Avec le progrès, on note une incroyable augmentation de l’efficacité de pêche que les gestionnaires ont du mal à contrôler et qui s’est soldé par ce qui est appelé la surpêche.
Pêcher nécessite de savoir où se trouve le poisson. Les différences des savoirs et des pratiques entre pêcheurs expliquent pourquoi les captures ramenées au port un même jour par divers bateaux ne se ressemblent pas (ni en qualité, ni en quantité). L’acquisition de ce savoir a changé au cours du temps. Si l’oralité a joué un rôle essentiel pendant des millénaires, nouvelles technologies et électronique qui représentent les piliers de la pêche moderne, notamment industrielle, permettent de connaitre la position géographique, la profondeur et la saison de pêche des espèces recherchées.
Avant l’outil moderne de positionnement par satellite (GPS), une zone de concentration de poissons autour de rochers, dans des prairies sous-marines ou aux alentours d’une épave à proximité de la côte était repéré par des amers, points caractéristiques situés à terre et bien visibles à une distance raisonnable jusqu’à 10 milles en mer (environ 18,5 km), par exemple le clocher d’une église, une tour, une antenne ou simplement un sommet.
Il convenait de trouver trois amers, disposer d’un compas pour les relever sur une carte par rapport au point recherché qui était localisé par triangulation. Il existe une multitude de sites de la sorte le long des côtes dont la localisation a été transmise au gré de discussions en famille ou entre pêcheurs.
Depuis cinquante ans, ces discontinuités sur le fond susceptibles de concentrer poissons et crustacés qui viennent s’y cacher ou s’y nourrir sont localisées avec un sondeur et la position en latitude et longitude précise est donnée par le GPS et méticuleusement répertoriée sur une carte ou un livre de bord. Plaisanciers et pêcheurs professionnels disposent désormais de cette instrumentation.
Au large, repérer des poissons nécessite une observation experte de la surface de l’eau ou de quelques mètres dans les airs au-dessus de la surface. Navigateurs et pêcheurs ont toujours observé à vue ou plus souvent à l’aide de jumelles ou de longues-vues, des reflets argentés à la surface pouvant être un banc de petits pélagiques (sardines, anchois), et des frétillements ou des bouillonnements pour des bancs de bonites, de thons jaunes ou thons rouges. Un souffle de baleine ou de dauphins pourra signaler une présence de proies autour desquelles seront rassemblés des prédateurs que recherchent les pêcheurs.
Des groupes d’oiseaux actifs plongeant pour chasser des proies permettront de localiser un banc de thons. Ces groupes d’oiseaux sont d’une importance capitale pour la pêche thonière à la senne et peuvent être repérés à des distances de plus de cinquante kilomètres à l’aide de radars dédiés.
Lorsque le bateau se rapprochera des oiseaux, il mettra en action son sonar pour vérifier si les poissons représentent un intérêt commercial, pour apprécier la quantité et observer la taille du banc, diamètre et hauteur. Depuis une dizaine d’années, des informations sur les quantités de poissons associés à des dispositifs de concentration de poissons (DCP) mesurées par des sondeurs sont directement envoyées aux bateaux qui optimisent ainsi leur stratégie de pêche.
À partir des années 1990, des chercheurs océanographes, écologues, biologistes ont mené des recherches pluridisciplinaires pour décrire l’habitat et le comportement des ressources marines exploitées avec des marques satellites posées sur des poissons ainsi que des observations de l’environnement in situ et par satellites pour mesurer la température de surface des océans, la richesse en phytoplancton, les vitesses et directions des courants.
Les produits de ces recherches comme des cartes satellites ou des modèles de répartition des poissons à haute définition ont été exploités par des sociétés de services qui proposent désormais des produits d’aide à la pêche. Les technologies de type électronique et informatique ont définitivement remplacé le compas et l’oralité en tant que vecteur de connaissances. Ces technologies ont aussi contribué à un considérable accroissement de l’aide à la pêche permettant à tous les pêcheurs de savoir où se trouve le poisson.
Le progrès a entraîné une incroyable augmentation de l’efficacité de pêche que les gestionnaires ont du mal à contrôler et qui s’est soldé par ce qui est appelé la surpêche. Cette surpêche a des impacts négatifs non seulement sur les espèces recherchées, mais aussi sur des espèces capturées accidentellement qui sont rejetées vivantes ou mortes ainsi que sur les écosystèmes.
Source: TheConversation
Auteur: Pascal Bach. Chercheur en écologie marine, Institut de recherche pour le développement (IRD)