Que s’est-il passé en Méditerranée vers – 1500 avant JC ? Pour commencer, un état des lieux : Quels peuples, et quelles civilisations méditerranéennes en place vers – 1600 avant JC ?
Dans toutes les civilisations antiques, un certain nombre de mythes reviennent, très semblables, depuis le Déluge universel, en passant par la Cité Paradisiaque, le Jardin d’Eden, autant de réminiscences d’un Age d’Or qui aurait été bousculé par des catastrophes dirigées par un Dieu mécontent de la conduite des hommes …
Les trois religions monothéistes ont focalisé ces évènements sur le flanc est de la Méditerranée. Avec pour témoins contemporains et fiables, des Egyptiens instruits et très organisés.
Au cours de cette période de pré-Antiquité (de – 2000 à – 1000 années avant JC), au moins trois catastrophes ont ébranlé la région, entrainant désolations et conflits.
Elles ont été identifiées et datées à -1650, puis – 1500, et enfin – 1300 ans avant JC.
On en retrouve traces dans les textes religieux, la Bible en tête, mais aussi dans les épopées héroïques des Grecs et des Egyptiens.
Nous allons dans plusieurs article évoquer ces catastrophes, avec des arguments d’histoire plutôt surprenants (restez bien en place sur votre chaise) , comme « l’hypothèse Vélikovski »).
Pour commencer, un état des lieux :
Quels peuples, et quelles civilisations méditerranéennes en place vers – 1600 avant JC ?
A- La mer Egée et la civilisation minoenne :
La Crête et son voisinage (Cyclades, Rhodes, Chypre, le Péloponèse et l’Anatolie) se situent dans une région géologiquement très instable, très sujette aux tremblements de terre, nous en verrons les effets.
On a trouvé les traces d’une civilisation minoenne qui dès -3000 s’est développée en Crête, grâce à deux savoir-faire très novateurs : le travail des métaux, et la navigation (conception de navires et d’installations portuaires sur le pourtour méditerranéen). La plaine centrale de Crête est également un terroir agricole très productif où apparaissent les nouvelles céréales, les légumineuses, et l’huile d’olives : la Crête était, avec l’Anatolie, un grenier reconnu pour l’ensemble de la zone.
Vers -2000, sont édifiés des bâtiments assez grands pour mériter le nom de palais, preuves d’une évolution sociale et économique. La capitale Knossos domine une nation bien gérée par des potentats locaux obéissants.
L’influence minoenne s’exerce dans tout le bassin, commerciale, mais aussi culturelle (céramiques, débuts d’une écriture linéaire).
Trois catastrophes sismiques vont contribuer à abattre cette civilisation : vers – 1620, un tremblement de terre fait s’écrouler les palais, qui sont néanmoins restaurés « en l’état », sans avoir à les reconstruire. Puis nouvelles destructions en -1520, et encore vers – 1500 avec cette fois-ci des ravages définitifs : les palais sont laissés à l’abandon et c’est alors un déclin rapide des Crétois, au bénéfice des grecs du continent : les Mycéniens.
B- la civilisation mycénienne :
Les évènements dramatiques survenus en Crête, ont sans doute laissé le champ libre à un ensemble de cités portuaires bâties par les minoens, mais ayant repris leur indépendance dans un cadre culturel nouveau, initié sur le continent (Péloponnèse, mais aussi Attique de l’est et Thessalie du nord) à partir de peuples locaux essentiellement Achéens, puis Doriens venus d’Orient dans toutes les iles de la mer Egée).
Le « ciment » minoen n’était pas suffisant pour agréger tous ces peuples aux langues et aux intérêts différents. L’Odyssée d’Homère décrit bien ce monde éclaté aux dialectes différents, sous tutelle de roitelets sans scrupules, dont les alliances par mariages sont sans cesse remis en cause.
Ces peuples en perpétuels remaniements politiques ont un point commun : une obédience qui s’effiloche à l’autorité minoenne. Et au fil des ans et des contacts maritimes, un alphabet, une culture, un rapport aux Dieux qui va amalgamer ces peuples.
C’est le roi de Mycènes (tel Agamemnon de la Guerre de Troie), qui fédère les différents états, selon des alliances et des compromissions bien décrites dans l’Illiade.
Jusqu’en -1500, la puissance minoenne maintenait toutes les ambitions de ces petits souverains. Puis (pour des raisons non explicitées), ils ont dans les années -1400 envahi et pillé la Crête ainsi que les iles de Rhodes, de Chypre, et les territoires côtiers d’Ionie et de Lycie.
A noter que ces territoires actuellement en Turquie littorale, sont un point de passage obligé pour de nombreuses migrations que nous aborderons plus loin.
Les mycéniens ne forment pas un peuple uni, avec un esprit de conquête. Ils profitent des progrès récents d’une agriculture (sur le modèle crétois) productive, où travaillent des esclaves grappillés le long des cotes méditerranéennes. Les mêmes esclaves constituent des équipages mercenaires très mobiles, toujours prêts à prendre la mer, tantôt corsaires au service d’un monarque, tantôt pirates pour leur compte personnel. Ce qui contribuera à gêner considérablement les historiens qui voudront identifier « les peuples de la mer ».
La civilisation mycénienne s’éteint en quelques siècles à partir de – 1200, à la fois du fait de troubles sociaux et par rejet du système palatial, mai aussi par l’infusion grandissante de peuples venus du nord-ouest, vraisemblablement de Hongrie ou des Balkans. Une période « sombre » s’installe, avant un renouveau qu’on appellera la civilisation
C- l’épopée Hittite :
Les Hittites apparaissent comme une confédération de peuples indo-européens (issus sans doute des régions actuellement ukrainiennes) qui se sont regroupés en Anatolie vers – 1700, et qui s’est en permanence opposée aux puissances en place (Assyriens, Mésopotamiens, Araméens et Egyptiens) ainsi qu’à des nomades locaux, les Gasgas, avant de chuter vers – 1200 sous les assauts des « peuples de la mer ». Il s’agit de populations mobiles aux qualités guerrières affirmées, mais uniquement sur terre.
Une première épopée se déclenche vers – 1595, avec la conquête de l’actuelle Syrie (Alep), puis une lointaine incursion en Assyrie jusqu’à Babylone. Mais avec un retour précipité pour protéger l’Anatolie des raids de peuples voisins : les Hourrites (rives de l’Euphrate) et les Gasgas (rives de la mer Noire).
Après une période de troubles internes très violents, vers -1500, un monarque s’impose :Tudhalya, qui a du sang mêlé hourrite et kizzuwatnien (Alep), ramène le calme en fixant des frontières négociées au sud avec le pharaon d’Egypte, et en ouvrant les postes administratifs, voire des charges religieuses, à des Hourrites. Quasiment un « grand Turc » avant la lettre !
C’est l’époque du « nouvel Empire » hittite, qui stabilise le proche orient durant un siècle, avant de se heurter à nouveau aux Egyptiens (bataille incertaine de Qadesh), puis de se diluer dans des luttes intestines et sous les assauts des peuples voisins, tant sur terre (Gasgas, Phrygiens, Assyriens) que par débarquements côtiers (peuples de la mer). L’Anatolie devient alors un lacis de petits royaumes plus ou moins alliés en confédérations dès qu’un danger se profile.
D- L’Egypte des Pharaons
C’est bien sûr le gros morceau de cette saga historique, avec cette particularité que « chez ces gens là », tout est noté, daté, répertorié, selon des protocoles et des écritures qui n’ont plus de secrets. Et que malgré l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie, il est resté suffisamment de pièces pour que les historiens puissent reconstituer les faits.
De même que les vallées du Tigre et de l’Euphrate ont accueilli des civilisations agraires très avancées, la vallée du Nil a servi de « terre bénie des Dieux » capable de productions excédentaires grâce aux crues génératrices d’un limon de grande qualité. Ce surplus agricole a permis aux monarques successifs de financer une armée essentiellement défensive, une administration tatillonne, des exploitations minières, une cour et un clergé tout dévoués au Pharaon.
On estime que les premiers habitants à demeure se sont fixés vers – 5500, agriculteurs, chasseurs puis pasteurs, ils développent une culture (poteries, outils et bijoux) déjà élaborée.
Vers – 3200, le Pharaon Menès et ses successeurs réalisent l’unification des royaumes de haute et basse Egypte, s’installent à Memphis, et instituent un culte politico-religieux qui va pérenniser le système pour trente siècles.
Néanmoins, l’Egypte subit une période trouble (- 2200/-2050) due à des rivalités entre grandes familles. Les services de l’Etat ne sont plus assurés, des famines se déclenchent, les frontières s’agitent.
Un pharaon à poigne, Montouhotep, reprend la main, et ses successeurs (Moyen Empire) vont relancer richesse et sécurité dans le royaume : conquête de la Nubie au sud, ligne de défense au Sinaï, vaste programme d’irrigation, et modernisation des croyances : l’âme de chaque mortel (et non plus seulement celle des Elites) peut désormais être accueillie par les Dieux après la mort. Une ferveur religieuse nouvelle vient conforter l’aura du Pharaon.
La dynastie des Thoutmosis étend l’influence égyptienne jusqu’en Syrie et en Syrie, tout en s’appuyant sur une religion remaniée dédiée au Dieu Amon dont le culte est basé à Karnak.
Un événement considérable , que nous re-détaillerons, a lieu dans les années -1400 à – 1350 : le jeune pharaon Amenhotep IV, marié à la célêbre Nefertiti, fait table rase du panthéon des dieux autour d’Amon, pour promouvoir un dieu unique et tout puissant : Aton. C’est un pari génial et périlleux.
Car en prenant le nom d’Akhenaton, en créant de toutes pièces une capitale divine au sud de l’Egypte (Akhetaton), il se coupe de tout le clergé et toute la noblesse qui vont s’agiter dans son dos.
Akhenaton est omniprésent dans les arts (un style très épuré et naturaliste où abondent les plantes), l’architecture (des ouvertures très larges pour laisser entrer le Dieu-soleil), il se pique lui-même de poésie. Le petit peuple a tendance à le suivre, car la religion nouvelle est simple, sans les détours compliqués imposés par un clergé arrogant et dispendieux.
Mais Akhenaton est malade (épileptique, mais aussi atteint de calculs urinaires), et il délaisse son rôle de chef militaire.
Les peuples du proche-orient se réveillent : hittites, mais aussi assyriens et pillards Apirou se taillent des territoires mal défendus : l’Egypte perd ainsi en quelques années Sidon, Tyr et Byblos.
A la mort d’Akhenaton (- 1337), une succession de décès (dont certains suspects) placent sur le trône Toutankhaton (toujours référence à Aton) qui ne tarde pas à changer son nom en Toutankhamon : la fête est finie, on va reprendre le culte d’Amon et faire un certain ménage dans l’administration et l’armée …
Vers -1300, Ramsès II monte sur le trône et relance l’autorité de l’Etat, en particulier dans le domaine extérieur. Il lance une attaque frontale contre les Hittites, une attaque qui échoue militairement (bataille de Qadesh), mais qui permet un accord sur le statut de la Palestine qui constituera une « marche », une zone sans enjeu dans laquelle on pourra de part et d’autres refouler les indésirables Nous en verrons les conséquences.
C’est sous le règne de Merenptah , vers -1200, qu’ a lieu une première attaque de l’Egypte par une coalition des Libyens avec « les peuples de la mer », au niveau du delta du Nil. Victoire totale du Pharaon et débandade des coalisés.
Tout revient en ordre pendant vingt ans, jusqu’à une nouvelle attaque, cette fois-ci sur le front nord, et c’est au jeune Ramsès III de diriger les combats dans une zone marécageuse où
s’enlisent les navires ennemis. Ces ennemis sont en grand nombre, accompagnés de femmes et d’enfants : c’est tout autant un flux migratoire agressif, qu’un raid purement militaire.
Ramsès sort grand gagnant de cette bataille et repousse ces envahisseurs vers le nord. Ceux qui y restent sont les Peleset, sans doute originaires de Crête, qu’on appellera plus tard les Philistins.
A partir des années -1080, l’Egypte de nord tombe sous la coupe de princes libyens, alors que le sud est géré par une assemblée de prêtres d’Amon. C’est le début d’une décrépitude avec les assauts permanents des Assyriens à l’Est et des Nubiens au Sud.
Des mercenaires grecs sont recrutés pour protéger ce qui reste du Royaume. De fait, l’Egypte devient un protectorat grec, puis une entité hellène à part entière avec la prise de pouvoir des Ptolémée (-332, épopée d’Alexandre le grand et conquête absolue de l’Egypte sur les Perses).
Ce cadre d’histoire « officielle » étant posé, il nous reste à examiner les évènements datés, mais non expliqués, qui ont bouleversé cette zone et modifié le destin des populations.
Voir l’article suivant: les grandes catastrophes de cette époque.
Tableau récapitulatif: