(3) La DMLA, féroce enjeu de l’ophtalmo-business. Et les patients, dans tout cela?

Dans ce troisième article, détaillons les options thérapeutiques offertes aux malades à partir des premiers symptômes. Où l’on s’aperçoit qu’il y a de grandes disparités (financières et médicales) entre les patients selon l’appréciation de leur DMLA.

Comme exposé dans les deux précédents articles (1) et (2) , le DMLA en phase avec le vieillissement de la population devient une pathologie majeure à traiter, et un objectif de marché décisif pour les laboratoires pharmaceutiques.

Il y a deux temps dans l’évolution de cette maladie: un temps long (de deux à huit ans selon l’âge des patients et les soins préventifs mis en oeuvre) qui correspond à la DMLA sèche, et un temps d’urgence, quand les troubles visuels s’accélèrent (DMLA humide), et où il faut alors traiter régulièrement par injections intra-oculaires.

Il y a une similitude entre l’évolution d’une tumeur et celle d’une DMLA, c’est le foisonnement de nouveaux vaisseaux sanguins qui s’organisent pour venir apporter des nutriments (et en particulier des sucres) dans les zones malades en pleine extension. Les causes sont différentes, mais la solution médicale est la même: pour lutter contre ce foisonnement des vaisseaux sanguins, on fait agir (par voie générale pour les tumeurs, par vois locale intra-oculaire pour la DMLA) une substance (pour l’instant un anticorps monoclonal, d’autres options sont en phase de recherche) qui neutralise le VGEF, ce facteur biologique qui initie et entretient la néo-vacularisation.

Ces anti-VGEF ne sont pas tombés du ciel, ils sont le résultat de plusieurs dizaines d’années de recherches en cancérologie, autant dire que ces molécules sont depuis longtemps amorties sur le plan pharmacologique, il a fallu “seulement” les adapter à leur action intra-oculaire (solubilité, pH, acceptabilité par ce tissu si sensible que la rétine, etc). Et pourtant, bien qu’issus des mêmes recherches par les mêmes labos (en l’occurence une triade de laboratoires suisses), les produits utilisés ont un prix qui va de 1 à 5 (voir article précédent). Ce qui fait que les ophtalmologistes, seuls détenteurs du diagnostic de DMLA humide, ont à jongler entre des options bien différentes pour soigner leurs patients.

A la base de tout traitement, un diagnostic.

Le traitement intra-oculaire s’adresse essentiellement à la forme exsudative (ou néovasculaire) de la DMLA. Voici les principaux critères :

A. Diagnostic de DMLA exsudative/neovasculaire :

  • Présence d’une néovascularisation choroïdienne (NVC) : confirmée par OCT (tomographie en cohérence optique), angiographie à la fluorescéine, parfois angiographie à l’indocyanine.
  • Signes d’exsudation active :
    • Déformation de la rétine (décollement neurosensoriel ou de l’épithélium pigmentaire)
    • Hémorragie
    • Exsudats sous-rétiniens ou intrarétiniens
    • Épaississement rétinien
    • Baisse d’acuité visuelle récente

B. Critères d’éligibilité :

  • Atteinte du pôle postérieur (macula)
  • Retentissement fonctionnel significatif : baisse de l’acuité visuelle, déformation de la vision (métamorphopsies)
  • Absence d’autres causes évidentes de baisse visuelle (ex : cataracte majeure, autre pathologie maculaire)
  • Le patient est en capacité de venir régulièrement en consultation

C. DMLA sèche

  • La forme atrophique (sèche) n’a pas d’indication à un traitement intra-oculaire actuellement (pas d’anti-VEGF).

Critères pour le choix du traitement par l’ophtalmologiste

Le principe du traitement est l’injection d’anti-VEGF (anti-vascular endothelial growth factor). Les principaux médicaments sont : ranibizumab (Lucentis®), aflibercept (Eylea®), brolucizumab (Beovu®), et plus rarement bevacizumab (Avastin® en hors AMM).

A. Critères de choix entre les anti-VEGF :

  • Efficacité clinique similaire globalement prouvée entre les molécules
  • Profil de tolérance (effets secondaires locaux et systémiques)
  • Durée d’action/préférence de schéma (ex : Eylea® et Beovu® espacements possibles plus rapides)
  • Coût et remboursement (Bevacizumab = moins cher mais hors AMM ; Lucentis et Eylea = AMM et remboursés en France)
  • Antécédents du patient :
    • Réaction antérieure à une molécule
    • Présence d’œdème maculaire associé ou autres pathologies oculaires
    • Résistance ou échec sous une molécule → switch possible

B. Adaptation au patient :

  • Possibilité de déplacement et suivi régulier
  • Statut général du patient (âge, comorbidités, antécédents thromboemboliques)
  • Attente et souhaits du patient

Nous avons vu ici que les malades de DMLA humide seront soignés selon un diagnostic et un suivi par leur ophtalmologiste, en secteur privé ou hospitalier, mais ceci après que la maladie ait fait son chemin durant des mois, des années pendant lesquelles des actions préventives (ne parlons pas de traitements car il s’agit de compléments alimentaires, pas de médicaments.

Ces compléments alimentaires, eux aussi, constituent un marché très prometteur, avec un défaut majeur: non remboursés, ils sont à la cha, ces produits rge des malades, avec des coûts mensuels entre 30 et 50 € …

Sous la dénomination de “compléments alimentaires à visée oculaire”, ces produits à prendre quotidiennement contiennent essentiellement des vitamines C et E, des huiles de poissons (oméga 3), de la zéaxanthine et (ou) de la lutéine (pigments caroténoïde proches des pigments rétiniens). Ces compléments ont donc pour but de ralentir, ou de contrôler l’inflammation rétinienne, et de fournir des pigments aux photorécepteurs en difficultés.

Deux compléments actuellement se partagent ce marché: Préservision (labo Bausch et Lonb, un acteur majeur en ophtalmologie), et le Nutrof (labo Théa Pharma, également très présent sue ce secteur), qui contient également du resvératrol, antioxydant tiré du raisin.

Un nouveau complément est récemment apparu, plus complet puisqu’il contient des extraits d’algue Klamath, du picolinate de chrome (forme galénique la plus active) ainsi que du desmodium : il s’agit du Parusen, pour l’instant peu distribué en pharmacies, mais disponible auprès du laboratoire Visionary.  

C’est d’ailleurs de manière fortuite que cette formule “augmentée” a été trouvée, par des conversations entre une biologiste touchée par une DMLA sèche, et son ophtalmologiste qui a suivi ses progrès suite aux prises “raisonnées” de desmodium et de chrome… il ne fallait pas laisser filer ce succès inattendu, d’où ce laboratoire Visionary et le brevet inhérent.

Thèmes de recherches actuels

Les réponses médicales actuelles à la DMLA ne sont pas satisfaisantes, mais devant l’ampleur du besoin, de nombreuses recherches sont en cours, selon divers cheminements :

1. Thérapie génique

La thérapie génique vise à introduire des gènes spécifiques dans les cellules rétiniennes pour produire des protéines thérapeutiques sur le long terme, réduisant ainsi le besoin d’injections répétées. Par exemple, la société 4D Molecular Therapeutics a développé le 4D-150, un vecteur de thérapie génique conçu pour inhiber la croissance anormale des vaisseaux sanguins dans la rétine. Les résultats intermédiaires de l’essai clinique PRISM ont montré une réduction significative du nombre d’injections nécessaires, avec une amélioration ou une stabilisation de l’acuité visuelle chez les patients traités. (fr.investing.com)

2. Collyres thérapeutiques

Des recherches sont en cours pour développer des collyres capables de traiter la DMLA humide, offrant une alternative non invasive aux injections intravitréennes. La société NexThera a initié un essai clinique de phase 1/2a pour évaluer le NT-101, un collyre destiné à administrer des peptides thérapeutiques directement à la rétine. Cette approche pourrait simplifier le traitement et améliorer l’observance des patients. (afp.com)

3. Radiothérapie robotisée

Une étude publiée en octobre 2024 dans The Lancet a exploré l’utilisation de la radiothérapie robotisée pour traiter la DMLA humide. Cette technique permet de délivrer une dose précise de radiation aux zones affectées de la rétine, réduisant ainsi le nombre d’injections d’anti-VEGF nécessaires. Les résultats ont montré une diminution d’environ 25 % du nombre d’injections sur une période de 96 semaines. (optiknow.ca)

4. Thérapie cellulaire

La thérapie cellulaire consiste à greffer des cellules saines dans la rétine pour remplacer les cellules endommagées. Des essais cliniques préliminaires ont montré des gains d’acuité visuelle chez certains patients après implantation de cellules souches. Bien que prometteuse, cette approche nécessite des études supplémentaires pour confirmer son efficacité et sa sécurité à long terme. (journees-macula.fr)

5. Optogénétique

L’optogénétique est une forme de thérapie génique qui modifie génétiquement des cellules pour les rendre sensibles à la lumière. Dans le contexte de la DMLA, cette technique vise à restaurer la sensibilité lumineuse des cellules rétiniennes endommagées, offrant ainsi une nouvelle voie de traitement pour les patients atteints de formes avancées de la maladie. (roche.fr)

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admin1402

Vétérinaire à Toulouse, je gère bénévolement ce blog suite à l'arrêt de parution du journal "paper" Effervesciences" survenue durant la crise covid. Désormais, les infos sont en ligne, gratuietement.