Jusqu’où pousser le stress pour fortifier l’organisme?
Série de trois articles:
Article précédent: l’hormésis, qu’est ce que c’est ?
l’hormèse, comment ça marche ?
Nous avons évoqué quelques exemples historiques d’actions biologiques qui ne sont pas anodines, puisque utilisant des substances toutes pathogènes. Mais à petites doses et selon des protocoles différents (de la dose vaccinale unique, type fièvre jaune, aux prises répétitives et croissantes de la désensibilisation), on va solliciter l’organisme dans sa capacité naturelle d’autorégulation.
Celle-ci repose sur des effecteurs très différents, depuis les lymphocytes du système immunitaire, jusqu’aux systèmes régulateurs de l’excrétion, de la circulation, ou de l’expression hormonale… en gros, l’organisme fonctionne selon divers schémas très complexes, qui sont coordonnés pour conserver un équilibre physiologique: c’est l’homéostasie.
L’homéostasie, ce principe énoncé au XIXème siècle, a été accepté comme une évidence, mais pas vraiment étudié car ne débouchant sur aucune thérapeutique monétisable. Il n’y a, et pour cause, ni gène de l’ homéostasie, ni molécule dédiée à ce principe. Si notre corps était une machine, l’homéostasie en serait le logiciel…
Ce qui fait que les quelques études qui s’y rattachent sont le fait de chercheurs dans des domaines périphériques, qui viennent prospecter dans l’homéostasie, et chez son cousin l’hormèse, des réponses dans des thèmes négligés par la recherche médicale.
Il y a stress et stress …
Le stress en biologie, est l’ensemble des réponses d’un organisme soumis à des pressions ou des contraintes de la part de son environnement. Important: ces réponses dépendent grandement de la perception qu’a l’individu des contraintes qu’il ressent.
On a catégorisé le stress en “eustress” bénéfique et en “distress” pathologique, selon trois stades évolutifs:
– la réaction d’alarme, au cours de laquelle les forces de défense sont mobilisées.
– le stade de résistance, ou stade d’adaptation à l’agent contraignant.
– le stade d’épuisement, ou d’intoxication, qui signe l’incapacité de l’organisme à poursuivre la réaction.
Ces définitions s’attachent à des stress émotionnels, qui vont entraîner les productions successives de noradrénaline et de divers neuromédiateurs, puis de cortisol et de diverses hormones.
L’hormèse correspond plutôt aux réponses à des stress (ou contraintes) physiques ou chimiques, moins fréquents dans notre quotidien policé, mais plus faciles à manier lors de recherches sur les animaux. Ce sera le cas de la chaleur (hyperthermie), du froid, de la gravité, de l’activité physique, de produits toxiques (tabagisme), de rayonnements radioactifs ou électromagnétiques , etc …
Les animaux étudiés ont été la mouche (drosophile), dont l’élevage est très économique et permet des expériences sur de grands effectifs, les vers nématodes de type Caenorhabditis, les rongeurs (rats), mais également l’homme selon des observations moins nombreuses, mais édifiantes.
L’hypoxie, ou manque d’oxygène, constitue un facteur de stress qu’on a plutôt étudié en cultures cellulaires: on note une augmentation des molécules oxydantes qui mettent en alerte divers facteurs de transcription: production immédiate de protéines de stress, capacité améliorée des divisions cellulaires (mitoses), donc dans un premier temps des cellules renforcées et plus actives. Dans un deuxième temps, si le stress oxydatif se poursuit, les cellules évoluent vers la sénescence.
Avec des centrifugeuses, on peut imposer aux petits organismes une hypergravité modulée. Sur les mouches, l’hypergravité même modérée sur de longues périodes diminue la longévité et accélère le vieillissement comportementtal. Mais appliquée puissamment (5G) pendant un temps limité (deux semaines) sur des jeunes mouches, l’hypergravité augmente la longévité des mâles de 10%, mais uniquement des mâles … A noter: cette exposition au stress d’hypergravité permet également aux drosophiles de mieux supporter les chocs thermiques, mais reste sans effet sur d’autres stress comme le froid, la dessication ou les infections fongiques.
La chaleur imposée par des chocs thermiques augmente légèrement la longévité des drosophiles ainsi que leur résistance à la chaleur létale et au froid , mais n’implique pas de résistance aux infections fongiques.
Sur des cultures cellulaires, des chocs thermiques modérés (41°C pendant une heure, deux fois par semaine) permettent d’observer divers effets susceptibles de limiter le vieillissement: augmentation de la durée réplicative, moindre accumulation de protéines dénaturées, présence plus nombreuse de molécules anti-oxydantes avec résistance accrue à l’éthanol, à l’H2O2 ou aux UV-A …
L’activité physique peut être assimilée à un stress physiologique, en consommant rapidement des réserves glucidiques, puis en provoquant l’accumulation de déchets métaboliques (acides lactique, aldéhydes, radicaux libres). Les effets seront d’autant plus intéressants que le sujet est jeune, sans dépasser un seuil d’effort qui devient alors délétère. On note globalement une augmentation de la longévité, une amélioration des capacités immunitaires (meilleure résistance aux sarcomes et aux carcinomes) et excrétrices.
Le froid constitue un stress non moléculaire, facile à doser et à observer. Chez la drosophile, une exposition modérée (une heure par jour à 0°) sur des jeunes adultes entraîne une nette augmentation de la longévité chez les mâles (moins net chez les femelles), et une résistance
accrue à divers stress puissants, tels que la chaleur, le froid, les infections fongiques.
La restriction calorique était jusqu’ici la seule approche scientifiquement observée permettant de prévoir une amélioration de la durée de vie. On est là en plein dans un hormésis très efficace.
Les expériences menées reposent essentiellement sur une diminution de la capacité énergétique de la ration (glucides, dans une moindre mesure lipides), les protéines et sels minéraux étant au contraire renforcés. Les résultats sont implacables: une longévité qui augmente jusqu’à 50%, une meilleure capacité à résister à d’autres stress physiques ou biologiques. Ces études ont permis d’amorcer des connaissances sur les gênes et les voies métaboliques mises en route, avec les modifications endocrines qui en découlent. Il sera intéressant de comprendre si ces mêmes effecteurs de l’hormèse, se retrouvent lors de stress différents (froid, chaud …) et donc constituent un puissant facteur d’homéostasie. Le pendant “naturel” de cette restriction calorique, c’est l’hibernation/hivernation des animaux concernés (chauve-souris, marmottes, etc…), ou bien le jeûne chez l’homme.
Les radiations constituent un puissant facteur de stress cellulaire. Peu commun en milieu naturel, mais redouté lors d’incidents nucléaires, et exploité systématiquement en cancérologie. Si les fortes doses créent un risque élevé de cancer, ce risque est considérablement réduit si les animaux ont été préalablement exposés à de faibles doses de radiations. On observe que ces faibles doses mettent en route des mécanismes cellulaires de protection et de réparation, et ceci pendant une période suffisante (plusieurs semaines) pour savoir en faire profiter des malades en radiothérapie. Cela entre également dans la problématique des “faibles doses” auxquelles sont exposées des populations entières: faibles doses protectrices, ou bien délétères ? Le débat est grand ouvert par exemple sur l’utilisation des scanners sur de jeunes enfants qui justement sont totalement “naîfs” en terme de radiations ionisantes, et qui présentent alors au cours de leur vie une réelle sensibilité aux tumeurs du cerveau et aux leucémies …
Les vibrations mécaniques constituent une contrainte, à la fois au niveau de certains récepteurs cutanés qui en informent le système nerveux central, mais surtout au niveau de nos “tissus durs” que sont les os et les articulations. On a pu mesurer que des vibrations de l’ordre de 30 Hz, imposées à des brebis 20 minutes par jour pendant un an, ont provoqué une augmentation en volume des os spongieux et trabéculaires, avec au final une solidité supérieure des organes osseux. Ce stress vibratoire de faible intensité impose un effet de renforcement de l’ossification, alors que des vibrations intenses vont jusqu’à provoquer des fractures spontanées.
Notons que 30 Hz, c’est précisément la fréquence moyenne du ronronnement d’un chat, et ceci corrobore des observations empiriques sur l’étonnante capacité de récupération des chats suite à des traumatismes osseux. Corrélation aléatoire, ou preuve tangible des effets bénéfiques du ronronnement ?
Les stress purement mentaux (déceptions, peurs, angoisse, honte, etc) ne sont pas faciles à manier expérimentalement. Il est reconnu que ceux qui ont connu certains accidents de la vie, en ressortent aguerris (on dira qu’ils sont “blindés”), sauf si les évènements sont trop graves ou durent trop longtemps, l’organisme épuisé tombera alors en dépression.
Prochain article: les perspectives en terme de santé