Les pollutions qui touchent les grandes réserves de notre eau potable sont essentiellement d’origine agricole, et de gros efforts sont à mener pour diminuer ces effluents.
Mais au sein des bassins d’alimentation, des zones permettent naturellement des captages d’une eau pure et abondante: les forêts. Avec des variations selon la saison, les essences sylvestres, et le mode de gestion de ces forêts.
Les captages d’eau en zone forestière permettent d’obtenir des eaux potable ne nécessitant pas de traitement, donc avec un coût de fonctionnement 20 à 50 fois moins élevé que dans des zones agricoles, ou bien par le traitement d’eaux de rivières.
Pour comprendre ce phénomène, il faut bien étudier les interactions entre les essences et leur sol, qui filtre et épure l’eau d’infiltration.
LA QUALITÉ DU SOL
La forêt est une communauté de végétaux, essentiellement des arbres, qui entretient des rapports très ténus avec toute une micropopulation vivante ( bactéries, champignons, larves ou adultes de vers ou d’insectes…), qui au delà des échanges nutritionnels, interviennent sur la porosité des sols et donc sur la pénétration de l’eau qui est cinq fois plus importante en forêt que dans des cultures ou des prairies.
En plus de ce rôle d’éponge qui limite le ruissellement en surface, la teneur des sols sylvestres en micro-organismes friands de nutriments azotés permet au passage de capter une partie du surplus azoté des cultures voisines. Certaines surfaces boisées sont particulièrement efficaces: les ripisylves.
Les ripisylves sont les bords de rivières plantés d’essences bien enracinées, dans le but d’absorber, avant leur déversement dans le cours d’eau, l’essentiel des nitrates emportés par le ruissellement des eaux de pluie, ou lors de mauvaises pratiques d’irrigation.
On a constaté que chez les jeunes ripisylves (arbres en croissance), on pouvait prélever 900 Kg d’azote par hectare et par an …. autant de pollution évitée en aval.
Une ripisylve de 30 mêtres de large permet d’absorber 80% des nitrates et 70% des phosphates ruisselant vers les cours d’eau. Précisons que ces substances sont transformées en surface pour produire de la biomasse, et ne s’infiltrent pas en profondeur pour polluer les nappes de captage d’eau potable.
A partir d’une largeur de seulement cinq mêtres, une ripisylve capte 90% des sédiments liés à l’érosion et au ruissellement (ces sédiments qui augmentent la turbidité des eaux de rivières, mais qui peuvent également contenir des pesticides ou différents polluants).
La forêt est autosuffisante en azote et ne nécessite que très peu d’intrants: quelques pesticides ou herbicides pour accompagner les jeunes plants … et puis plus rien pendant vingt à trente ans …
Ainsi, et très naturellement, la forêt joue son rôle de phytoremédiation (dégradation et mise en séquestre des éléments toxiques introduits dans un sol), avec une efficacité qui dépendra des essences plantées et du mode d’exploitation des forestiers.
UN CYCLE DE L’EAU PARTICULIER
De par leur implantation géographique (en altitude, ou sur des versants), les forêts reçoivent naturellement plus d’eaux de pluies que les autres espaces: 980 mm par an contre 860 soit 15% supplémentaires…
Ces eaux vont pour partie être retenues par le feuillage, 365 jours par an pour les résineux, environ 200 jours par an pour les arbres à feuillage caduc. Cette rétention foliaire évite le ruissellement.
Puis au niveau du sol, l’importance du réseau racinaire jouera lui aussi pour retenir l’eau au bénéfice du végétal.
L’exploitant aura le choix entre de essences plus ou moins enracinées, à des profondeurs spécifiques, en fonction du sol, des précipitations locales, et de ses propres objectifs économiques pour la production de bois (bois de coupe, de chauffage, ou biomasse purement énergétique ?): ces choix techniques auront des conséquences directes sur la quantité et la qualité des eaux captées dans cette zone forestière.
Par exemple les résineux auront un taux d’interception (eaux de pluie )restées dans le feuillage importants tout au long de l’année, mais un taux de transpiration important en hiver, alors que les feuillus caducs sont en repos hydrique.
Avec les années à venir qui s’annoncent à la fois violentes (tempètes, orages) et déficientes en eau du ciel, l’eau des forêts constitue une ressource d’excellence qu’on peut encore améliorer, déja en augmentant les surfaces affectées, mais avec un management qui tienne compte non pas seulement de la production en surface ( qui, voir article ci-contre, va sérieusement évoluer dans les dix ans à venir), mais de la nappe aquifère sous jacente, qui pourrait être considérée comme une richesse primordiale à conserver et valoriser.
Alors que les frais de purification des “eaux de forêts” sont quasi nuls, des études ont montré que des consommateurs sont prêts à payer en moyenne 50 euros de plus pour avoir au robinet une “eau forestière”. A l’instar des embouteilleurs d’eaux minérales qui gérent leur “terroir” pour éviter toute pollution et maitriser les quantités d’eau disponible, on peut envisager que des forestiers pourront tirer un nouveau parti des ressources hydrologiques de leurs domaines .
Une nouvelle donne dans le puzzle compliqué des opérateurs de l’eau en France.