L’hormèse, cette fabuleuse capacité de l’organisme à l’auto-guérison : le jeûne (3)

Connaissant mieux ce phénomène auto-régulateur, la médecine peut s’appuyer sur ces facteurs de stress contrôlés pour assurer la santé en retour. Mais avec des procédés (jeûne, froid, efforts physiques) qui ne sont pas moléculaires. Donc pas orthodoxes …

Articles précédents: l’hormèse, qu’est ce que c’est ? et L’hormèse, comment ça marche ?

Nous l’avons vu, l’hormésis est un phénomène global qu’on observe, qu’on mesure, mais qui repose sur une mosaïque d’effecteurs dont on ne connait pas toutes les relations.

On ne peut donc pas le présenter actuellement comme une discipline médicale.

On en reste donc à en appliquer le principe chaque fois qu’il apparaît judicieux

la restriction alimentaire et le jeûne
C’est le “stress” le plus simple à organiser, puisqu’il s’agit … de moins manger.

On tombe là dans la tarte à la crême de tous ces régimes destinés sur- tout à “garder la ligne”, très secondairement à retrouver les bases d’une bonne santé. Ces “mini- régimes” visent à perdre 3 à 6% du poids corporel, sans vraiment modifier son style de vie … Où est le stress, où est la contrainte ?

La véritable restriction alimentaire n’intervient que si l’on fait l’impasse sur au moins 30% de la ration énergétique. Soit pour le patient moyen 2000 Kcal au lieu de 3000. Et ceci le plus tôt possible dans la vie, une fois la croissance terminée.

Les analyses sanguines comme l’observation clinique, montrent qu’avec cette conduite alimentaire, les organes fonctionnent tout à fait nor- malement, les pathologies cardiaques , métaboliques (diabète, obésité) se font très rares, ainsi que les cancers et les maladies auto-immunes. On a observé ces modes de vie en Crête, dans certaines iles japonaies …

Ceci nous montre que notre mode de vie repose sur un excès quotidien de nourriture, lequel se transforme en déchets : notre organisme est plus sollicité pour éliminer ses déchets, que pour gérer une physiologie de santé.

Mais on peut aller plus loin dans la restriction, et imposer au corps un réel stress aux répercussions importantes, c’est bien sûr le jeûne.

Le jeûne est un évènement très fréquent dans le monde animal, mais comme il n’est pas volontaire, on lui donne d’autres dénominations comme “période sexuelle”, hibernation”, ou bien “stade pupal” chez les arthropodes. Pourtant, il s’agit bien d’un jeûne qui accompagne une fonction physiologique liée à un évènement vital pour l’animal.

Les migrateurs passent plusieurs mois de l’année à accumuler des ré- serves jusqu’à un stade sub-pathologique (le foie “gras” des palmi- pèdes est en soi une pré-cirrhose …), puis se lancent dans l’aventure migratoire sans jamais se restaurer, pour perdre 50% de leur poids (oiseaux) ou carrément mourir (saumons). Bien sûr, il s’agit d’anti-exem- ples pour appliquer le jeûne à l’homme … L’hibernation est un état de sommeil durant lequel la respiration, la circulation et tout le mé- tabolisme sont considérablement diminués, lorsque les animaux s’a- britent pendant l’hiver. La chaleur du corps s’abaisse jusqu’à atteindre la température de l’air ambiant, et les animaux consomment lentement leurs réserves (et rien que leurs réserves), pour perdre entre 30 et 40% de leur poids.

Un poisson, le dipneuste, subit alors une modification physiologique primordiale : ses branchies cessent de fonctionner, et des petits poumons thoraciques prennent le relais pour assurer l’oxygénation. Est-ce par ce phénomène que sont apparus les premiers vertébrés terrestres ?

Restons dans les métamorphoses

Chez les batraciens comme chez les arthropodes, les larves se développent dans un écosystème favorable, elles engloutissent sans autre activité le maximum de nutriments qui s’accumulent sous forme de masses indifférenciées de tissus de réserves. Puis ces larves s’isolent et s’entourent d’une coque de protection, c’est le stade de pupe. Alors se produit le phénomène inverse: un catabolisme intense de tous les tissus larvaires et des substances de réserve, et un remodelage complet de tout l’organisme pour fonder un nouvel individu. Entre la chenille et le papillon, à part un réseau de cellules nerveuses et sensitives, tous les tissus sont lysés , puis rebâtis selon un nouveau modèle . Le jeûne total et l’inactivité ont été mis à profit pour créer un nouvel organisme. Avec le même ADN, mais avec une expression de gènes différents.

Chez les batraciens, il n’y a pas de stade pupal : le têtard sous l’influen- ce de ses hormones thyroïdiennes, va insensiblement remodeler son corps, avec l’apparition de nouveaux tissus (les membres, les poumons) et de nouvelles fonctions (la chasse, la sexualité). Les phases de catabolisme et d’anabolisme sont concomitantes et très bien réglées, car la petite grenouille arrive en pleine forme pour se nourrir enfin d’insectes et pour entamer sa période de reproduction.

Ainsi, des animaux nous montrent que le jeûne est pour eux une attitude correspondant à un besoin physiologique, attitude qu’ils adoptent par instinct, car ils sont programmés dans ce sens, lors de certaines circonstances.

L’Homme n’agit pas par instinct, mais vit dans un consensus social où l’alimentation a une part primordiale. Les repas sont des rites, leurs modalités et les saveurs sont l’objet de consignes civiques (cantines scolaires) encadrées par des considérations religieuses et médicales.

Les religions monothéistes ont imposé des périodes de jeûne, sans argumentation hygiénique, mais comme une contrainte exigée, une preuve de la foi du croyant.

On comprend bien que de tels préceptes ne pouvaient que s’opposer à une médecine scientifique laïque : au résultat, un blocage total du système médical sur le sujet, des alertes permanentes concernant ces pratiques, la mise à l’index (les fameuses “pratiques sectaires”) des pratiquants et des prosélytes.

Que se passe t’il lors- qu’on met en route un jeûne ? Dès les premières heures, l’organisme consomme l’ATP musculaire et le glucose (glycogène) du foie et des muscles. Mais ces réserves s’épuisent vite, et au bout de 48 heures, l’énergie est recrutée via d’autres voies de “néoglycoformation”, à partir des réserves graisseuses et de protéines non essentielles. Notons au passage que les animaux qui hibernent présentent des accumulation de “graisse brune” très facilement transformée en acides gras énergétiques, contrairement à notre “graisse blanche” plus difficile à lyser. Le nourrisson humain “sait” faire de la graisse brune, puis perd cette capacité au cours de l’enfance.

Ainsi, durant les deux premiers jours du jeûne, l’organisme se met au repos et consomme son superflu de glycogène. Ce n’est qu’ensuite que le jeûne provoque une “digestion interne” de nombreux éléments cel- lulaires.

Et l’on comprend pourquoi des pratiques comme le Ramadan, où l’on consomme le soir ce dont on s’est privé dans la journée, n’aient pas les résultats physiologiques du jeûne : on s’impose un décalage des prises alimentaires, mais pas de réelle restriction… Pourtant, sur le mois de durée de cette épreuve, les effets cumulés reviennent à un jeûne intermittent.

C’est donc au delà de ces premières 48 heures que des phénomènes cellulaires se mettent en route :

– autolyse de constituants intracellulaires, avec leur digestion (lyso- some) et la mise à disposition de ces ressources biologiques (acides aminés, acides gras, cholestérol) pour fournir de l’énergie, ou bien édifier de nouveaux tissus.

– lancement d’un programme d’apoptose qui va entraîner le “suicide” de millions de cellules non essentielles (adipocytes, fibroblastes) ou encombrantes (macrophages spumeux, baso et éosinophiles).

– réorganisation du mode d’expression de certains gènes. C’est le phénomène essentiel lors des métamorphoses : le papillon est complète- ment différent de la chenille, les gènes larvaires se trouvent inactivés, alors que les gènes de l’adulte se mettent en route. Et tout ça avec le même génôme …

L’ Homo jeûnatus ne prétend pas se métamorphoser, mais il subit néanmoins des transformations physiologiques étonnantes : modifica- tions des goûts alimentaires, réduction des ad- dictions, réorganisations tissulaires durables …

Autant de phénomènes qui se produisent sans douleur, sans inflam- mation, qui sont les signes de mort cellulaire par nécrose, ces signes qu’on ressent lors de maladies infectieuses ou organiques accom- pagnées de fièvres et de souffrances : le jeûne est une épreuve, mais certainement pas une maladie.
La dénutrition, elle, cette pathologie qu’on connait bien en particulier dans les hôpitaux où les malades subissent des agressions extérieures (viroses, intoxications, chimiothérapies), s’explique par l’accumulation dans l’organisme de radicaux libres, de cytokines et de prostaglan- dines inflammatoires, qui provoquent des dégats cellulaires très douloureux … ainsi que la maigreur et l’inappétence. Une sorte d’antithèse du jeûne.

Les applications médicales
du jeûne sont nombreuses

Les applications médicales du jeûne sont nombreuses, nous les notons régulièrement dans Effervesciences. Elles vont de l’évidente cure de repos / détoxication, jusqu’aux récentes reconnaissances des bienfaits du jeûne en préparation aux chimiothérapies (lire Effervesciences 81). Concernant le jeûne pour enrayer les méfaits de l’âge, tout ce que vous avez lu ci-dessus montre qu’il s’agit d’un stress cellulaire qui permet effectivement à l’organisme de se débarrasser de surcharges toxiques qui sont (oublions un instant les télomères) la base reconnue de la sénescence. Mais à la condition de réaliser les jeûnes régulièrement au cours de sa vie, sans attendre que l’âge ait pris sa part .

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Prochain et dernier article à venir: les stress physiques et l’hormèse.

Jean-Yves Gauchet