Retrouver les savoir-faire des jardiniers d’antan.

Les fruits de culture intensive nécessitent des traitements coûteux et malsains. Pourquoi ne pas réintroduire des pratiques naturelles qui ont fait leurs preuves ?

Les vergers clos de Montreuil. Spécialité, les pêches!

Au XIXème siècle, l’expansion des chemins de fer a permis de faire « monter » du sud  vers Paris des fruits en grandes quantités, des fruits mûris précocement et naturellement.

Ces fruits étaient produits depuis deux siècles avec des méthodes sans cesse améliorées,  profitant au maximum des rayons solaires en plaçant les végétaux tout contre des murs bien exposés, qui gardaient la chaleur le jour pour la restituer la nuit.

Les murs à pêches de Montreuil

La culture des pêches en espaliers s’est mise en route dans les années 1600 pour fournir la Cour et la grande bourgeoisie parisienne. Elle s’est étendue  avec vers 1880 un développement des murs jusqu’à 600 km de linéaire, un labyrinthe tel  que lorsque les Prussiens y arrivèrent pour prendre Paris, ils l’ont prudemment contourné …

Chaque parcelle toujours étroite, était orientée nord-sud et enclose de murs d’environ 2,60m de hauteur, coiffés de tuiles, et talochés de plâtre pour en augmenter l’inertie thermique. Le sous-sol de Montreuil étant riche en gypse, la construction de ces murs était économique.

Palissade “à la diable”

Le long de ces murs étaient plantés les pêchers greffés sur de robustes amandiers, et dont les branches étaient taillées pour s’appliquer au plus près du mur coté sud.

Deux types de taille :

  • le palissage « à la diable »  (photo) avec une répartition maximum  des branches de part et d’autre : un pêcher pouvait couvrir jusqu’à 12 m de murs et produire 400 Kg de fruits.
  • Le palissage « à la loque », où l’on plaquait au mur des bande de tissu de récupération afin d’y fixer les branches sans les blesser.

Dans ces parcelles très abritées du vent, la température était généralement supérieure de 10° à la température ambiante.

Les murs gardaient la chaleur toute la nuit.

Si les murs au sud accueillaient les pêchers en espaliers, le reste des parcelles comportait également des pommiers, des framboisiers, des vignes, ainsi que des productions florales (pivoines, roses, lilas, jonquilles).

Une production maximale dans un minimum d’espace, ces murs à pêches ont fait vivre jusqu’à 600 familles.

Les chasselas de Thomery

On connaît plutôt maintenant le chasselas de Moissac, qui pousse en plein champs dans un Quercy ensoleillé.

Mais le chasselas a longtemps été cultivé de manière originale dans la région de Fontainebleau, à Thomery..

Cette région était déjà productrice de vigne depuis le moyen-âge, mais plutôt pour fournir une piquette à boire au plus vite …

C’est un vigneron inventif, François Charmeux, qui vers 1730, introduit le cépage chasselas et développe en même temps une méthode de culture et de conservation des grappes tout à fait originaux.

Là encore, les murs retiennent la chaleur

Là encore, les plants de vigne sont disposés en espaliers contre de hauts murs qui accumulent la chaleur solaire. Ces murs suivent la pente des coteaux, et sont chapeautés par des tuiles et des petits auvents en verre qui assurent une protection contre la grêle et maintiennent un effet de serre.

Les grappes sont surveillées une par une, poussent précocement et se chargent en pulpe sucrée.

Mais c’est la conservation des fruits au bout de leur sarment qui permet une commercialisation pendant tout l’hiver, et la méthode plait : plusieurs producteurs accompagnent la famille Charmeux, pour fournir les restaurants et les grandes tables parisiennes, mais aussi de toute l’Europe.

Dans « Bouvard et Pécuchet », Flaubert fait référence au chasselas : « A Saint Petersbourg, pendant l’hiver, on paye un raisin un napoléon la grappe ! C’est une belle industrie, tu en conviendras ! Et qu’est-ce que ça coûte ? Des soins, du fumier, et le repassage d’une serpette ! ».

L’astuce consiste à couper la tige de part et d’autre de la grappe (voir illustration) et de tremper ce sarment dans une bouteille d’eau, l’ensemble des bouteilles étant mises en « chambres à raisins » (également appelées « fruitiers ») dont la température est régulée : les raisins restent frais comme à la cueillette et peuvent se garder ainsi tout l’hiver et même jusqu’à Pâques.

 Le procédé est d’ailleurs breveté en 1877, mais ce sont encore des vignerons de Thomery qui vont mettre au point des chambres froides bien avant les autres agriculteurs.

Les fioles dans les “fruitiers” conservent les grappes jusqu’à Pâques ….

En 1850, première alerte à l’oïdium, mais les vignerons sauvent leur production par soufrage des tiges vertes.

En 1890, catastrophe avec le phylloxera, qui ne touche pas Thomery, mais qui entraîne l’interdiction de faire circuler des ceps ou des sarments, or les raisins de Thomery sont livrés avec leurs sarments !

Puis le mildiou, et enfin une gelée « centenaire » en 18X9 vont encore ébranler la production du chasselas. Mais les vignerons sont opiniâtres, et la production reprend de plus belle après la Grande Guerre, s’étend aux communes voisines, pour atteindre les 800 tonnes annuelles sur 150 hectares, soit 250 km de murs.

Un déclin rapide dans les années 50 est dû à l’arrivée des chasselas du Sud-Ouest et des raisins italiens conservés quasiment à l’année dans des chambres froides.

Le retour des productions locales : une chance pour les micro-fermes

Il se joue actuellement une modification rapide et intense des circuits économiques concernant les productions agricoles. C’est le consommateur qui veut du frais, du sain, et du local. Il est temps de créer pour ces nouvelles filières, de nouveaux moyens de produire.

Il y a l’option « ateliers hydroponiques urbains » (voir encadré), en milieu totalement artificiel. Et puis l’option « permaculture rurbaine », où les végétaux poussent dans le sol, mais selon des principes de récupération maximum de lk’eau, de l’énergie, des semences.

Une étude a lieu actuellement avec contribution de l’INRA, dans une mini-ferme en Normandie, pour valider ces méthodes dont certaines étaient dans l’oubli.

Un dossier technique est disponible sur le site  www.fermedubec.com .

En quelques années, plus de 800 variétés de fruits et de légumes ont été  cultivés et observés, en oeuvrant avec  les techniques des maraîchers parisiens du XIXème siècle.

Au résultat, on observe qu’un maraichage bio-intensif d’une parcelle (1000m2 suffisent) cultivée à la main, par l’objet de soins intensifs, est dix fois plus productrice à surface égale, qu’avec les méthodes conventionnelles mécanisées et soutenues par la chimie.

Ce modèle de micro-ferme de 1000m2 peut se reproduire dans toutes les zones zub-urbaine où l’on peut encore miser sur une biodiversité et des contacts directs avec les consommateurs.

Sauvegarder des sols, créer des emplois, produire sain, et fournir à bon prix.

L’équation est exacte.