globale de surveillance de la santé de l’océan s’est fait grâce à l’émergence d’instruments in situ déployés en mer et de satellites qui permettent d’observer la Terre depuis l’espace, et grâce à l’amélioration des modèles numériques.

Progressivement, les scientifiques du monde entier ont su mettre l’océan à cœur ouvert. Aujourd’hui, les scientifiques sont unanimes : le changement climatique est bien en cours, et il a des conséquences dramatiques sur l’état de santé d’un océan qui a déjà absorbé 90 % de l’excès de chaleur et 26 % des émissions de CO₂ dus à nos activités humaines. Par exemple, une eau plus acide et plus chaude menace les écosystèmes marins comme les coraux, les coquillages et toute la chaîne alimentaire océanique.

Les scientifiques observent également que trois des neuf limites planétaires sont déjà franchies et que, parmi les dix principaux risques pour la décennie 2025-2035 à venir, quatre d’entre eux sont liés à l’environnement et à l’état de santé de l’océan.

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Quatre des neuf limites planétaires impliquent l’océan. CGDD 2023

L’océan est le pilier de la machine climatique

Le système climatique, alimenté en énergie par le soleil, est principalement composé de réservoirs et de flux entre ces réservoirs. La planète Terre compte ainsi trois grands compartiments que sont l’atmosphère, les surfaces continentales et les océans. Les flux entre ces réservoirs sont principalement des flux de matières, d’énergie et de chaleur.

Les océans ne forment qu’un, connectés entre eux au pôle Sud par l’intermédiaire de l’anneau austral qui encercle le continent antarctique. Cet océan est l’unique enveloppe fluide de notre planète, couvrant plus des deux tiers de la surface du globe et représentant près de 96 % de l’eau disponible sur Terre. L’océan et l’atmosphère sont en contact permanent et les échanges air-mer se font principalement sur la base du cycle de l’eau, par exemple lors des précipitations ou de l’évaporation de l’eau de mer. Ces échanges continus permettent l’équilibre du système climatique par la redistribution des flux et l’installation des différentes conditions climatiques dans chaque région du monde.

En particulier, la chaleur et le CO2 atmosphériques sont absorbés par l’océan à l’interface air-mer, puis transportés et redistribués sur le globe grâce aux courants marins et à l’activité biologique marine. Cette circulation s’effectue dans chacun des bassins océaniques, du nord au sud et d’ouest en est. Mais elle est aussi verticale, entre la surface et les très grandes profondeurs marines. Sa profondeur moyenne de 3 800 mètres fait de l’océan un immense réservoir de chaleur doté d’une très forte inertie thermique, du fait des propriétés physiques de l’eau.

deux schemas pour indiquer la cuirculation océanique
La circulation océanique se fait à l’échelle du globe et sur la profondeur de l’océan. Plateforme Océan & ClimatCC BY

Par la capacité de ses courants marins à absorber, à transporter puis à stocker dans ses plus grandes profondeurs les signaux atmosphériques et les nombreux flux provenant des autres réservoirs, l’océan joue un rôle clé dans les mécanismes climatiques globaux et dans l’équilibre planétaire. Il est un des piliers du système climatique, de sorte que les scientifiques le qualifient de « thermostat de la planète ».

Un océan à cœur ouvert grâce au système global d’observation des océans, sous l’égide de l’Unesco

Pour comprendre le système climatique, les scientifiques se basent sur la combinaison de trois types d’observations océaniques :

  • les mesures in situ, collectées en mer et qui fournissent des données détaillées sur les couches sous-marines pour surveiller la variabilité des océans en profondeur et les changements à long terme ;
  • les observations par satellite, offrant une couverture spatiale étendue des premiers mètres de la surface océanique pour suivre l’élévation du niveau de la mer, la couleur des océans, la température et la salinité de surface ou encore la productivité primaire marine ;
  • les modèles numériques et l’assimilation des données qui synthétisent les observations afin de décrire l’évolution passée, présente et future des océans.

Aujourd’hui, les observations océaniques englobent un large éventail de paramètres physiques (température, salinité…), biogéochimiques (oxygène, carbone dissous…) et biologiques (phytoplancton, zooplancton…) essentiels à l’évaluation du climat, à la gestion des ressources marines et aux systèmes d’alerte précoce. Elles sont la seule source fiable d’informations sur l’état des océans et du climat, et viennent améliorer et valider les modèles numériques pour affiner leurs prévisions.

Le Global Ocean Observing System (GOOS), programme international créé au début des années 1990 après la deuxième Conférence mondiale sur le climat de Genève et le Sommet de la Terre à Rio de Janeiro, coordonne l’observation et la surveillance de l’océan à l’échelle de la planète. Son objectif est de mieux comprendre l’état de l’océan, prévoir son évolution et soutenir la prise de décisions face aux enjeux climatiques, environnementaux et sociétaux.

Il fonctionne comme un réseau mondial intégré d’observations océaniques, combinant des données issues de satellites, de bouées, de flotteurs profilants (comme le programme Argo), de navires et de stations côtières.

Les données collectées par le réseau d’observations coordonnées par GOOS sont gratuites et ouvertes, accessibles non seulement aux chercheuses et chercheurs, mais aussi aux actrices et acteurs de la société civile, aux entreprises, aux collectivités locales et à toute organisation impliquée dans la gestion ou la protection de l’océan. Ces informations sont essentielles pour surveiller la santé des écosystèmes marins, anticiper les événements extrêmes, soutenir les politiques climatiques et favoriser une économie bleue durable.

Suite de l’article paru dans TheConversation.

Auteur:

Sabrina Speich

Professeure en océanographie et sciences du climat, École normale supérieure (ENS) – PSL

Publié par

admin1402

Vétérinaire à Toulouse, je gère bénévolement ce blog suite à l'arrêt de parution du journal "paper" Effervesciences" survenue durant la crise covid. Désormais, les infos sont en ligne, gratuietement.