Comme dit le proverbe : « à chacun sa m … ». Effectivement, nous avons chacun notre produit d’excrétion personnel, une sorte de signature qui apporte bien des renseignements sur notre activité alimentaire, notre cadre de vie, notre rapport aux émotions, bref, sur notre santé. Et ceci dans un contexte de tabou: le caca, c’est sale, il ne faut pas en parler. Hé bien si, justement, parlons-en
Il y a un tabou sur ce qui sort du corps. On évite d’en parler, de l’évoquer. Concernant les selles, elles proviennent du rectum, qui constitue lui-même un autre tabou …
Aussi, ce qu’on nommera pudiquement le « caca », pour éviter tout terme savant ou scatologique, est foncièrement ignoré dans le cheminement diagnostique, le patient comme le soignant se réfugiant sagement dans une pudeur partagée.
Et pourtant, comme dit le proverbe : « à chacun sa m … ». Effectivement, nous avons chacun notre produit d’excrétion personnel, une sorte de signature qui apporte bien des renseignements sur notre activité alimentaire, notre cadre de vie, notre rapport aux émotions, bref, sur notre santé.
Tellement personnels, ces renseignements, que certains maires envisagent déjà de faire des prélèvements d’ADN dans les crottes de chiens afin de poursuivre les propriétaires indélicats … Encore faut-il avoir le fichier ADN des chiens locaux …
Mais en dehors de cet ADN si technique , « les selles parlent », elles peuvent indiquer avec des mots très simples des causes de maldigestion, des souffrances intestinales, des prémisses de problèmes graves qu’il faut prendre en charge au plus vite.
Les textes qui suivent vont résumer ce qu’il faut savoir sur les selles, ce que vous pouvez observer et interpréter par vous même, afin d’en parler spontanément et sans détours à votre médecin.
En introduction, quelques lignes sur la physiologie digestive et la formation des fèces.
Quand on décrit le processus d’alimentation, on se limite généralement aux fonctions de digestion et d’absorption. Et on évite de s’étendre sur le transit des aliments, encore moins sur ce qui reste en fin de course …
Le système digestif, ne l’oublions pas, est constitué d’une invagination dans notre corps du milieu extérieur. Il s’agit d’une interface cruciale, car à la fois protectrice contre les germes extérieurs, et active pour digérer et absorber les nutriments.
L’activité digestive répond essentiellement à des réflexes du système parasympathique, qui globalement retient tous nos emballements (dûs à l’orthosympathique), mais aussi contrôle notre digestion. En médecine orientale, une activité essentiellement yin.
Les récepteurs (mécano et chimiorécepteurs) qui interviennent dans ces réflexes sont situés dans les parois des organes du tube digestif. Ils réagissent à certains stimuli dont la chaleur, le volume, la densité des aliments ingérés, mais aussi l’étirement des organes, l’acidité locale, et la composition chimique du bol digestif.
La réaction nerveuse à ces stimuli se reporte sur la production des glandes digestives, la délivrance d’hormones dans le sang (leptine, insuline), et le contrôle des muscles lisses pour assurer la propulsion du bol alimentaire.
Notre sujet étant les fèces, nous passerons rapidement sur la prise en bouche, la mastication, la salivation (sous contrôle du parasympathique, toujours celui-là !), la déglutition. Notons que la gravité n’intervient en rien dans cette descente vers l’estomac, on peut très bien déglutir la tête en bas, tout est réglé par des systèmes de pressions et de clapets pour transporter le bol masticatoire vers l’estomac.
Le malaxage gastrique
Dans l’estomac, la sécrétion du suc gastrique très acide, est réglé par des facteurs nerveux et hormonaux. La vue, l’odeur et la saveur des aliments enclenchent le processus, qui est ensuite entretenu par la production d’une hormone de l’estomac, la gastrine. La muqueuse gastrique produit alors de grandes quantités d’acide chlorhydrique à visée digestive, mais aussi de mucus protecteur pour cette même muqueuse.
L’estomac est essentiellement une poche d’accumulation des aliments, qui va permettre une prédigestion des protéines (le lait via la rénine chez le très jeune, puis l’ensemble des protéines via la pepsine). L’estomac n’absorbe aucune substance, sauf de manière étonnante l’aspirine et l’alcool.
Les trois couches musculaires de l’estomac permettent un travail de compression et de pétrissage du bol gastrique. Se superposent des contractions régulières (toutes les 20 secondes) de la zone pylorique, qui permettent au contenu gastrique de forcer le passage vers l’intestin, par petits volumes de 3 ml. Après un repas, l’estomac se vide en quatre heures, ou plus si le menu était plantureux, et plus encore si riche en corps gras.
Le vomissement
Le centre du vomissement, situé dans le bulbe rachidien, permet une vidange de l’estomac en cas d’irritation de la muqueuse (trop plein, brûlures, acidité). Il agit en induisant un péristaltisme inverse de l’estomac et du duodenum, mais aussi par des contractions du diaphragme qui vient soulever l’estomac et créer une dépression qui facilite la vidange.
La digestion ne s’effectue vraiment que dans l’intestin, il faudra environ trois à six heures de cheminement dans le grêle pour accomplir l’ensemble des processus. Au bout du grêle, la digestion est terminée et l’ensemble des nutriments en principe absorbés. Le colon qui suit n’aura qu’un rôle de « traitement des déchets », un rôle de station d’épuration qu’on attribue à tort aux reins.
Le pancréas, grand maître de la chimie digestive
C’est à la sortie de l’estomac que le chyle digestif va réellement subir les traitements chimiques permettant l’élaboration des nutriments à absorber.
C’est lors du remplissage de l’estomac, que le pancréas (toujours via le parasympathique) est alerté et met en route la sécrétion du suc pancréatique qui aura plusieurs rôles :
- la suite de la digestion de l’amidon (entreprise lors de la mastication si salivation efficace), via des amylases.
- la digestion de protéines (via les trypsine, chymotrypsine, carbopeptidase)
- la digestion exclusive des lipides (seul le pancréas produit des lipases).
- Une importante modification du pH, par la production intense de bicarbonate : les enzymes précédents ne peuvent fonctionner qu’en pH neutre.
Ce travail de chimie organique est rendu plus facile par l’intervention simultanée de la bile, qui vient émulsifier les gros globules de lipides en petites vésicules facilement digérées pour donner des acides gras.
La muqueuse de l’intestin grêle possède une formidable capacité d’absorption, grâce à des villosités qui en font un tissu très étendu (deux fois notre surface cutanée ?). L’eau, comme les nutriments, traversent la membrane plasmique par transport actif, puis vont cheminer par voie veineuse vers le foie (veine porte). Les lipides, eux, sont absorbés passivement par diffusion, et remontent dans l’organisme prioritairement par voie lymphatique.
Le bol intestinal est propulsé tout au long du grêle par le péristaltisme. Il s’agit d’ondes de contraction qui avancent le long de l’intestin, suivies d’ondes de relâchement (la comparaison avec un tube de dentifrice est exacte).
A l’extrémité de l’iléon, que reste t’il ?
Essentiellement de l’eau, quelques matières non digérées (si nourriture trop riche, production d’enzyme insuffisante, transit trop rapide), et les substances non digestibles (fibres végétales, protéines scléreuses), ainsi qu’une grande quantité de mucus, de bactéries et de cellules mortes issues de l’usure mécanique des cellules de la muqueuse.
Le gros intestin : stockage, absorption, évacuation
Les matières qui vont séjourner dans le colon (gros intestin) sont donc très pauvres en nutriments utiles, mais elles vont y rester assez longtemps (de 12 à 24 heures, jusqu’à 3 jours si constipation) pour permettre à toute une palette de bactéries d’agir pour métaboliser ces reliquats.
En effet, si les bactéries sont présentes en grand nombre tout au long du trajet intestinal, elles sont bien différentes sur ce parcours, selon l’acidité de la zone de digestion, selon le régime alimentaire, et bien sûr selon la personne elle-même, qui aura hébergé, cultivé, modelé sa propre « empreinte bactérienne » qu’on commence à prendre sérieusement en considération comme un quasi « organe propre », qui travaille en symbiose avec tout le reste de l’organisme.
Dans l’intestin grêle, les bactéries ont un rôle digestif mineur, pas bien encore compris, mais un rôle fondamental dans l’équilibre immunitaire et le contrôle des bactéries ou des levures, qui ne demandent qu’à s’insinuer dans l’organisme.
Dans le gros intestin, les bactéries vont avoir un rôle métabolique intense pour exploiter les tout derniers nutriments, par le biais de fermentation pour les glucides complexes (fibres, pectines), par le biais de putréfaction pour les protéines résiduelles (scléroprotéines).
Ces actions laborieuses libèrent des gaz (méthane, hydrogène sulfuré, pour environ 500 ml par jour) qui donnent aux fèces une partie de leur odeur. Le phénomène s’emballe si la ration est riche en éléments soufrés (légumineuses, crucifères, kératines).
Les fèces, leurs caractéristiques, ce qu’elles expriment …
1- de quoi sont-elles formées ?
Les selles « moulées normalement » contiennent 75% d’eau, le reste étant très diversifié selon le régime alimentaire :
- bactéries mortes et vivantes (d’où cette capacité de « transplantation de bactériome fécal », un sujet jusqu’ici tabou mais qui montre chaque jour son importance avec une envolée irrépressible aux USA.
- débris d’aliments non digérés, comme les fibres végétales (enveloppes de graines, structures ligneuses de feuilles ou de racines) ou animales (reliquats de fascia musculaires ou tendineux, débris osseux).
- productions du tube digestif lui-même, comme du mucus, des placards de cellules arrachées à la muqueuse, du sang, de la bile.
- et des hôtes indésirables comme certains parasites (unicellulaires comme les amibes, les giarda, pluricellulaires comme les ascaris ou les oxyures.
2 – caractéristiques des selles saines
Les selles idéales sont lisses et molles, longues sans ruptures, d’un brun moyen, et sont éliminées sans effort particulier. Les évacuations, ou défécations, se produisent en moyenne deux à trois fois par jour, mais en deçà de trois fois par semaine, on a affaire à une constipation préoccupante. A l’inverse, plus de quatre défécations quotidiennes, de selles très molles ou liquides, signent une diarrhée qu’il faut traiter médicalement.
3 – couleur des selles et pathologies
- les selles brunes/marron présentent une coloration normale, cette teinte est apportée par la présence de bile (vert clair) et de bilirubine (décomposition de l’hémoglobine de cellules sanguines issues de micro-hémorragies tout le long du tube digestif). On appelle stercobiline ce pigment spécifique du milieu intestinal.
- Les selles noires signent la présence de sang pur qui s’est épanché en nappe dans la partie supérieure de l’intestin. Ulcères ? Parasites ? Tumeur ? Inflammation ? Corps étranger ? Ces selles noires, si récurrentes, constituent un facteur d’alerte pour consulter, plutôt en service spécialisé pour bénéficier d’une radio ou d’une échographie immédiate.
A ne pas confondre avec des selles noires issues d’aliments trompeurs (boudin, réglisse) ou de médicaments (sels de bismuth, charbon végétal), mais dans ce cas, la langue elle aussi se colore en noir …
- les selles rouges sont également un signe d’alerte puisque signant une perte de sang dans la partie inférieure du colon : ce sang n’a pas eu le temps d’être transformé chimiquement. On peut penser à une colite banale, une rectocolite, des hémorroïdes internes, des diverticules, mais aussi à un cancer colorectal (un test gratuit vous est proposé à partir de 50 ans). Là encore, à ne pas confondre avec les colorants rouges apportés par des aliments comme les betteraves, les choux, ou certaines sauces ou pâtisseries aux couleurs chatoyantes.
- les selles orange sont dues à des pigments végétaux (carottes, patates douces, potirons), à un excès de compléments vitaminiques (béta-carotène).
- les selles grises (ou jaune pâle) signent un mauvais fonctionnement du foie : mins de bile dans les selles qui du coup perdent leur couleur, et présence de sels biliaires dans l’urine, qui mousse abondamment. En langage de carabin, les hépatites sont définies comme « le malade pisse de la bière, et chie de la craie ». Mais les selles grises peuvent également signer un parasitisme intestinal peu connu en France, la giardose, due à la pullulation de petits unicellulaires qui ont régresser dans leur parasitisme au point de ne même plus posséder des mitochondries. Comme des cellules cancéreuses, les giardia mettent en route un métabolisme anaérobie très demandeur en glucose.
- Les selles vertes sont riches en chlorophylle, après un repas végétarien qui comprend des feuilles épaisses et chargées de ce pigment. Certaines pâtisseries, des confiseries, et les médicaments qui apportent du fer, peuvent également colorer les elles dans les tons verts. Ces excès de végétaux donnent habituellement des selles pâteuses et abondantes. Si à l’inverse les selles vertes sont très fluides, on peut suspecter un transit trop rapide, avec une couleur verte due à la bile « à l’état pur », qui aura trop rapidement effectué son parcours intestinal (avec pour causes des raisons plus émotives ou nerveuses, que purement digestives).
- les selles bleues peuvent être dues à une plaisanterie de carabin (faire ingurgiter du bleu de méthylène), mis aussi aux anthocyanes des figues, des prunes, des myrtilles, des mures et de la vigne.
4 – Que dit la texture des selles ?
Il existe une échelle des textures, appelée « échelle de Bristol », qui sert de référence pour décrire et comparer les selles de malades. Celles-ci sont évaluées avec des notes de 1 à 7 pour déterminer leur degré d’hydratation : les petites « crottes de biques » dures et sèches correspondent au niveau 1, alors que les diarrhées liquides sont cotées 7. Les selles saines (tout au moins en consistance) sont situées de 3 à 5.
Une particularité importante : leur densité.
Les selles normales coulent dans l’eau des toilettes, mais il arrive que des selles flottent et refusent de s’enfoncer … C’est un signe à noter, car cette faible densité peut avoir pour cause, soit un régime trop riche en graisses (ou bien une incapacité à digérer celles-ci), soit la présence de gaz dans les matières fécales (trop de fibres ? trop de protéines indigestes ? c’est alors l’odeur qui fera la différence).
5 – le langage des odeurs fécales
Les odeurs fécales sont le reflet olfactif des aliments récemment ingérés, et des transformations biochimiques plus ou moins abouties dues à la digestion.
Ainsi, les arômes des épices (piment, cannelle, menthe, etc) vont se retrouver « à la sortie ». Les crucifères soufrés (choux) vont provoquer des fermentations caractéristiques, les fibreuses ligneuses (haricots verts) des flatulences à l’odeur discrète, contrairement aux hémicelluloses des légumineuses (pois, haricots blancs) dont l’odeur est nettement plus affirmée. Les odeurs « de pourriture » sont dues au scatole, résidu de la digestion difficile de protéines scléreuses (muscles tendineux).
En cas de malabsorption des graisses (problèmes de pancréas), les gaz se mêlent à des micelles graisseuses, ce qui donne une intensité et une rémanence caractéristique des odeurs de digestion.
6 – Les douleurs lors de l’évacuation.
Il faut bien différencier les douleurs du colon ou du rectum, qui peuvent être vives, constantes, fonction ou non du passage des selles. Et puis les douleurs anales, là encore permanentes, ou bien limitées aux instants de la défécation.
Les causes les plus courantes de ces douleurs sont :
- la constipation, qui entraine une gène quasi permanente au niveau du colon.
- les diarrhées sont génératrices de crampes, quelques temps avant la défécation … qui entraine alors un soulagement immédiat.
- les aliments épicés peuvent entrainer des brûlures, en particulier si des hémorroïdes sont distendues et sensibles, ou si des fissures anales (micro-déchirures de la muqueuse) sont à vif.
- lorsque la muqueuse colorectale est irritée (maladie coeliaque, maladie de Crohn, colite ulcéreuse), certaines conditions de digestion sont plus douloureuses que d’autres (sensibilité aux fruits et légumes frais, au lactose, aux aromates).
- les tumeurs obstructrices entrainent des douleurs récurrentes lors du passage de selles par compression des régions voisines.
7- Petites différences hommes / femmes
Il y a une différence d’encombrement du bas abdomen entre les hommes et les femmes. Celles ci ont un cadre pelvien plus large, mais des organes internes supplémentaires (ovaires et utérus), qui prennent un volume important durant la gestation. D’où constipation chronique durant cette période. Les hommes ont une paroi plus rigide, plus musclée, une capacité de motilité des selles supérieure.
8- Petites (ou grosses) différences selon le régime alimentaire.
Le régime alimentaire occidental, riche en protéines animales et en amidon, pauvre en fibres végétales, provoque des selles concentrées, au transit capricieux, qui nécessitent une production enzymatique importante. De plus, des traitements antibiotiques récurrents mettent à mal la protection dans le biofilm intestinal des bactéries saprophytes. Autant de facteurs d’irritations du colon, mais aussi de l’anus (obligation d’utiliser du papier hygiénique doux).
Les régimes moins riches des pays émergents, présentent un volume global plus important (fibres abondantes), un transit naturel, une évacuation facile.
9- Bactériome et virome intestinal
L’intestin (notre second cerveau en terme de cellules à vocation nerveuse) héberge une double population d’hôtes absolument indispensables : les bactéries saprophytes, et leurs compagnons régulateurs, les bactériophages.
La vulgate médicale nous explique qu’il existe un équilibre fragile entre les « bons et les mauvais microbes » de l’intestin. Ce qui n’est pas foncièrement faux, mais derrière les bactéries, il y a un implacable système de contrôle constitué par les bactériophages. L’équilibre est en réalité relatif à l’alimentation, aux apports médicamenteux (négatifs comme les antibios, positifs comme les pré et probiotiques), aux anticorps IgA de la muqueuse, et aux bactériophages du colon.
Ces bactériophages sont évacués dans les selles, et ils ont une action extérieure insoupçonnée pour l’hygiène de l’environnement. On s’est longtemps demandé comment des « fleuves égouts » comme le Gange pouvaient servir de douches publiques et de source d’abreuvement pour des millions d’indiens, sans dommages pour leur santé. Certains y ont vu une influence divine, d’autres une mystérieuse action stérilisante par des ondes souterraines … Cherchez le phage, vous le trouverez ! Plus il y a de bactéries, plus il y a de bactériophages. Et donc, moins il y a de bactéries. Avec des cycle très courts, de quelques minutes. Et ça marche à tous les coups, SAUF … si on utilise des antibiotiques : ceux ci vont tuer les bactéries, donc figer les phages… et la première salmonelle venue pourra alors commencer ses dégâts.
10- le KK-médicament
Bien des pathologies, et pas seulement digestives, sont la conséquence d’un déséquilibre du « monde vivant » de l’intestin.
Un exemple, Marie, une jeune fille mentalement perturbée, diagnostiquée pour des TOC et pour une hyperactivité. Deux ans de psychotropes sans effets, à part des épisodes zombiesques et une descente évidente vers la dépression. Et c’est un psychiatre plus affuté que ses confrères, qui a commencé par purger sa patiente de ses médicaments, et qui lui a prescrit à fortes doses des probiotiques. En moins de six mois, Marie était sur pied, définitivement, elle n’était pas folle … Au lieu de soigner son cerveau n°1 de la tête, on a soigné son cerveau n°2, son intestin.
L’humeur et les comportements dépendent grandement de notre santé intestinale … Des travaux sur les souris montent qu’on peut modifier largement les réactions de bandes de rongeurs face à un stress, à des situations imprévues, simplement en modifiant leur microbiome intestinal. Idem pour le diabète, idem pour l’obésité.
John Bienenstock, chercheur sur les effets du Lactobacillus rhamnosus, n’hésite pas à comparer les effets des probiotiques à ceux des benzodiazépines comme le xanax ou le valium, tout en admettant que les voies d’action pharmacologiques sont bien différentes.
Comme on a des donneurs de sang, peut on imaginer des « donneurs de bactéries intestinales », avec des banques de souches, selon les besoins particuliers de certains malades ? Non seulement on peut l’imaginer, mais c’est déjà en plein fonctionnement, en particulier aux USA et en Hollande, où des structures privées ont pris les choses en main . Et ce domaine paraît si prometteur, que des chercheurs sont déjà en train de prélever et d’analyser le microbiome lyophylisé récupéré sur des momies aztèques, pour y trouver des bactéries vierges de toute action médicamenteuse.
11 – le meconium, premier popo de bébé.
Avant sa naissance, le fœtus n’a encore ingéré aucun aliment, et son tube digestif, de la bouche à l’anus, n’est encore colonisé que par un très faible contingent de bactéries (Lactobacillus, Escherischa). Pourtant, le nouveau-né dès l’accouchement, se libère d’une production qu’on appelle meconium. C’est le mélange des diverses matières ingérées pendant la gestation dans le liquide amniotique, des cellules épithéliales, du mucus, ainsi que de la bile.
Parfois, ce meconium est déversé avant la naissance dans le liquide amniotique, c’est considéré comme le signe d’une souffrance fœtale.
Le méconium est également un traceur des substances qui ont atteint l’embryon pendant la grossesse, en particulier médicaments et drogues récréatives. Aux USA, l’analyse du méconium dans les cas suspects sert de preuve légale pour retirer la garde de nourrissons à leur mère toxicowomane.
Les selles des animaux
Les animaux, d’instinct, connaissent l’importance de tout ce qu’ils ressentent. Les odeurs en particulier sont des signaux significatifs qu’ils savent détecter ou produire, et auxquelles ils savent donner un sens.
Très proches de nous, les chiens. Lors d’un parcours, le chien va renifler tout ce qui est à sa portée, mais va aussi flairer la truffe en l’air des odeurs produites à distance. Il saura ainsi localiser tous les congénères, par âge et par sexe, qui sont passés avant lui, et évaluer des présences animales dans un rayon de 500 mêtres. En retour, il va lui-même déposer quelques gouttes d’urines sur son parcours (marquage territorial), mais il s’efforcera d’enterrer ses déjections (prudence élémentaire, précaution ancestrale des animaux nomades).
Lorsqu’ils sont en contact, les chiens se repèrent entre eux par leur silhouette, leurs mimiques faciales, et bien sûr par l’odeur des glandes anales qui est leur caractéristique individuelle.
Chez certains herbivores, comme les gnous, les excréments constituent un message de connivence sexuelle : le mâle marque ainsi son territoire, et la femelle conquise va se rouler dedans pour se présenter énamourrée devant son prétendant…
Mais les crottes signalétiques peuvent également trouver une application pour nous autres humains. Ainsi peut on disposer des excréments des fauves d’un zoo (lions, panthères) pour tenir à distance les autres animaux d’un endroit à protéger (voie ferrée, site sportif, etc).
L’homme utilise également le travail digestif de certains animaux pour en récupérer les selles.
Le cas du guano est mondialement connu (il n’en reste d’ailleurs plus guère à exploiter), le cs de la civette palmiste l’est moins : on garde en cage , en Indonésie, des milliers de ces petits quadripèdes tachetés, et on incorpore des grains de café dans leur nourriture. Au cours de la digestion, les enzymes intestinaux mettent en route un processus de fermentation qui va donner au café un goût particulier , reste à récupérer les grains dans les crottes, à les nettoyer et à les revendre très cher …
Ainsi, les selles constituent un monde de connaissances et d’anecdotes soigneusement mis de coté. En quelques pages, le sujet est défloré, mais nous y reviendrons, très certainement à propos de « transfusions fécales », un sujet qui s’annonce riche et prometteur.
Jean-Yves Gauchet