A de multiples occasions (grèves des médecins, confinements de populations), on a pu constater qu’en parallèle avec la diminution des soins médicaux, se produisait une importante baisse de la mortalité des populations concernées. Doit-on en conclure que la médecine actuelle est mortifère ? Pas si simple …
Ce ne pourrait être qu’une anecdote, d’ailleurs bien connue dans la sphère médicale, mais le phénomène est tout de même répétitif et il faudrait tout de même en tirer des conclusions.
En 1973, les médecins israéliens se sont mis en grève pendant un mois. Les admissions dans les hôpitaux ont chuté de 90 % (65.000 à 7.000). Seuls les cas les plus urgents étaient admis. Le taux de mortalité aurait donc du augmenter fortement. Mais bien au contraire, le service funèbre de Jérusalem a rapporté que le taux de mortalité chez les israéliens avait diminué de 50 %, atteignant son niveau le plus bas jamais enregistré. C’était la baisse la plus importante depuis la grève précédente, 20 ans avant.
Autres grèves médicales, mêmes effets: un mouvement des médecins à Bogota fait baisser la mortalité de 35%, à Los Angeles, puis un retour la normale après la fin de la grève.
En Israel encore, nouvelle grève des médecins en mars 2000. En cause, la proposition du trésor public d’imposer un nouveau contrat de quatre ans de gages pour les médecins. Résultat, des centaines de milliers de visites de patients dans les cliniques sont décommandées ou remises à plus tard avec des dizaines de milliers d’opérations de confort. Les hôpitaux publics, qui fournissent la grande majorité des soins médicaux secondaires et tertiaires, ont maintenu en fonctionnement normal leurs salles de secours, unités de dialyse, services d’oncologie, départements obstétriques et néonatals, et les autres équipements essentiels pendant la grève.
Ainsi, les malades gravement atteints ont continué d’être soignés, la différence de soins reposent sur des reports d’actes non urgents, et de la médecine “tout venant”. Et résultat: 93 enterrements dans le mois à Jerusalem, à comparer aux 153 du même mois de l’année précédente.
Comment interpréter ces chiffres ?
D’une part, ces grèves sont courtes (quelques semaines) et cela permet aux organismes de montrer leur résilience (capacité d’auto-résistance, voire d’auto-guérison), résilience qui pourrait s’effondrer sur un temps plus long.
D’autre part, il manque des chiffres: quelle est la part des chirurgies reportées (donc pas de pertes opératoires durant cette période, mais qui sont simplement reportées). Oui, mais alors une question: ces opérations étaient-elles justifiées ?
Autre données qui manquent: quelles sont les déficits de prescriptions médicamenteuses durant cette période: pas d’ordonnances, pas de médicaments … et pourtant, les patients s’en sortent mieux … Ces médicaments étaient-ils indispensables … voire néfastes ?
A ce stade, on peut réfléchir sur cette réflexion du Pr Gilbert Welch:
« La sagesse populaire estime que plus de diagnostics précoces entraîne de meilleurs soins.Cela peut être vrai pour certains. Mais il y a un revers à la médaille : trop de diagnostics peut littéralement rendre malade les bien-portants. Ces nombreux diagnostics déclenchent plus de traitements, et des traitements pour des problèmes qui ne sont pas si graves ou, pire, qui ne le sont pas du tout. En revanche, les traitements inutiles peuvent faire du tort, et être pires que la maladie.(…) Le diagnostic précoce n’a rien à voir avec la prévention puisque son seul objectif est de trouver des maladies et non de les prévenir. Il vise à trouver des anomalies au début de leur évolution de manière à en prévenir les conséquences. Mais beaucoup d’anomalies ne porteront jamais à conséquences ».
Covid et mortalité des jeunes et des nourrissons
Avec le confinement dû au Covid, on a peu de recul, mais une constatation est mise en avant: aux USA, le très sérieux CDC (Centers for Disease Control) qui compile toutes les données médicales et sociales, publie des statistiques troublantes concernant la mortalité des jeunes populations durant la pandémie
Par rapport aux années précédentes, on note un fort recul de la mortalité chez les moins de 18 ans. Au vu du graphique ci-dessus, c’est très net.
Explications avancées: enfants confinés, donc moins d’accidents, moins de réunions type drogue-parties, moins d’autres maladies contagieuses, digestives ou respiratoires. Egalement, report d’interventions non urgentes, et report de prescriptions médicamenteuses. Va t’on à l’inverse constater un “rattrapage” de mortalité juste après la pandémie ?
Mais dans cette catégorie très diverse des jeunes, il est une cohorte bien plus homogène, c’est celle des nourrissons. Et chez eux également, on note une baisse importante de la mortalité en général, et plus particulièrement celle pendant le sommeil (MIN: mort inattendue d’un nourrisson).
Et cette constatation réveille bien des craintes à propos de la vaccination des nourrissons: durant cette période troublée, la disponibilité des vaccins comme des médecins s’est effondrée, des dizaines de milliers d’actes vaccinatoires ont été reportés. Alors, y’a t’il un effet protecteur immédiat de cette “non vaccination”. Là encore, un effet de rattrapage se profile, qui permettra de répondre à cette question.
Angelina Viva