Les bancs de sable fluviaux sont quasiment épuisés, tout prélèvement supplémentaire devient une catastrophe. Alors on attaque les sables littoraux. Là encore avec de graves conséquences, et dans le monde entier … Le sable est devenu l’objet d’un trafic très juteux.
Le sable est le produit de la dégradation des roches continentales, selon des processus directs ou des phénomènes en plusieurs étapes.
Les roches de base sont d’origine magmatique, soit selon un refroidissement lent (roches plutoniques comme le granit), soit selon un refroidissement très rapide en surface dans l’air ou dans l’eau (roches volcaniques comme les basaltes).
Les roches secondaires sont les roches sédimentaires qui se sont constituées par l’accumulation de matériaux de dégradation des précédentes. Le grès, par exemple, résulte de l’accumulation de grains de quartz collés entre eux par de l’eau siliceuse.
Et si ces roches secondaires subissent une action pression/chaleur (subduction, éruptions volcaniques), elles se transforment en roches métamorphiques (marbres, gneiss, etc).
Toutes ces roches solides subissent l’action de processus thermiques (gel, chaleur), mécaniques (vent, choc des vagues), et chimiques (l’eau est un solvant qui avec le temps dissout des ingrédients particuliers de chaque roche), ce qui provoque une altération permanente des roches, en petites particules qui vont être déplacées principalement par l’eau, sous forme de glaciers ou de ruissellements et de courants, jusqu’à devenir des sédiments marins.
Ces particules sont de différentes tailles, les plus petites étant les plus mobiles.
Il existe une échelle de granulométrie qui permet de situer ces minéraux :
- Au delà de 2 mm de diamêtre, on a des gravillons, voire des caillous.
- Entre 0,10 et 1 mm, on a des sables de très fins à grossiers.
- En deça, on a des silts, puis des argiles avant d’arriver à des micro-particule colloïdales.
Les sables constituent des « terroirs », avec une origine géologique, une cause d’altération, un mode de transport qui caractérisent les gisements, dans lesquels on trouvera des grains similaires.
Ainsi se différencieront des sables volcaniques issus des basaltes ou des olivines, des sables quartziques issus des grès ou de certains granites.
Mais certains sables ont une origine biotique : ils proviennent de l’accumulation au fond de lagunes ou de bras de mer, de milliards de coquilles ou de squelettes de micro-organismes très anciens (foraminifères, mollusques) dont les formes caractéristiques sont conservées. Selon le type des organismes d’origine, ces sables seront calacaires on siliceux, parfois les deux.
Les sables marins actuels s’enrichissent en restes de coquillages contemporains, mais aussi de tous les déchets de l’activité humaine : verres, plastiques, objets métalliques qui, réduits au niveau millimétrique, s’intègrent aux sables « propres » légués par la nature.
Le sable bouge, puis il s’accumule, puis il bouge encore ….
Plus il est fin, plus il est mobile
Emporté par les plus petits ruissellements, le sable fin une fois sec est capable d’être emporté par le vent. Les tempêtes de sable des zones désertiques peuvent transporter des centaines de tonnes de cette poussière envahissante sur des milliers de kilomètres.
Certaines régions perdent une partie de leur sol, qui se retrouve bien plus loin, entrainant là des dégâts immédiats, mais aussi un enrichissement en substrat minéral.
Au niveau du sol, les sables s’accumulent en formant des dunes. La mise en route se produit à partir de vents modestes (40 km/h), les grains se meuvent par saltation, par sauts successifs au ras du sol. Ils sautent les une sur les autres pour s’accumuler dans l’arrière dune lorsque le vent faiblit. Selon la granulométrie, les dunes peuvent être plus ou moins pentues, mais il existe une moyenne : le versant « au vent » fait un angle de 10° sur l’horizontale, alors que le versant « sous le vent », plus pentu, approche les 35°.
Les dunes ont des formes variées, mais on retrouve très souvent un aspect caractéristique en « barkhanes », ces croissants aux formes symétriques (voir photo) dues au fait que les extrémités de la dune ont toujours un peu d’avance sur le centre.
Les sables de désert, bousculés en permanence par le vent et forcés à se frotter entre eux, sont généralement arrondis, lisses, leur surface est dépolie. Ce sont de mauvais sables pour les constructions en ciment (voir plus loin).
L’eau est bien sûr un élément majeur de formation et de transport des sables.
Les glaciers effectuent un premier travail de récupération des graviers d’écoulement des flancs de montagne, puis de charriage et d’écrasement des ces minéraux pour en nourrir les lit des rivières.
Ces mêmes rivières récupèrent tous les ruissellements riches en éléments minéraux dus au gel, à l’attaque chimique des sols et des sous-sols. Il faut raisonner en milliers, voire en millions d’années.
Les sables de rivière ont des grains anguleux, peu usés, de tailles et de compositions hétérogènes. Ils s’accumulent dans les méandres des fleuves paresseux, et c’était là un régal de se servir de ce minéral « qui ne sert à rien », et qui, cerise sur le gâteau, était gratuit … Ce sable là n’existe plus, on a tout pris, tout gratté. Le fleuve, lui, est devenu moins paresseux.
Les sables marins sont pour l’essentiel d’origine fluviale (deltas, estuaires), répartis sur la côte selon les courants, mais ils sont aussi enrichis en débris coralliens et en fragments coquilliers des populations de mollusques autochtones.
Les courants sous-marins façonnent les fonds sableux selon des paysages qui ressemblent aux dunes désertiques
Sur la terre ferme, le vent du large, prédominent, se charge de transporter les grains secs de marée base vers l’intérieur des terres : ils édifient ainsi des dunes selon le processus du désert. On a planté le forêt des Landes pour fixer ce déplacement du sable, et imposé ainsi une cote régulière armée d’une barrière de sable qui a « tenu » jusqu’ici contre les tempêtes ou marées d’équinoxe.
L’inexorable érosion du littoral
Après une période d’édification et de soutien des littoraux, essentiellement grâce à l’apport de sable à partir des fonds marins, et la mise en place de dunes protectrices, on assiste actuellement à une érosion importante des zones côtières, à un recul des terres, à une salinisation des terres les plus proches.
En France, on estime que 24% des côtes sont en danger, un danger qui semble s ‘amplifier.
Les causes ont été déterminées :
- l’épuisement du stock côtier sédimentaire. Avec la construction de barrages fluviaux, ainsi que l’exploitation des sables d’eaux douces, on a quasiment tari l’apport en sables et granulats provenant des roches érodées. A l’inverse, on a puisé dans les plages et les dunes côtières des volumes énormes de sable que les marées hautes ne peuvent plus compenser.
- L’élévation du niveau de la mer. En France, on en est à 1,5 mm/an., en Louisiane (détroit du Mississipi) , 8 mm/an. Dans certaines zones (Bengladesh), c’est bien plus violent car augmenté d’inondations venant de l’intérieur. Cette élévation entraine un éboulement des plages pour constituer sous l’eau une « avant plage » protectrice qu’il ne faudrait surtout pas draguer pour remettre ce sable sur les plages…
- Les tempêtes. Plus fréquentes, plus violentes, elles peuvent emporter le cordon littoral et envahir l’arrière pays, bien souvent très urbanisé (ex : Cynthia).
- Les vents et la houle. Ces phénomènes naturels déplacent le sable latéralement sous l’eau, le long de la côte, ou vers les terres quand il s’agit du vent. Autant de perdu pour un littoral fragile.
- Les actions de l’homme. Si nous avons évoqué le déficit en sédiments via les barrages et les dragages fluviaux, l’action de l’homme sur les côtes est également néfaste : la construction de digues « dures » qui affrontent la houle augmentent la turbulence des flots, et le retrait vers le fond du sable littoral. La bétonisation de ces zones touristiques entraine les mêmes résultats. Quant à l’exploitation, autorisée ou non des sables littoraux, ils agissent comme le « puntilla » du matador qui achève son taureau après 20 minutes de combat ou de torture.
Les marchands de sable
Novembre 2015 sur la plage de Lannion (22) : des milliers de protestataires se rassemblent pour cette photo explicite : « save ours sand », un SOS dramatique destimé à contrer un projet déjà engagé, mais pas encore signé : l’extraction du sable coquiller d’une dune sous-marine située « à la pointe de Lannion », entre deux zones de littoral protégé, à raison de 10 000 m3 de sable par an pendant quinze ans.
Tout a été fait dans les règles, le dossier attend une commission préfectorale …
Mais ce marché du sable, un marché désormais mondial (comme celui des déchets), est désormais pris en main par des « entités » troubles qui ne préoccupent en aucun cas des conséquences de leurs prises : entreprises fantômes, états voyous, la devise semble être : « prends le sable et tire toi »…
Et la demande n’est pas très regardante, puisque le sable est désormais un produit rare et qu’il en faut toujours davantage.
Les deux tiers des constructions mondiales sont en béton, qui demandent 65% de sable dans leurs constituants.
Dans « Le livre noir de la mer », Christian Buchet égraine les chiffres : une maison nécessite 200 tonnes de sable, chaque kilomètres d’autoroute en engloutit 30 000 tonnes, quant aux centrales nucléaires, li leur en faut 12 millions de tonnes…
Et encore, pas n’importe quel sable : les sables du désert, roulés et usés par les vents, n’accrochent pas suffisamment au ciment pour un béton solide. Quant aux sables marins, s’ils sont mal rincés, ils sont capables d’oxyder les fers à béton et de fragiliser les constructions.
Alors les deniers méandres fluviaux sont des objectifs majeurs, et si les autorisations manquent, le braconnage se met en route …
Les voleurs de sable
S’il est bien un domaine où il est difficile de cerner la production, c’est bien celui des extractions minières… Untel a une autorisation pour X tonnes par semaine, qui va savoir quelle quantité est réellement extraite ?
Le problème est désormais mondial.
A Dubaï, quelques villages de pêcheurs ont été transformés en gabegie bétonesque, avec en plus des emprises sur la mer de dizaines d’hectares de granulats eux-mêmes recouverts de sable. Au résultat, un marécage nauséabond déserté par des spéculateurs du monde entier. Mais le sable du désert, tout proche, est inefficace. Alors on achète ce qui veut bien venir, du golfe persique ou même de Somalie, où les gangs tiennent le littoral pour abriter pirates et dragueurs de sable.
Même scénario à Singapour, une « ville propre » où pas un papier ne traîne par terre, mais qui pour édifier toujours plus d’immeubles, on fait venir chaque jour 3000 tonnes de sable à partir du Cambodge ou d’Indonésie.
Les matériels utilisés sont extrêmement performants : des barges de 15 000 contiennent des pompes qui aspirent en continu le sable sous marin des littoraux, avant de partir livrer et de revenir.
Au Cap Vert, c’est quasiment la seule ressource pour des pêcheurs dont les prises sont insuffisantes. Mais plus ils creusent dans les fonds marins, moins les poissons peuvent s’y reproduire, c’est une spirale infernale.
Des alternatives bien minces
Devant les gabegies qui plombent notre environnement, le maître mot est « recyclage ». En l’occurrence, le sable une fois « encimenté » ne peut plus donner que des granulats poussiéreux, tout juste bon à combler ou à soutenir des autoroutes. On ne sait pas récupérer le sable. Il est encore moins onéreux d’attaquer des roches comme les grès pour en tirer le sable originel.
La vraie solution est de contrôler et de taxer cette richesse naturelle, afin de provoquer l’intérêt pour d’autres types d’habitat on de moyens de transport. C’est une solution politique, elle n’est dans le programme d’aucun parti actuellement.
Angelina Viva