C’est certain, les femmes ont mieux réagi lors de cette endémie. Alors qu’elles sont bien plus nombreuses à partir de 70 ans, ce sont les hommes qui ont le plus subi, à prise en charge égale. Il y a donc un “bonus immunitaire” qui s’est révélé avec ce virus, qui peut avoir un grand intérêt pour les vaccinations et pour les soins quotidiens.
C’est dans la revue (récemment controversée) Nature qu’un article bien documenté nous montre que lors de cette pandémie, plus de 60% des morts ont été des hommes, alors qu’au delà de 70 ans, ils sont nettement minoritaires dans la population.
Médicalement, socialement, ça interpelle!
Et on peut se poser plein de questions: les femmes auraient pu être “mieux soignées”? Ou bien elles seraient plus attentives et plus respectueuses des consignes médicales? Ou bien les hommes auraient plus de pathologies annexes, donc des faiblesses cachées et fatales ?
Par ailleurs, dans d’autres maladies infectieuses, telle que l’hépatite C et l’infection par le virus du sida (VIH), les charges virales sont plus élevées chez les hommes que chez les femmes. A l’inverse, les femmes développent une réponse immunitaire plus robuste aux vaccins.
Sur un plan immunitaire, on sait que les femmes ont un système de défense plus élaboré. En effet, le fait de porter des foetus (gestation) implique de restreindre la pression immunitaire pendant 9 mois, pour ne pas risquer un rejet du foetus (le foetus= 50% papa, 50% maman, c’est donc un organisme étranger) et donc un avortement. Cette faiblesse immunitaire passagère est contrebalancée après l’accouchement par un sursaut immunitaire et de fait une meilleure capacité de défense, du moins de l’immunité innée.
Dans l’article de Nature, les auteurs observent que les femmes développent une réponse immunitaire cellulaire plus robuste, qui se maintient à un âge avancé. En comparaison avec ce que l’on observe chez les hommes, les patientes produisent dès le début de l’infection des lymphocytes T activés en plus grand nombre mais également plus matures. Les immunologistes parlent de cellules T terminalement différenciées. De même, par rapport à ce que l’on observe chez des sujets sains témoins, on observe chez les femmes un nombre significativement plus élevé de lymphocytes T CD8+ (cellules tueuses, dites cytotoxiques), mais pas chez les hommes.
Chez les patientes, l’aggravation de la maladie est corrélée avec un taux élevé en cytokines de l’immunité innée (première ligne de défense de l’organisme vis-à-vis des agents infectieux pathogènes), contrairement à ce que l’on observe chez les hommes.
La contrepartie de cette immunité innée très puissante, c’est qu’elle peut se retourner contre l’organisme lui-même dans le cadre de maladies auto-immunes. Et c’est bien sûr pour cela que les femmes, mêmes jeunes, subissent des maladies auto-immunes bien plus que les hommes (thyroïdites, scléroses en plaque, maladies des yeux secs, endométrioses, etc).
La pandémie récente a entrainé de nombreuses et fructueuses études en immunologie. Avec des applications immédiates concernant les soins, et plus lointaines, par exemple devrait-on développer des vaccins spécifiques pour les femmes, qui sur-réagissent aux injections et qui sont victimes en immense majorité des ces “incidents” vaccinatoires ?
Jean-Yves Gauchet