Maintenant, on appelle cela des “proxies”, des guerriers délégués à un combat qu’on n’assume pas …
Les corsaires sont des supplétifs qui se mettent au service d’un état, aux cotés de la Marine de cet état.
Ils ont ainsi un statut civil, mais n’agissent que sur mission (la “lettre de course”) et ne doivent s’attaquer qu’à des navires ennemis (ce qui suppose un état de guerre déclarée).
La guerre de course (d’où le mot “corsaire”) a souvent été pratiquée par un belligérant pour pallier l’insuffisance de sa propre marine. Ce système est très avantageux pour l’Etat: le poids financier de l’armement corsaire est à la charge de l’armateur, et le gouvernement touche une part de la revente des prises opérées par le corsaire (navires + cargaisons). De plus, c’est à l’armateur de payer la rançon des marins corsaires prisonniers en cas de défaite.
En 2020, on appellerait cela une “délégation de service public” …
Les corsaires sont des belligérants, c’est à dire qu’ils doivent appliquer les lois de la guerre, respecter les vies et les biens personnels. Suite à chaque prise, un tribunal portuaire statue sur la légalité de la prise, puis sur les modalités de la vente et du partage.
L’Etat se voit octroyer (selon les époques) de 10 à 20% de la valeur des prises, l’armateur 30%, et l’équipage le reste déduit des frais de route (nourriture, réparations, munitions), avec des parts très précises selon le poste ou le grade. En cas de décès dans l’équipage, les veuves ont un statut de “veuves de guerre” avec une part double de celle du défunt mari.
Si l’on a glossé sur “la guerre en dentelles”, il est vrai que les actions des corsaires étaient très ciblées, rapides, et très attachées à préserver les vies humaines: sur 23000 corsaires embarqués entre 1692 et 1763, seuls 133 meurent au combat.
Les marins ennemis sont prisonniers de guerre, ils peuvent être libérés à la fin des hostilités, ou bien échangés , ou encorelibérés contre rançon (lois de la guerre).
Les corsaires utilisaient des petits navires très maniables, tels les cotres ou les flutes, qui permettaient de suivre un navire sans être dans l’axe de ses canons, puis on démarrait les hostilités par un coup de semonce. Si le navire abaissait son pavillon, c’était gagné, un officier se rendait à bord pour négocier.
En cas contraire, c’était l’abordage. Après un tir nourri (couleuvrines) pour disperser l’équipage de pont, on envoyait des boulets enchaînés (spécialité française) qui démâtaient l’ennemi qui devenait ingouvernable … Et finalement, un abordage par les flancs et une courte bataille sur le pont ennemi.
Il était important de préserver l’intégrité du navire attaqué, puisqu’il fallait ensuite le ramener à terre pour le revendre …
Les corsaires français les plus célèbres sont Jean Bart, qui a considérablement aidé Louis XIV en confisquant moult navires chargés de blé alors qu’une famine dramatique sévissait, Surcouf, qui a fait une guerre personnelle contre l’Angleterre, mais aussi notre de Kerguelen, sans emploi pour cause de noblesse pendant la Révolution, et qui s’est reconverti (sans grand succès) dans la guerre de course.
Un traité international à Paris en 1856 a aboli ce type de guerre. Il est à noter que les USA n’étaient pas signataires, et que depuis le 11 septembre, une loi permet au département d’Etat d’octroyer des lettres de marque ou de représaille sans attendre l’aval du Congrès, c’est à dire de confier des missions militaires navales offensives à des sociétés privées. celles ci sont d’ailleurs en action dans le golfe d’Aden …
Jean-Yves Gauchet