L’amertume, cette saveur désagréable qui nous soigne (8)

Système parasympathique, nerf vague et substances amères.

Que vient faire cette particularité nerveuse dans cet ouvrage sur les molécules amères ? De fait, les chercheurs en neurologie et les diététiciens fonctionnent dans des mondes séparés. Hé bien dans cet article, nous allons réunir leurs savoirs …

Notre organisme est en permanence sous le contrôle d’un système nerveux dit autonome, en ce sens qu’il ne dépend pas de notre volonté en faisant agir un double circuit de sensibilité et d’action, les systèmes ortho et parasympathique. Chez ce dernier, l’essentiel des tâches est le fait d’un nerf unique, quoique très ramifié : le nerf vague. Tous nos organes, toutes nos fonctions, sont sous surveillance et sous l’action régulatrice et apaisante du nerf vague.

Résumé des actions du nerf vague :

Historiquement nommé « pneumogastrique », puisqu’il gère principalement notre respiration et notre digestion, le nerf vague a, on l’a démontré depuis, une action permanente dans les domaines physiologiques suivants :

  • les battements du coeur
  • la pression artérielle
  • le degré de tension des vaisseaux sanguins
  • la production d’urine
  • les sensations de faim et de satiété
  • le séquencement des phases de la digestion
  • la détoxification de l’organisme via le foie
  • le rythme et la puissance de la respiration
  • la production de sueur, de salive, d’urine et de larmes.
  • le clignement des paupières, la tension des pupilles
  • le timbre de la voix
  • l’excitation sexuelle
  • etc ….

Le nerf vague a en effet des rapports avec l’ensemble des organes internes, grâce à un schéma anatomique original que nous allons détailler.

« En face », le système orthosympathique, qui va au contact des mêmes organes, présente une structure anatomique séquencée, avec des ganglions successifs le long du rachis, alors que le nerf vague du parasympathique  ne présente qu’un seul axe (en fait dédoublé à droite et à gauche de la colonne vertébrale) dont les diverses ramifications vont pénétrer dans les tissus et organes divers de notre corps

Voyons cette anatomie d’un peu  plus près :

Rappels sur le tronc cérébral.

C’est la partie haute de la moelle épinière, qui néanmoins fait partie intégrante de l’encéphale. On l’appelle également cerveau reptilien, car il fonctionne de manière très réactive sur le fonctionnement du corps et le comportement de l’individu (devant un danger, une proie, un partenaire sexuel, etc). Le tronc cérébral comprend plusieurs noyaux , des structures où les neurones possèdent des connexions nombreuses permettant des prises de décisions bien avant toute intervention de l’encéphale qui coiffe ce tronc cérébral. Ces noyaux sont en relation avec les filets nerveux afférents du système autonome, et à l’inverse, envoient des directives dites efférentes aux mêmes organes, via les nerfs orthosympathiques et le nerf vague. On considère qu’il y a 80% d’informations de type afférent (issues des organes) pour 20% de directives efférentes vers ces mêmes organes : il y a donc un tri, une « digestion » des informations afférentes, ou bien alors le nerf vague constitue une source d’économie énergétique pour le système nerveux.

Les rameaux du nerf vague

Les neurones qui forment le nerf vague naissent du tronc cérébral (où ils ont leur noyau et leurs dendrites) à partir de quatre noyaux, chacun de ces noyaux contrôlant certaines fibres spécifiques du nerf vague.

Ces fibres réunies en nerf ont des parcours très compliqués, en particulier au niveau de la tête, et nous allons les détailler.

  1. dans la tête : des rameaux du vague suivent les gros vaisseaux sanguins veine jugulaire et artère carotide) pour s’étendre au conduit auditif et au pavillon de l’oreille, dont il transmet les perceptions du toucher, de la température et de l’humidité. Par le nerf vague, l’oreille est un organe sensoriel complémentaire, peu reconnu par la science académique, mais utilisé (auriculothérapie) par stimulation pour obtenir des réactions de soins, générales ou ciblées. Un autre rameau, vers le bas, rejoint le pharynx, où il transmet des signaux moteurs aux multiples muscles qui gèrent la déglutition ainsi que l’ouverture des voies respiratoires. Un défaut du vague et on subit des nausées ou des « fausses routes » alimentaires. Encore plus bas, deux rameaux du vague vont cerner les muscles du larynx, influant sur la tessiture vocale … mais aussi sur le ronronnement des chats.
  2. Dans le thorax : Le nerf vague innerve les poumons où il est renforcé par un plexus. Les actions les plus significatives jouent au niveau des bronches (contraction/relâchement), et une importance extrême dans certaines pathologies (asthme). Au sein des poumons, le thymus reçoit des filets du nerf vague, en particulier au jeune âge (« éducation » des lymphocytes).
  3. Dans l’abdomen : un premier rameau rejoint l’estomac, dont il gère les contractions et la production d’acide chlorhydrique et des enzymes digestives pepsine et gastrine. Toutes ces productions (et les suivantes dans l’intestin) doivent se faire selon un séquençage bien respecté, qui est géré par le vague. Bien des troubles digestifs chroniques sont dus à un dsfonctionnement du système nerveux autonome, dont le nerf vague est un acteur principal. Un autre rameau rejoint le foie, qu’il va informer et diriger en fonction du bol alimentaire en cours d’ingestion : préparation à l’afflux de sang veineux, production de bile et son déstockage « juste quand il faut » de la vésicule biliaire. Un troisième rameau rejoint le pancréas, où de la même manière il influe sur la production des enzymes de la digestion. Le vague est également actif au niveau de la rate (gestion de stockage des cellules immunitaires), de l’intestin (gestion du péristaltisme et des sécrétions), avec un rôle modérateur des signaux inflammatoires dus à des bactéries agressives. Enfin, le rein est innervé avec un rôle fondamental du vague : contrôler la pression sanguine par la gestion de la résorption d’eau au niveau des néphrons. En produisant plus d’urine, le vague fait baisser la tension.

Le nerf vague est un nerf multitâche.

La plupart des nerfs ont un rôle déterminé dans un réseau bien défini, et ils sont spécialisés dans la conduction d’informations récurrentes, répétitives, avec des messagers chimiques adaptés à chaque synapse. Il en est autrement pour le nerf vague.

D’abord, ses neurones sont très longs (un filet du vague « remplace » plusieurs étages nerveux du système orthosympatique) et bien gainés de myéline. Le nerf vague utilise pour neurotransmetteur l’acétylcholine, avec des effets différents selon les récepteurs des tissus affectés. Les récepteurs dits muscariniques entrainent une réaction lente, alors que les récepteurs dits nicotiniques, une réponse immédiate. La cellule, pour des raisons physiologiques (digestion, température) ou pathologiques (stress, inflammation) va produire plus ou moins de ces récepteurs, induisant de ce fait des réactions modulées ou pathologiques.

Les pathologies où intervient le nerf vague

Nous avons fait le tour des connexions du vague avec différents organes … on va en retrouver les effets dans les grandes fonctions de l’organisme.

La respiration

Le « muscle de la respiration » est le diaphragme. Or, c’est un nerf particulier, le nerf phrénique, issu de la moelle épinière (C3,C4 et C5), qui commande les mouvements de la respiration. Un nerf phrénique irrité va entrainer des spasmes respiratoires ou des hoquets … et c’est justement au nerf vague de contrebalancer les errements du phrénique. Son mode d’action jouera plutôt sur le calibre des bronches et des bronchioles, ainsi que sur les muscles et les cartilages du larynx. L’apnée du sommeil (obstruction des voies supérieures) correspond à un tonus vagal trop faible avec affaissement de la langue vers le bas.

La digestion.

Une digestion bien menée est exécutée par séquences successives : la sensation de faim, puis l’appréciation mentale et gustatives, la déglutition, puis la digestion proprement dite dans des organes successifs dont l’acidité, les enzymes de digestion et le microbisme local, sont différents. Le tout sur une de recommencer.

C’est le nerf vague qui, tout au long du trajet du bol alimentaire, ouvre les vannes (acide chlorhydrique, bile, enzymes pancréatiques) et encourage le mouvement du contenu intestinal. Une des causes majeures de l’irritation de l’intestin grêle est un manque de tonus du vague, qui en ralentissant le transit, permet aux bactéries (normales) du colon, et malgré la valvule iléo-caecale de venir en arrière coloniser l’intestin grêle qui n’est pas du tout équipé (il est grêle…) pour supporter cette présence.

Un autre rôle important du vague, est de signaler l’état de satiété au cours d’un repas, en évaluant l’augmentation du volume de l’estomac. Un défaut du vague et c’est parti pour du grignotage en continu, ce qui va détraquer toute la machine digestive, depuis les enzymes jusqu’aux cellules immunitaires, en passant par le microbiote.

Il y a un dialogue constant entre les bactéries intestinales et le cerveau, via le nerf vague et la production de sérotonine.

La fréquence cardiaque.

La fréquence convenue « normale » est de 60 à 90 battements par minute, avec des accélérations ponctuelles (frayeur, fièvre, effort physique) ou chroniques (stress, cancers) dues au système ortho, et un rééquilibrage par le nerf vague. Par faiblesse de ce dernier, on arrive à des tachycardies qui épuisent l’organisme, et à l’inverse, si l’ortho est défaillant, se produit un malaise vagal (voir plus loin).

La fonction hépatique

Quel travailleur, ce foie ! Essentiellement le jour, il reçoit du sang veineux gorgé de substances nutritives suite aux repas, puis la nuit il lui faut épurer le même sang après utilisation des nutriments qu’il vient à peine de fournir. Lui aussi agit par séquences, il ne peut pas tout faire en même temps sinon il s’épuise et fait « du mauvais travail ». Et ce séquençage est le même que pour la digestion, toujours sous l’influence du vague et des bactéries intestinales.

  • la fréquence cardiaque au repos et après un effort. Plus le temps de récupération est élevé (pour un effort donné, de quelques secondes à plusieurs minutes), plus il faut se méfier d’un problème cardiovasculaire (d’où consultation au plus vite), ou bien d’un tonus vagal insuffisant.

Le nerf vague et le syndrome vagal

Le rythme cardiaque est sous le contrôle du système nerveux autonome (équilibre ortho/para), le nerf vague jouant le rôle du modérateur. La moyenne des “pouls” est de 60/80 battements/minute. Plus la fréquence cardiaque au repos est basse, plus le nerf vague est tonique.

Une faiblesse du vague est donc susceptible d’entraîner tachycardie et hypertension chroniques, à corriger soit par les remèdes “anti”, soit par des actions (lire plus loin) de dynamisation du vague lui-même.

A l’inverse, un nerf vague trop actif ou opposé à un sympathique peu tonique), peut provoquer des troubles dans tout l’organisme qu’on appelle malaise (ou syndrôme) vagal, avec vertiges, pâleur, bourdonnements, vision trouble et limitée, faiblesse des pensées, ressenti de chaleur, nausée….

Le malaise peut être isolé, mais peut parfois être récidivant.

Les syncopes vagales sont particulièrement spectaculaires, mais ne présentent pas de danger en tant que tel pour le patient. Toutefois, les chutes provoquées par les pertes de connaissance peuvent être à l’origine de traumatismes.

De l’intérêt d’activer son nerf vague.

Comme vu plus haut, l’action du vague est une « pédale douce » pour maitriser diverses fonctions physiologiques vitales, de manière totalement involontaire, mais en laissant le cerveau supérieur ressentir et réagir lui, de façon volontaire. Exemple : le vague va limiter notre appétit, donc notre glycémie de façon involontaire, mais devant un éclair au chocolat, nous voilà partis à engloutir la pâtisserie. De façon bien sûr résolue, voire répétitive…

A -La sollicitation par les substances amères

Il nous faut faire un rappel d’anatomie sur les trajets nerveux issus des récepteurs de goût :

Concernant les odeurs et les saveurs, il existe (nous allons faire simple) trois voies nerveuses principales :

-la voie olfactive directe, à partir du bulbe olfactif de la cavité nasale, et qui va directement renseigner le thalamus. Sur le schéma en violet. Elle ne véhicule que les sensations olfactives.

la voie du trijumeau. Ce nerf très ramifié (ici en rouge), prend ses informations depuis plusieurs organes de la face, en   particulier la langue, le palais et le pharynx. Ce sont les sensations gustatives, déclenchées par les récepteurs du goût, qui vont se regrouper en un ganglion (dit de Glosser) avant de continuer jusqu’au thalamus, où toutes ces sensations seront analysées avec l’apport de l’amygdale (qui y adjoint des valeurs d’émotion), et l’hippocampe, qui enrobe ces informations de souvenirs heureux ou malheureux.

C’est dans le thalamus que se dessine une « carte d’identité » de chaque saveur, avec en perspective des décisions volontaires à mettre en œuvre : insister pour goûter davantage, rajouter de l’eau pour diluer une sauce, s’enquérir du prix d’une bouteille de ce nectar…

  • La voie du nerf vague. Là nous sommes dans le vif du sujet. Car ce nerf vague est on ne peut plus complexe et (voir plus haut), il tient de nombreux rôle à la fois.
  • Au niveau des organes du goût, le nerf vague (ou nerf dix, ou X) perçoit les informations issues de la langue, du palais et du pharynx, les zones de l’organismes les plus riches en récepteurs gustatifs (en vert sur le schéma). Les différents rameaux du vague se réunissent pour former les ganglions supérieurs, puis parviennent an noyau dorsal du tronc cérébral. Rappelons-le, le tronc cérébral n’est pas un organe d’intelligence, c’est le cerveau primitif des premiers vertébrés qui règle en permanence nos fonctions vitales en fonction de renseignements qu’il collecte dans tout le corps.
  • Par déférence (et parce que l’Evolution l’a établi ainsi), le vague va tout de même renseigner le thalamus de ses informations collectées dans la bouche. Mais, et c’est son rôle absolu, le vague va faire réagir directement l’ensemble des organes du corps dont il a la maîtrise.

Ainsi, les sensations violentes de l’amertume qui sont des messages d’alerte, sont en mesure d’avoir par le nerf vague des répercussions dans tout l’organisme, et le plus souvent dans un sens d’apaisement et de soulagement.

B- Les exercices respiratoires

Une respiration thoracique rapide et superficielle estqun signe de stress qui active spécifiquement le sympathique, alors qu’une respiration abdominale lente, profonde, est un signe de détente qui va activer nerf vague .

Pour stimuler votre nerf vague, quelques exercices respiratoires quotidiens :

Vider ses poumons par une expiration

complète. Puis inspirez lentement par le nez en gonflant le ventre et retenez cet air pendant 10 secondes, puis expirez lentement par la bouche. Restez les poumons vidés quelques secondes, avant de reprendre la prochaine inspiration.

L’effet sera d’autant plus marqué que l’inspiration sera accompagnée d’un spray buccal de substances amères, signe d’alerte pour le vague et qui entraîne sa suractivation.

C – L’exposition au froid

le froid constitue un stress pour l’organisme, il va donc faire agir le système ortho (rougeur, respiration rapide, tachycardie) donc à l’inverse de ce que l’on cherche ! Ben oui, mais ce qu’on cherche justement, c’est de “muscler” le vague, en le mettant en situation de s’opposer à un stress que l’on contrôle en durée et en intensité. Car quelques secondes, voire quelques minutes d’exposition au froid (douches froides, bains glacés) vont provoquer une réaction ortho puissante et immédiate, mais ensuite on donne au vague tout le tempe et les meilleures conditions pour réagir, et l’on  obtient alors une stimulation notable du vague, mais aussi une action anti-inflammatoire dans tout l’organisme.

La cryothérapie s’est mise en route chez les sportifs (hors système médical et avec de bonnes capacités financières…), c’est devenu une option thérapeutique ouverte dans plusieurs centres sur le territoire.

Dans son ouvrage « Activez votre nerf vague » (éditions Thierry Souccar), le Dr Habib préconise de prendre une douche normale, puis de couper l’eau chaude pour subir une douche froide d’une minute sur la tête et la nuque , puis de mettre en pratique les exercices respiratoires décrits ci-dessus.

D – Les gargarismes

Que viennent faire ici les gargarismes ?

C’est une (très) vieille méthode de soins complètement oubliée par la médecine dite moderne. Jusqu’aux années 60, on trouvait en pharmacie divers produits à diluer dans un verre d’eau avant de s’en rincer la gorge avec vigueur. Cet exercice active les muscles pharyngés, eux-mêmes innervés par des rameaux du vague: on entretient ainsi un tonus vagal qui aurait tendance à décliner.

Il existait entre autres un « gargarisme de Luchon » contenant (accrochez vous bien) des extrait d’aconit sauvage, un alcaloïde parmi les plus toxiques … A priori, les patients ont survécu …

Dans le codex des pharmaciens, on trouve également la formule du « gargarisme de Cadet », contenant de la teinture de quinquina, de l’infusé de sauge, et de cochléaire, autant de substances à l’amertume bien prononcée.

De nos jours, on peut plus prosaïquement se faire des gargarismes avec des extraits en ampoules de chardon marie, il est certain que cela va secouer votre vague …

E – Le ronronnement du chat

Le chat dans un foyer est un puissant fédérateur pour tous les membres de la famille, et son ronronnement, dans une fréquence basse de 30 à 70 hertz, induit la production de sérotonine et d’endorphines, et par là même enveloppe l’esprit d’une sérénité qui conduit à une douce somnolence.

S’isoler avec son chat, partager ces instants de complicité avec cette musique rythmée qui canalise nos propres pulsions, voilà la “ronronthérapie”, facile, économique, et efficace.

G – L’auriculothérapie

Nous avons vu plus haut que le nerf vague reçoit de son rameau auriculaire des informations sensorielles en provenance des parties centrale et antérieure du pavillon de l’oreille. La stimulation de zones très précises du lobe, soit manuellement, soit par des impulsions électriques, entraine via le nerf vague des réactions dirigées de nombreux organes dans tout le corps.

C’est l’auriculothérapie, une technique simple qui se présente comme une acupuncture spécifique de l’oreille.