Dans cet article, intéressons nous aux bactéries (amies ou ennemies?) que nous hébergeons dans tout notre corps, et leurs relations avec notre système immunitaire.
Qu’elles soient au plus profond de nous (bactéries de l’intestin, des bronches, du vagin), ou à la surface de notre peau, des dizaines de milliards de bactéries se multiplient en permanence au contact de nos cellules immunitaires de veille. Comment celles-ci font elles le tri entre les « bonnes bactéries » et les indésirables, voire dangereuses ?
Comment peuvent elles réagir lorsque pour des raisons diverses (traitement antibiotique, déshydratation, erreurs alimentaires ou d’hygiène, infection incidente), leur nombre est modifié, leurs proportions modifiées ?
Pour une cellule humaine, il y a entre dix et trente bactéries en fonctionnement, qui ont un rôle essentiel, au moins dans la digestion et la protection contre les infections. Et si ces bactéries faisaient partie de notre système immunitaire ? Où est la véritable limite de notre organisme ?
D’où cette théorie du super-organisme, développée par plusieurs chercheurs, comme Gérard Eberl. Cette dénomination qui porte une connotation de fourmilière, repose sur l’idée que cette entité est constituée tout à la fois des cellules de l’homme, et des bactéries qu’il héberge.
Le microbiote, cad l’ensemble des bactéries hébergées habituellement, serait ainsi un organe supplémentaire, mobile, évolutif (tout comme le système immunitaire d’ailleurs), non indispensable à sa survie (les bébés « germ free » en néonatalité sont progressivement « chargés » en bactéries soigneusement choisies), mais extrêmement utiles et efficaces.
Dans le domaine fondamental de la digestion, on a constaté que des souriceaux germ-free ont besoin d’un apport supérieur de 20 à 30% en aliments pour assurer leur croissance. Preuve que les bactéries sont pour autant dans le « rendement » de la digestion des souris. Alors qu’en plus, elles produisent des vitamines, elles régularisent le pH, elles créent un biofilm qui fait barrage aux parasites et aux bactéries extérieures.
D’ailleurs, il est désormais constaté que l’obésité est pour partie expliquée par l’efficacité hors normes de certaines lignées de bactéries qu’on retrouve dans l’intestin des obèses.
Pour les tenants de cette théorie, le rôle du système immunitaire serait d’assurer l’équilibre dynamique entre les différents composants de ce super organisme. L’effectif et la composition des populations bactériennes seraient régulées par le système immunitaire, comme le sont d’autres paramètres physiologiques comme la glycémie, la soif ou la température du corps.
Ainsi dans « Le Monde », Gérard Eberl en résume les effets : « Un système immunitaire trop faible expose le super-organisme à un changement de comportement de ses bactéries commensales, qui peuvent devenir pathogènes. A l’inverse, un système trop fort cause l’altération ou la destruction partielle du microbionte, et donc la perte des fonctions qu’il assure. L’idée clé est que le système immunitaire est en veille permanente, et pas seulement lorsqu’il est exposé à des pathogènes ».
Cette théorie reçoit un accueil poli en ce sens qu’elle ne s’applique qu’aux pourtours de l’action immunitaire, elle ne peut en aucun cas servir de modèle général. Mais elle a toute sa valeur en médecine, pour éviter les désastres des l ‘antibiothérapie forcenée, et de l’hygiène corporelle à tous crins.
Dossier en six articles à paraître courant mai:
1 – l’immunologie est née de la bactériologie
2 – retour vers la cellule : on comprend la « réaction immunitaire »
3 – avec les années 90 et le SIDA, retour vers l’immuno-infectiologie.
4 – quelle place pour nos bactéries intégrées ?
5 – la théorie de la continuité / discontinuité
6 – Et maintenant ?