Le froid a précocemment été utilisé par les hommes pour son action analgésique. Le froid le plus disponible était bien sûr l’eau fraîche, recommandée déja par Hippocrate, et d’un usage codifié au XIXéme siècle par les naturalistes allemands comme l’abbé Kneipp.
Point trop n’en faut: un froid trop violent va tellement engourdir la circulation aux extrémités qu’il peut provoquer une mortification des tissus. C’est bien ce qui se produit en cas de gel prolongé, dans des conditions de guerre ou de catastrophes.
D’ailleurs, la cryothérapie “sensus stricto” est bien une manière de cautériser des tissus (verrues, papillomes, angiomes) sans douleur, par application d’azote liquide. On est alors là dans des traitements très précis dans le temps et dans la zone traitée.
Mais les “bains d’eau froide”, tout comme les bains de neige après un sauna scandinave, sont réputés pour soulager des douleurs rhumatismales et réguler le système immunitaire.
Cette traditions de soins dans la sphère germanique a donné lieu à des travaux scientifiques et à des réalisations en Allemagne et dans les pays de l’Est, avec l’aiguillon très vivace des performances sportives à développer ou à soulager.
Plusieurs procédés sont désormais validés pour créer un réel choc thermique de tout l’organisme tout en protégeant les parties les plus fragiles.
La température normale du corps est de 37°en tissus profonds, et de 34° un niveau de la peau. Le choc thermique se met en place si la zone cutanée (qui contient tous ces récepteurs nerveux évoqués plus haut dans cet article) tombe aux alentours de 13° pendant quelques minutes. On note alors une moindre excitabilité momentanée des fibres sensibles et un ralentissement de la conduction nerveuse. La moelle épinière, mais aussi le cerveau, reçoivent une bien moindre quantité de messages douloureux. C’est intéressant pour toutes les pathologies où la douleur repose sur une mauvaise gestion des influx sensitifs.
Le froid entraîne également un spasme vasculaire, donc une vasoconstriction des capillaires périphériques: les substances responsables de l’inflammation et de la douleur
(histamine, substance P, prastaglandines), ne passent pas dans le sang et restent confinées dans le conjonctif où elles pourront être lysées par des enzymes. Au résultat, un moindre gonflement de la zone malade (par exemple, les articulations), et une récupération plus rapide.
Pour le cellules vivantes, le froid constitue un stress thermique. Et chaque exposition au froid entraîne une intense production de protéines de stress, ces grosses molécules qui protègent les protéines intracellulaires (molécules “chaperon”) encore utiles, ou bien qui vont les amener à “digérer” dans une vacuole adaptée, le protéasome. Un moyen très simple de “faire le ménage” dans les cellules, de protéger tout le contenu utile, et d’éliminer les molécules lésées …
Le froid, lors de plus longues expositions, modifie largement le métabolisme des individus. Par exemple certains poissons vont produire énormément de lipides “omega 3” , mais uniquement lorsqu’ils vivent en profondeur ou dans les zones arctiques.
Le froid, mode d’emploi
Il existe, en vente en pharmacies, divers modèles de “compresses froides”, qu’on peut garder au congélateur et utiliser quelques minutes sur une lésion, ou contre un organe douloureux. Les effets sont rapides, mais ne durent pas: il faut régulièrement renouveler l’application.
Il existe également des petites bouteilles de gaz en spray qui, par détente du gaz, produisent un froid intense sur une zone très précise, utilisées par les dentistes, ou par les managers sportifs.
Sur un terrain de foot, sur un ring de boxe, c’est l’instrument magique pour effacer momentanément la douleur qui paralyse le sportif …
Mais la “tendance” actuelle est bien l’utilisation massive du froid sur tout le corps, sous contrôle médical, et avec des appareils conçus pour un usage intense et en toute sécurité.
On n’a pas, comme les finlandais, la possibilité cinq mois par an de se jeter dans la neige après un bon sauna. Alors, on fait autrement …
Dans toute l’europe de l’est, se sont développées des “chambres de froid”, dans des complexes sportifs, mais aussi dans des hôpitaux et des cliniques. En fait, des sortes de chambres froides (moins de 100°C!) dont la température est entretenue par de puissants compresseurs (avec récupération de la chaleur produite pour chauffer l’eau de la balnéothérapie voisine).
Les patients entrent en maillot de bain, avec pour certains des protections des doigts et des orteils. L’air est très sec pour éviter la formation de brouillard . Les séances durent quelques minutes, avant une séance de massage.
Les pathologies soignées sont essentiellement les rhumatismes (arthroses, polyarthrites chroniques) ou les douleurs chroniques (fibromyalgie), selon des cures d’une semaine ( 700 euros quand même …).
En France, quelques initiatives (centre de rééducation de Capbreton) ont repris ces principes techniques de production de froid. Au bénéfice quasi exclusif des sportifs , qui pour des traitements de groupe vont plutôt (et discrêtement) à l’étranger.
Mais un nouveau matériel , développé en France est sans doute en train de changer la donne: le cryotechno.
Ce matériel est disponible sous deux formes:
– le “cryomobile”, une camionnette aménagée (voit photo) qui vient coller aux évènements sportifs, surtout dans le domaine du cyclisme, et qui prend les coureurs en préparation ou en traitement de soulagement après les efforts.
– les unités fixes , sont des cabines individuelles dans lesquelles on entre tout le corps, sauf la tête qui reste au dehors. Le patient reste debout, peut discuter avec le soignant, alors que dans la cabine, est injecté de l’azote liquide à – 195°, ce qui va entraîner des “bouffées de froid” à -170° au niveau de l’épiderme.
Au terme de la séance, le patient sort, se débarrasse de ses protections (gants, chaussettes), et va récupérer dans une séance de relaxation.
Ces cabines nécessitent une surface dédiée de 15 m2, mais aucune infrastructure énergétique particulière.
Les sportifs sont encore et toujours la clientèle la plus immédiate, mais les applications purement médicales comprennent les douleurs articulaires dans leur ensemble, les contusions et douleurs post-opératoires, les neurodermites (sclérose en plaque), ainsi que des maladies de la peau (atopie, psoriasis et lichen-plan).
Jean-Yves Gauchet