C’est un des défis majeurs pour les années à venir, bien au delà de nos raccommodages sur les carburants ou de nos recyclages de couches culottes …. 20% de nos terres émergées (Canada+Groenland+Sibérie) constituent un gigantesque congélateur de méthane, de mercure, ou encore de bactéries et virus inconnus… Et ce réservoir commence à fuir de partout. Un chercheur russe, Serguei Zimov, propose une solution.
Le pergélisol, parfois désigné par le terme anglais permafrost,est constitué thermiquement de trois couches : la première dite « active » dégèle en été et peut atteindre jusque deux à trois mètres ; la seconde, soumise à des fluctuations saisonnières mais constamment sous le point de congélation, constitue la partie du pergélisol stricto sensu et s’étend à une profondeur de 10 à 15 mètres ; la troisième peut atteindre plusieurs centaines de mètres, voire dépasser le millier de mètres (en Yakoutie), ne connaît pas de variation saisonnière de température et est constamment congelée.
Le pergélisol réagit très lentement au changement climatique. Pendant un bref été, seule la couche supérieure fond de 10 cm à 3 m. Puis revient le froid, et la neige recouvre le sol. Mais le fait est que plus il est fait chaud en Arctique, plus la couverture de neige est puissante et plus l’isolation thermique est forte. Sous une neige épaisse, le sol peut ne pas geler et continuer de fondre.
Selon Sergueï Zimov, la fonte du pergélisol est accélérée par les microbes qui y hibernent.
«Ils se réveillent, et puisqu’ils n’ont rien mangé depuis 30.000 ans, ils dévorent tout en émettant des gaz à effet de serre. Leur activité réchauffe le pergélisol», note le rapporteur.
Il évoque également l’expérience menée sur deux terrassements dans la toundra. L’un en sol de forêt pauvre en microbes, l’autre en sol riche des prés. Avec l’arrivée de l’hiver, le premier avait gelé sur 1,5 m, le second sur seulement 30 cm.
«Uniquement grâce à l’activité microbienne. Si le sol est de 1,5 m, le réchauffement ne se ressent pas, s’il est supérieur à 2 m, le pergélisol peut fondre de lui-même. Il suffit de le réchauffer une fois et le processus ne peut plus être stoppé», affirme-t-il.
Privée de pergélisol, l’Arctique se transformerait en un territoire marécageux rugueux où l’activité agricole serait impossible — des territoires connus sous le nom de badlands. Le Nord-Est de l’Arctique russe serait particulièrement touché parce que les 30-40 m supérieurs se composent d’un type de sol particulier, le yedoma, composé à moitié de glace. Sa dégradation laisserait des effondrements gigantesques en détruisant tout simplement la surface de la toundra.
Il faut faire quelque chose, mais quoi ?
Pour Serguei Zima, l’ennemi, c’est cette neige abondante due aux hivers moins rigoureux.
Pour sauver le pergélisol, il est donc nécessaire de réduire de moitié la couverture de neige. Mais comment ? Le chercheur propose de transformer la toundra du Nord en steppe à mammouths. Cet écosystème, pendant le Pléistocène et l’Holocène, s’étendait sur la majeure partie de l’Eurasie et de l’Amérique du Nord — de l’Espagne au Canada et des îles arctiques jusqu’à la Chine.
Sur chaque kilomètre carré vivaient au moins un mammouth, cinq bisons, huit chevaux, quinze cerfs, ainsi que des bœufs musqués, des rhinocéros laineux, des saïgas, des cerfs, des mouflons des neiges, des élans, des lions des cavernes, des loups et des carcajous. C’était un écosystème très productif capable de nourrir d’immenses troupeaux de grands ongulés et de prédateurs.
Grâce au nombre élevé d’animaux, la verdure était entièrement mangée, seules les plantes à croissance rapide pouvaient survivre, et la neige était tassée.
La steppe était recouverte de céréales et d’herbes à longues racines aspirant l’eau à grande profondeur. Le sol était bien plus sec qu’aujourd’hui. Dans un tel état, la steppe à mammouths a existé pendant au moins 30.000 ans en survivant à plus d’un changement climatique.
En été, les animaux mangeront la végétation, et en hiver ils piétineront la neige pour trouver l’herbe, retirant ainsi la couverture qui réchauffe le sol. Au final, selon les estimations du spécialiste, la température du pergélisol pourrait ainsi diminuer de quatre degrés.
Grâce aux pâturages, il est possible d’obtenir un effet de plus grande ampleur, indique-t-il. Le fait est qu’en toute saison les pâturages sont plus clairs que la taïga et même les steppes que personne ne broute. Par conséquent, le sol reflétera davantage la lumière du Soleil et se réchauffera moins.
«Si l’expérience était menée sur une plus grande superficie, le climat se refroidirait davantage grâce à l’albédo», conclut Sergueï Zimov.