Mais attention aux pièges: hyperthermie ? due à la maladie ? ou bien à une réaction médicamenteuse? ou bien”vraie” fièvre? ou bien inflammation ?
C’est en effet un critère plein de pièges, du fait d’aléas physiologiques, environnementaux, ou de la manière dont on fait cette mesure. Concernant les infections virales, c’est le symptôme cardinal, déterminant pour des médecins souvent à distance (le 15) qui doivent “faire le tri”.
Quel est l’optimum thermique de l’homme ? C’est le physiologiste allemand Wunderlich qui s’est coltiné de réaliser un million de relevés sous les aisselles à 25000 patients. Au résultat, il conclut que cette température « normale » chez l’homme se situe entre 37°et 37,5°, toute la médecine a alors embrayé sur ces chiffres.
Chez les animaux, on a constaté que les animaux à sang chaud (endothermes) ont également une température stable, mais qui dépend de la taille de l’animal et de son degré d’isolation thermique : plus ils sont petits et maigres, plus ils luttent contre la déperdition thermique en « chauffant » leur corps.
Température et déperditions thermiques
Les animaux ont développé divers systèmes pour entretenir leur température au moindre effort physiologique : isolation par le pelage et les plumes, accumulation de tissu graisseux sous la peau, adaptations circulatoires par circulations croisées (poissons des mers froides), par sudation exacerbée (cheval) ou halètement (carnivores), ou encore par des comportements sociaux adaptés (chauve-souris en « bouquets », battements d’aile des abeilles pour refroidir la ruche),.
Chez l’homme, on retrouve cette même corrélation : les personnes maigres ont une température supérieure à celle des personnes enrobées, c’est le cas en particulier des hyperthyroïdiens.
Température et vieillesse
Les modifications physiologiques liées au grand âge influent sur la température : malgré la maigreur (sarcopénie, voir Effervesciences 117), la température est plus basse car les seniors ont un métabolisme réduit (si ce n’est de la malnutrition), et prennent très souvent des antalgiques qui font « baisser la fièvre », ce qui fausse les observations.
Température et digestion
La température corporelle provient de la digestion des aliments selon trois processus :
- les aliments eux-mêmes, s’ils ont été cuits, représentent un apport direct de chaleur, ou bien une économie en digestion (ils ont emmagasiné une capacité métabolique souvent oubliée dans les calculs de diététique : 100 g de riz n’ont pas les mêmes apports caloriques selon leur mode de cuisson).
- La digestion elle même consomme énormément d’énergie (jusqu’à 30% de l’apport alimentaire, sans aucun mouvement du corps. Il s’agit de chaleur interne, jour et nuit, qui irradie l’ensemble de l’organisme de manière centrifuge. Les produits de la digestion sont principalement métabolisés dans le foie avec une production intense de chaleur au niveau du foie. Les « anciens » préconisaient d’ailleurs l’application d’une bouillote tiède aux malades en projection du foie pour aider cet organe suite à un repas. Un repas lourd et alcoolisé va entrainer un travail intestinal et hépatique laborieux, une hyperthermie de plusieurs heures avec en corrélation une déshydratation et une hypertension.
- La respiration consomme de l’énergie par son travail musculaire, mais c’est surtout un exutoire très efficace pour l’énergie interne : Si vos doigts sont gelés, vous soufflez dessus et ils se réchauffent.
Température et sudation
Chez les carnivores, qui ont très peu de glandes sudoripares, c’est le halètement qui va permettre d’évacuer la chaleur accumulée par l’effort ou la fièvre. La sudation est chez l’homme (et surtout le cheval), une fonction essentielle de rééquilibrage thermique. Chez les sportifs, l’effort principal d’une compétition doit être précédé d’un échauffement bin nommé, puisqu’il permet une montée en température du corps (jusqu’à 39°5) qui améliore la résistance et l’efficacité des muscles et des tendons, tout en mettant en route les glandes sudoripares qui joueront à plein leur rôle lors de l’épreuve physique.
Par la suite, si la sudation n’est pas en mesure d’évacuer cette chaleur, ce sera le rôle d’une douche froide (comme pour les saunas), voire même de séjours brefs en chambres froides, ce brusque différentiel de température ayant également un rôle antalgique.
Les cycles de la température.
Un rythme circadien est un rythme biologique d’une durée de 24 heures environ. Chaque fonction biologique, chaque organe ont leur fonctionnement qui suit à quelques minutes près ce cycle quotidien, dont le centre de régulation se trouve dans les noyaux supra-chiasmatiques de l’hypothalamus.
La température évolue au cours de la journée, depuis une valeur minimale au petit matin jusqu’à une valeur plafond vers 18h, la variation étant de l’ordre du demi degré.
Chez la femme (et les mammifères femelles en général), la température est normale durant la phase folliculaire (36°8 chez la femme), et chute brutalement (36°5) au moment de l’ovulation, puis une remontée plus affirmée (37°3) qui durera 10 jours sans fécondation, ou plusieurs mois si un bébé est en route …
Température et médicaments
La fièvre (souvent confondue avec l’hyperthermie), est surveillée et contrôlée par des « antipyrétiques » bien connus comme l’aspirine, le paracétamol, la quinine, ou les différents « profènes ».
A l’inverse, certains protocoles plus ou moins thérapeutiques (plutôt répandus dans les milieux festifs ou sportifs), ont une action d’hyperthermie dangereuse : éphédrine (mort du cycliste Simson au mont Ventoux en 1967 avec 41°++), cocaïne, hormones thyroïdiennes, neuroleptiques, mais aussi phases paradoxales de l’aspirine et du paracétamol.
En médecine hospitalière, les interférons et les protocoles de radiothérapie ou de chimio entrainent des brusques réactions inflammatoires accompagnées de fièvres.
Origine de l’hyperthermie.
C’est ici qu’il faut être précis et ne pas confondre fièvre et hyperthermie.
L’hyperthermie est un phénomène physiologique, qui dépend d’un à-coup physiologique ou accidentel : emballement métabolique, effort physique, chaleur de l’environnement, émotion soudaine, on n’est pas dans le domaine du pathologique.
La fièvre, elle, dépend du centre nerveux hypothalamus, sous l’action de substances dites pyrogènes et d’origines diverses. Les bactéries produisent des endotoxines pyrogènes, qui elles mêmes agissent sur les globules blancs qui vont secrêter d’autres pyrogènes, en parallèle avec les lésions cellulaires (prostaglandines) elles mêmes pyrogènes : on a là une cascade métabolique complexe qui nécessite d’être bien comprise pour des soins thérapeutiques efficaces.
D’autant que cette fièvre provoque une accélération de tous les flux liquidiens du corps : le rythme cardiaque passe de 69 à 90 battements/minute, le débit de lymphe passe de un litre à quatre litres par jour.
Contrairement à l’hyperthermie qui présente une courbe en cloche bien régulière, la fièvre, selon les causes et les cascades métaboliques, peut présenter des courbes très diverses, avec des rémissions, des ondulations, des intermittences très spécifiques à la pathologie responsable. Un exemple typique (paludisme), en est le « l’accès palustre » avec alternance de périodes de fièvres, tremblements, douleurs musculaires (multiplication des parasites et éclatement des globules rouges), et de périodes de rémissions.
Autre exemple : les maladies urinaires, au cours desquelles la fièvre monte pendant l’accumulation d’urine infectée, puis tombe d’un coup dès qu’on a vidangé la vessie…
Les disparités de température dans le corps
Certains organes ont une température variable en fonction de leur activité physiologique : le foie comme les organes digestifs « chauffent » pendant la digestion, les muscles également au cours d’efforts physiques. Lors d’inflammations, les zones touchées ont un écart de plus de 4 degrés avec leur valeur normale, on peut le mesurer avec des lecteurs thermographiques. Certaines tumeurs sont ainsi décelables par ce procédé.
Au sein des cellules, les mitochondries actives travaillent à une température étonnante : plus de 45°. Et elles résistent, avec le même type ( ???, c’est la question !) de membranes que les cellules qui les hébergent. Il y a là un mystère passionnant à résoudre.
Soigner l’hyperthermie et la fièvre
L’hyperthermie est un accident, qui peut se résoudre tout naturellement, ou par l’action du froid (bains, enveloppements d’eau froide).
La fièvre, elle, doit être comprise comme une réaction (souvent violente) de l’organisme pour résister à une agression.
Jusqu’à 39°5, et sur une période courte (2 à 3 jours), la fièvre est bénéfique, elle booste le système immunitaire ainsi que les émonctoires (poumons, glandes sudoripares, reins) qui vont éliminer les toxines au fur et à mesure qu’elles sont produites.
Au delà, le corps fatigue et souffre, il est nécessaire d’agir à la fois sur les cascades pyrogènes (aspirine) et sur l’hypothalamus (paracétamol) pour contrôler cette fièvre trop violente.
Les outils de mesure
La mesure de la température est un acte médical majeur et universel depuis 400 ans. Idéalement, c’est au niveau de l’hypothalamus, le centre régulateur, qu’on devrait effectuer cette mesure. Un jour peut-être.
Actuellement, la température rectale est encore la méthode de référence, elle est économique, efficace, parfois critiquée pour son intrusion corporelle, et son éventuel risque infectieux.
On a développé des méthodes sans contact, en ciblant le conduit auriculaire, la bouche, les aisselles ou le front, c’est sans doute plus pratique, plus rapide, mais moins précis. Par exemple, on note des écarts d’un demi degré entre deux prises auriculaires de la même personne.
Certaines pathologies, ou traitements, demandent un suivi constant de la température : il serait utile pour le malade d’avoir dans son corps un capteur de température fiable qui puisse envoyer ses données en temps réel.
Ce sont le vétérinaires qui ont pris un peu d’avance dans ce domaine : le transpondeur BioThermo, qui joue également un rôle d’identification pour l’animal, permet de connaître à tout moment, et sans manipulation particulière, la température de l’animal dans son tissu sous cutané. Les mesures répétées permettent d’établir un profil individuel de l’animal, et de détecter toute variation inhabituelle. Lors d’un traitement (anti-infectieux, anti-inflammatoire ou autre), on peut suivre en temps réel l’action des thérapies.
Ce capteur « intégré » sera sans doute de pratique courante pour certaines pathologies chez l’homme, pour l’instant, il n’est dévolu qu’à nos compagnons.
Température et coronavirus
Cette maladie toute récente commence comme une virose banale (fièvre, toux, douleurs articulaires) et évolue dans 85 % des cas vers une guérison spontanée. Mais il semble que le virus soit acoquiné avec des bactéries pulmonaires déjà en place, qui vont mettre en route une inflammation aigue et une détresse respiratoire. On sait maintenant, malgré des rétentions d’information au plus haut niveau, que le traitement logique et désormais validé sur le terrain des médecins de ville, est de prendre immédiatement de l’azithromycine ou à défaut une autre macrolide ou une tétracycline, avec en prime du Plaquenil si l’électrocardiogramme le permet.
Jean-Yves Gauchet