Plus de loisirs, mais moins d’argent pour de lointaines équipées: un nouveau mode de vie s’installe, au plus près de la nature, dans un énorme territoire encore mal défini: les zones rurbaines, où s’entrecroisent les champs, les villages boursoufflés de nouveaux arrivants, et les hameaux désormais peuplés de retraités écolos issus de toute l’Europe.
Les rurbains peuvent s’adonner au jardinage, et aussi accueillir des animaux jusqu’ici purement ruraux, mais de petite taille: ânes, poneys, petits cochons du Vietnam et chêvres font désormais partie du paysage, au plus près des habitations.
Dans les foyers exigus des familles urbaines recomposées, les furets et les petits rongeurs prennent peu à peu la place des chiens, et bousculent même le territoire des minets. Les NAC (nouveaux animaux de compagnie), après avoir occupé les chambres d’enfants, ont désormais un statut de “compagnons du foyer”.
Pour ceux qui ont un petit lopin de pelouse, les poules naines et les mini-canards aux plumages chatoyants viennent enrichir la diversité animale. Les poules, en particulier (compter trois poules et un coq … si les voisins le permettent), peuvent produire toute l’année de quoi préparer une omelette familiale hebdomadaire, avec le persil ou l’oseille maison, ça va de soi.
En Angleterre, c’est désormais un passe temps bien installé. Les fournisseurs de poulettes, de graines et d’abris divers ont quadrillé le territoire: la “home-lette” est une institution. En France, le phénomène s’installe doucement.
Car ces volatiles sont de bonne compagnie: ils se nourrissent des déchets de table, ainsi que de toute la vermine des végétaux: limaces, insectes, malheureusement aussi lombrics …
Des abris adaptés, sur plusieurs niveaux, permettent d’isoler contre le mur du voisin cette partie “repos”, mais aussi productive de la basse-cour familiale.
Sur le plan budget, il s’agit d’une activité qui “s’auto-rentabilise”, mais ce n’est pas le but premier: chaque poule porte un nom, et il est hors de question qu’elle finisse à la broche. Rares sont les citadins à tenter le véritable élevage, qui nécessite des coqs, des couvoirs … et un certain savoir-faire.
Pour les plus timides, des éleveurs professionnels proposent la location du matériel et du cheptel selon un pack “prêt à pondre”, histoire de se faire la main et de tester les réactions du voisinage …
Tondeuses à gazon multitâches: les chèvres naines
La chêvre, cette “vache du pauvre”, se retrouve dans notre littérature comme l’archétype de la frugalité, avec un curieux mélange de fidèle affection et de curiosité.
Pirlouitt, tout comme Esmeralda ou Monsieur Seguin, sont des personnages de condition modeste qui vivent au plus près de leur biquette. Et ce sentiment familial est de retour chez les rurbains qui ont à gérer des espaces de broussailles: la chêvre est d’un appoint très efficace dans cette tâche difficile.
La chêvre est agile et rustique, puisque descendante du chamois des montagnes, et elle n’a été sélectionnée pour des productions laitières que sur le tard (fin XIXème), on compte actuellement plus de 200 races. Dans certaines contrées (Afrique, Tibet), des conditions encore plus difficiles ont “façonné”des modèles de chêvres plus petites et encore moins exigeantes: on les a tout d’abord importées pour les exhiber dans des cirques ambulants ou dans les “mini-fermes”. Comme elles sont prolifiques (deux portées par an), ces chevrettes ont vite constitué un marché et se retrouvent désormais comme “compagnes du foyer” sur tout le territoire.
Gourmandes et même insassiables, elles savent se nourrir des rameaux de végétaux buissonneux (coté positif), mais elles savent également ravager les jeunes pousses d’un potager. En hiver, on leur donne du foin et quelques poignées d’orge ou de maîs, en plus des épluchures ménagères.
Les enclos doivent être sérieusement effectués, car d’une part les chevrettes ont l’art de faire le mur, et d’autre part elles ont des proies faciles pour les chiens errants
Les soins médicaux sont très limités, il s’agit surtout d’une prise de vermifuge à chaque changement de saison.Il faut également surveiller l’état des sabots (poussées défectueuses à corriger éventuellement) ainsi que le pelage qui peut héberger divers insectes ou acariens.
En France, la chêvre naine n’est pas reconnue comme animal de compagnie: elle rendre donc dans la catégorie “cheptel” à déclarer en préfecture, à identifier par une boucle numérotée, et éventuellement à traiter (vaccins, prises de sang) selon les pathologies locales.
Aux USA, des propriétaires de chèvres naines ont lancé une action en justice pour les faire reconnaître comme “pets”, comme animaux de compagnie. Et échapper ainsi aux contraintes attachées aux animaux de rente: taille minimum des enclos: 20 000 pieds carré, (convertissez vous mêmes, merci…), surveillance vétérinaire permanente.
Des “pro” du débroussaillage
Les chêvres naines savent se rendre utiles au niveau d’une petite maison et de son entourage. Mais lorsqu’il s’agit de grandes surfaces, herbues ou broussailleusses, il faut des animaux plus grands et plus productifs. On a ça et là tenté l’utilisation de lamas ou de poneys de races rustiques, mais de manière pratique, c’est bien la chêvre “normale” qui sait le mieux travailler.
Prenons l’exemple des aéroports, des surfaces de plusieurs dizaines d’hectares où poussent en vrac des graminées, des plantes vivaces et des arbrisseaux. L’entretien mécanique est onéreux, car il doit repasser de multiples fois, en particulier lorsque le trafic aérien est limité (mais alors au coût d’heures supplémentaires). Les moutons (100 ovins sur l’aéroport d’Atlanta), mais surtout les chêvres (300 chêvres à San Francisco, une trentaine sur l’aéroport secondaire de Chicago. Ces chêvres peuvent être là à demeure, c’est le cas de Chicago, ou bien en location “à la tâche” pendant des périodes d’une semaine à un mois.
En France, plusieurs agriculteurs se sont lancés, en activité d’appoint, dans le débroussaillage à façon, en déplaçant leur propre troupeau de chêvres qui s’y nourrissent par la même occasion. Les chêvres défricheuses sont lâchées dans le terrain préalablement bien clos. Louées dix euros par mois, elles restent sur place de trois à cinq semaines, sous surveillance, et avec un déplacement progressif des clotures. Selon le type de végétation, il faut compter de quinze à vingt chêvres à l’hectare, et le travail se renouvelle deux à trois fois par an. Soit environ 600 euros de défrichage par hectare et par an, c’est le même prix qu’un débroussaillage mécanique. Avec le boucan en moins, la possibilité de travailler les zones escarpées, et la sympathie générale du voisinage (sauf chêvre égarée dans un potager …).
La législation actuelle contre les incendies impose à tous les propriétaires (région PACA) de garder “propres” les entours d’habitation. C’est une aubaine pour des entreprises d’élagage/ débroussaillage, mais aussi pour des éleveurs de chêvres qui trouvent là une activité d’appoint.
Par ailleurs, il existe des surfaces très importantes qui peu à peu tombent à l’abandon: les prairies et les pâturages secs, en particulier en zones de montagne. L’élevage bovin traditionnel par transhumances y régresse, et le taux d’embuissonnement s’emballe, rendant ces lieux impropres à tous usages, même les randonneurs y laissent leurs mollets … les végétaux envahissants sont l’épine noire la bien nommée, l’églantier, l’aulne, le noisetier et bien sûr ces ronciers inexpugnables que seules les chêvres peuvent limiter.
Les caprins au pied montagnard sont, par leur faible poids et leur rusticité, bien adaptés pour entretenir ces zones. Les chêvres broutent en priorité la végétation ligneuse, même épineuse, et s’occupent ensuite des hebacées. Inversement, elles vont laisser sur pied les fougères adultes, les épine-vinettes, le buis, et la bruyère.
Deux cas peuvent se présenter:
– si la surface ne présente qu’un début d’embuissonnement, les chêvres parviennent à le limiter immédiatement sans intervention humaine.
– si la surface est déja très embroussaillée et partiellement boisée (jeune forêt), le travail nécessite d’abord de choisit et de protéger les espèces de valeur (noyers, chênes, fruitiers), d’effectuer un débroussaillage mécanique sélectif, puis de lâcher les biquettes qui vont brouter les rejets de souches et empêcher la repousse des ligneux.
Les professionnels du débroussaillage caprin donnent les conseils suivants:
– délimiter des parcs de grande taille, pour que la presion de pâture soit moins élevée et plus hétérogène. La norme actuelle, selon végétation, est de 1 hectare minimum.
– impérativement adapter la taille du troupeau à la taille de la surface à pâturer et à bien estimer l’offre en nourriture à disposition dans le parc. Si elle est insuffisante, cela peut conduire les chêvres à s’évader ou à surpâturer cette surface. Une pâture par portion bien surveillée peut être utile pour forcer les chêvres à consommer des herbes sèches ou des zones à espèces problématiques (fougères).
– appliquer une pâture tournante en alternant d’une année sur l’autre l’ordre de pâture des parcs, mais en privilégiant une pâture printanière, lorsque les pousses sont tendres et vigoureuses.
– ne pas apporter de fourrage complémentaire, mais laisser à disposition des pierres à lêcher pour assurer un bon équilibre minéral et vitaminique.
– utiliser des races rustiques, comme la chêvre bottée, la chêvre grise des montagnes, l’alpine chamoisée ou la Buren qui a la particularité de ne pas s’échapper de son enclos.
Certains professionnels assurent un “fini” derrière les chêvres. Ils récupèrent en particulier les rameaux délaissés par les biquettes, pour les broyer et procéder ainsi à la production de BRF, ou bois raméal fragmenté, qui constitue un matériau très intéressant pour enrichir les sols fatigués des parcs et jardins. Donc, une double activité grâce aux chêvres et à ce nouveau mode de cultures.
Du lait frais en ville
Le lait de chêvre est réputé plus digeste que celui des bovins: il contient moins de lactose, et pas du tout d’agglutinines.
Et comme les biquettes savent se faire toutes petites, on commence à rencontrer des chêvres, naines ou normales, dans des jardins, voire des jardinets où elles peuvent cohabiter avec chiens, chats, poules, et surtout enfants. Inutile de dire que les plantes ne sont pas à la fête, sauf si des protections efficaces ont été installées. On peut désormais trouver du fourrage en animalerie, à moins d’aller l’acheter chez un agriculteur, ou encore de jouer les faucheurs le week end dans une prairie à l’abandon. Des granulés et des pierres à lécher complètent le tableau.
Aux USA, le phénomène “urban farming”est désormais bien lancé. Avec là-bas plus d’espace dans les interminables suburbs jusqu’ici dévolues à la bête pelouse tondue le dimanche. Et des surfaces supplémentaires maintenant accessibles lorsque nos “néo-ruraux ont fait le choix d’une toiture végétale où poussent des herbes grasses du milieu montagnard. Les poules et les chêvres sont de rigueur, avec la corvée quotidienne de la traite et du ramassage des oeufs. Une chêvre normale produit deux à trois litres de lait par jour. En élevages professionnels, le chiffre monte jusqu’à cinq litres, mais avec une alimentation très bien réglée, un savoir traire qui n’est pas donné à tout le monde, et des risques de mammites en permanence.
Mieux vaut donc en rester à l’amateurisme prudent.
Rappellons encore que la chêvre est encore considérée comme une bête de rapport, elle doit être déclarée aux services départementaux de l’agriculture.
Les randonnées caprines: suivez le bouc!
On se met à apprécier la lenteur. La slow food a ouvert la voie, on peut également envisager le slow trek, ou en bon français la randonnée pépère, au rythme naturel de ce qui nous entoure.
Alors foin d’attirail mécanique, laissons les vélos et même les carrioles grinçantes. Restent les ânes, rustiques et endurants, mais aussi les boucs. Pourquoi les boucs? Parce que castrés assez tôt, vers quatre mois, ils n’ont pas d’odeur, et acquièrent un caractère tranquille qui convient à ce nouveau rôle d’accompagnateurs qu’on peut leur faire tenir. Et ils sont d’une taille nettement supérieure à celle d’une chêvre femelle, ils peuvent donc avec un bât adapté, porter de 30 à 40 kg de matériel de camping, en soulageant d’autant les randonneurs.
Une initiative s’est lancée dans l’Aisne: le relais des boucs, avec pour le moment trois boucs qui ont prouvé leur bonne volonté. Les chemins de randonnées ne manquent pas aux alentours, et Marina vous indiquera les lieux où l’on est bien accueilli, ceux où les boucs sont tricards … A 12 euros la journée, c’est une honnête proposition pour occuper une journée ensoleillée … Mais une telle initiative n’a de sens que dans le cadre d’un réseau où des dizaines de relais pourraient recevoir les randonneurs et leur montures d’accompagnement.
Si vous désirez lancer une activité secondaire, et que votre habitation en situation suburbaine, peut accueillir pour le gite en toile et le couvert, voici une activité qui vous tend les bras. Son cadre juridique n’est pas encore bien bordé, mais c’est justement ce qui en fera le sel …
Angelina Viva