C’est désormais un thème de recherche et même de traitement en oncologie: plusieurs variété de champignons (Candida, Malassesia, etc) se retrouvent systématiquement dans des tumeurs, comme aux poumons ou dans les intestins.
De récentes études montrent que des champignons microscopiques sont présents dans une très grande variété de tumeurs malignes. Un nouvel axe de recherche sur le cancer : leur détection pourrait avoir une valeur diagnostique, mais on peut également les cibler pour améliorer les traitements.
Le Dr Simoncini n’est jamais cité par les chercheurs actuels. C’est pourtant lui qui a ouvert la voie et proposé des traitements “héroïques” qui l’ont déconsidéré.
Après la révolution du microbiote bactérien de ces dernières années, de très récents travaux sur le rôle des champignons dans les tumeurs cancéreuses attirent l’attention des chercheurs.
Ils ont ainsi découvert que ces micro-organismes pourraient reprogrammer les premières lignes de défense face au cancer. Le mycobiote intratumoral forcerait le système immunitaire à tolérer la présence de la tumeur au lieu de la combattre, lui permettant de poursuivre sa progression.
Le 29 septembre 2022, deux équipes indépendantes, américaine et israélienne, ont rapporté, dans le même numéro de la revue Cell, la présence de champignons dans de très nombreux types tumoraux. Selon ces chercheurs, ces communautés fongiques sont associées au développement d’une grande variété de cancers. Il existerait donc un lien entre champignons et tumorogenèse.
« Ces deux études sont extrêmement importantes en ce sens qu’elles attestent de la présence de champignons dans tous les grands types de cancers, même si la charge fongique est peu abondante »,déclare Françoise Botterel, présidente de la Société française de mycologie médicale. « Du point de vue méthodologique, il n’y a vraiment rien à dire, ajoute la professeure de parasitologie et mycologie, à l’hôpital Henri-Mondor (Créteil). Ces équipes ont eu recours à un nombre impressionnant de techniques : séquençage génomique,transcriptomique pour détecter l’ARN messager des levures, immunohistochimie pour visualiser des champignons à l’aide d’anticorps, la PCR fongique quantitative pour évaluer la charge fongique. Les échantillons de tissus tumoraux provenaient de pas moins de quatre cohortes de patients cancéreux. »
Les chercheurs de l’Institut Weizmann des sciences de Rehovot (Israël) ont caractérisé les champignons présents dans 17 401 échantillons de tissus, de sang et de plasma (partie liquide du sang débarrassée des cellules sanguines). Les échantillons de tissu tumoral et sain adjacent à la tumeur provenaient de patients atteints de trente-cinq types différents de cancer.
La seconde étude, parue dans Cell, a été conduite par l’équipe dirigée par Iliyan Iliev, de l’université Cornell (New York), en association avec des chercheurs de l’université Duke (Durham, Caroline du Nord).
Elle aussi a identifié des espèces de champignons spécifiquement associés à certains cancers. L’ADN fongique était particulièrement abondant dans les cancers du côlon, du rectum et de l’estomac, détecté en moins grande quantité dans les cancers de l’œsophage, et en quantité négligeable dans les tumeurs du cerveau. Les champignons Blastomyces apparaissent plus abondants dans les cancers du poumon et du sein. En fonction des cancers gastro-intestinaux, les chercheurs ont observé que les tumeurs ne renferment pas la même charge fongique en Candida albicans et Saccharomyces cerevisiae. Il est possible de distinguer les tumeurs digestives dans lesquelles l’une ou l’autre de ces deux levures est dominante. Candida albicans est abondant dans de nombreux cancers et particulièrement dans les cancers de l’estomac où sa présence est associée à une expression accrue de signaux moléculaires pro-inflammatoires.
Dans les tumeurs où Candida albicans est dominant, la présence de ce champignon est associée à une forte expression d’interleukine-1, molécule impliquée dans les mécanismes immunitaires de l’inflammation et connue pour jouer un rôle majeur dans le développement du processus cancéreux et la progression tumorale. Là encore, ce champignon est-il, directement ou indirectement, la cause des dérèglements de l’immunité intratumorale, ou profite-t-il de cet environnement inflammatoire pour y croître sans entraves ?
Enfin, dans une étude publiée dans la revue Cancer Cell en février 2022, des chercheurs du Roswell Park Comprehensive Cancer Center, à Buffalo (Etats-Unis), ont indiqué que l’on observe dans environ 20 % des cancers du pancréas l’expression de la molécule inflammatoire interleukine-33 (IL-33), dont la sécrétion est dépendante de la présence de champignons au sein des tumeurs. L’IL-33 permet d’attirer dans la tumeur des cellules immunitaires tolérantes à la présence des cellules tumorales et qui sécrètent des molécules stimulant la croissance de la tumeur.
Quand les traitements antifongiques font régresser les tumeurs.
En 2019, une équipe de chercheurs de la faculté de médecine de l’université de New York a rapporté, dans la revue Nature, qu’un champignon dénommé Malassezia globosa est associé à la progression du cancer du pancréas. Il est probable que ce champignon y migre à partir du contenu intestinal.
Il a été montré que Malassezia active la cascade du « complément », un systèmede l’immunité constitué d’une trentaine de protéines présentes dans le plasma. Le complément participe à la réaction inflammatoire, impliquée dans le processus cancéreux. Dans le cancer pancréatique, l’activation du complément par le mycobiote induit un milieu immunosuppresseur au sein de la tumeur, autrement dit un environnement permissif qui tolère la présence des cellules cancéreuses.
Chez la souris porteuse d’un cancer pancréatique, la disparition du mycobiote à la suite de l’administration d’un traitement antifongique entraîne une régression significative de la tumeur. Par ailleurs, il s’avère que l’ablation du mycobiote augmente l’activité de la gemcitabine, médicament de chimiothérapie couramment utilisé chez les patients souffrant d’un cancer du pancréas.
Source: Le Monde