Les premières alertes sont venues de mers intérieures, réceptacles de toutes les pollutions continentales : Baltique, Mer Noire, baies de la Mer de Chine … Au fur et à mesure que la population halieutique diminuait, on voyait apparaître des quantités impressionnantes de méduses, parfois gigantesques, parfois toxiques, toujours encombrantes et caractéristique d’un gravissime déséquilibre environnemental.
C’est désormais dans tous les océans ouverts, réputés sains et aux eaux renouvelées, que le phénomène s’est reporté. Prenons l’exemple de la Namibie.
Cette côte a longtemps été un paradis des pêcheurs, mais aussi des braconniers du monde entier. Un courant froid océanique longe la cote vers le Nord, en apportant de l’eau profonde riche en planctons et minuscules copépodes. D’où un grouillement de petits poissons (anchois, sardines) eux-mêmes proies d’abondance pour les prédateurs (thons, merlus) recherchés par les flottilles de pêcheurs toujours plus nombreux. Cette surpêche a fait dégringoler le stock de gros poissons, il restait tout de même les petits à ramasser à la tonne comme « poissons fourrage » à destination des ateliers d’aquaculture. Ce qui fut fait, en quelques années, le stock des petites espèces s’est dramatiquement amenuisé.
Résultat : un désert halieutique, mais aussi une montée en régime des méduses. Ici, pas de mise en cause de la pollution … Simplement les méduses n’ont plus de prédateurs (thons et tortues), mais surtout plus aucune concurrence pour se goinfrer du plancton nourricier. La biomasse des méduses a désormais dépassé celle des poissons.
Dans les zones qui écopent du réchauffement plus diverses pollutions, le phénomène est désormais implacable : Méditerranée, mer du Nord, mers orientales. Un facteur semble déterminant : la présence de fermes aquacoles (Norvège, Ecosse, Croatie) correspond à une « fuite » de nutriments microscopiques (aliments non digérés, excréments des saumons) dont profitent les méduses.
Ces paquets de gélatine, comme du sparadrap collé d’un doigt à l’autre, s’insinuent avec malice dans des équipements très sensibles comme les circuits de refroidissement de centrales nucléaires en bord de mer, ou dans les ballasts d’un porte-avions américain !
Toujours plus loin, toujours plus profond : le krill est désormais en danger.
De même que la grande famine irlandaise s’est imposée lorsque les paysans affamés se sont vus obligés de manger les pommes de terre qu’ils auraient dû planter pour l’année suivante, les acteurs de la pêche minotière (ils pêchent pour nourrir les espèces de l’aquaculture) qui ont anéanti les stocks de « poisson fourrage », en sont désormais à « attaquer l’os » et à s’en prendre au dernier échelon de la vie océanique : le krill.
On regroupe sous ce terme une centaine d’espèces de mini-crevettes dont les adultes vivent en essaims gigantesques dans les couches supérieures des océans, alors que les œufs et les larves se trouvent plutôt en profondeur. Les essaims d’adultes forment des bancs gigantesques de plusieurs millions de tonnes, sur des dizaines d’hectares maritimes.
On trouve le krill dans les mers froides (arctique, océan austral), où il attire les grands cétacés, ainsi que diverses espèces d’oiseaux et de poissons.
Le krill s’est développé ces cent dernières années du fait de la surpêche des cétacés et des petits poissons qui s’en nourrissaient, sans doute aussi du fait de l’eutrophisation des mers qui pousse au développement du phytoplancton dont se nourrissent les crevettes. Là encore, on a cru à une manne inépuisable, et l’on a lancé des flottilles entières pour en profiter.
Le stock de krill est en réel danger. Les prises à la tonne accompagnent un danger bien plus insidieux : les perturbateurs endocriniens issus des pesticides déversés dans toutes les mers du monde. Destinés à bloquer la mue des insectes, ces substances agissent de même sur les crevettes, qui sont également des arthropodes.
Les résidus d’oestrogènes des millions de pilules contraceptives déversés dans les estuaires des grands fleuves, ont également une action de féminisation des crevettes, avec perte de capacité reproductive des mâles.
Un blocage hormonal qui ne gène en rien les méduses, qui se reproduisent indifféremment par voie sexuelle, ou par bourgeonnement comme une vulgaire paramécie, signe encore d’un retour de la vie océanique vers des options ancestrales et simplissimes.
Une régression multifactorielle.
Facteur n°1 : l’homme.
Nous avons ainsi observé les causes objectives de ce développement des méduses :
- une surpêche irresponsable, qui élimine les quelques espèces qui se nourrissent de méduses.
- un développement inattendu du phytoplancton, du fait de la raréfaction des petits poissons qui s ‘en nourrissent, ainsi que de l’eutrophisation des fleuves, donc des océans. Ce phytoplancton à profusion, c’est du pain béni pour les méduses dont c’est l’aliment principal.
- une aubaine environnementale qu’on vient de découvrir : les polypes, ces organismes fixes qui représentent la partie « végétale » des méduses, s’accrochent très volontiers sur des morceaux de plastique qui flottent désormais dans l’eau de tous les océans : plus besoin de rochers ou de coraux, les méduses peuvent se fixer sur des objets flottants où que ce soit dans les étendues maritimes.
- Le réchauffement des eaux maritimes a étendu les zones favorables aux méduses. Certaines zones se rejoignent, permettant la cohabitation d’espèces proches qui peuvent ainsi se métisser et acquérir des caractères qui en facilitent le développement.
- les méduses par elles-mêmes développent (on le sait maintenant qu’on les a bien étudiées) des capacités de survie très particulières. En cas de conditions défavorables, elles peuvent utiliser leurs cellules germinales comme nutriment pour passer un mauvais cap, puis elles vont redévelopper des gamètes lorsque les conditions sont à nouveau favorables.
- Leur métabolisme est tellement simple que les méduses sont insensibles à l’ensemble des « anti-tout ce qu’on voudra » qui sont dévolus aux bactéries, aux insectes ou bien aux nématodes.
- Avec 99% d’eau dans le « corps », cela constitue un amortisseur biologique à toute épreuve contre les produits toxiques qui eux, affaiblissent justement les autres espèces.
La gélatinisation-régression est un phénomène général
Dans certaines espèces, c’est une mise au repos généralisée avec enkystement qui permet de résister aux pires circonstances. C’est le cas de nombreux parasites qui doivent « se faire discrets » très longtemps avant de rejoindre l’hôte qui permettra la suite du développement.
Dans d’autres cas, c’est soit l’organisme lui-même qui modifie son métabolisme (parasites qui prennent une forme asexuée transitoire), ou bien c’est un tissu malmené dont les cellules se désolidarisent des tissus voisins pour entamer une nouvelle vie selon des principes « égoïstes » de type : « je me débrouille pour survivre et désormais chacun pour soi ». C’est le principe même des cellules cancéreuses.
En sociologie, on peut étendre ce principe aux groupes sociaux (ou plutôt asociaux !) qui se séparent de l’entité mère pour fonder une caste divergente, antagoniste, et le plus souvent régressive, ne serait-ce que par le mode de vie fruste et le vocabulaire limité …
Ainsi, si ce phénomène touche les organismes quelle que soit leur taille et leur complexité, on devrait le retrouver à l’échelle de notre terre… A condition de considérer notre terre comme un organisme vivant, c’est à dire d’adhérer à l’hypothèse Gaïa
L’hypothèse Gaïa.
Raillée et dénigrée tant par des scientifiques que par des religieux, cette hypothèse est devenue une évidence.
Avancée dès 1970 par l’écologiste anglais James Lovelock, cette hypothèse (on notera la prudence du terme « hypothèse », le mot « principe » sera utilisé plus tard) repose sur l’idée que la terre serait un système physiologique dynamique qui inclut la biosphère, et maintient notre planète depuis plus de trois milliards d’années en harmonie avec la Vie.
Ainsi, l’ensemble des êtres vivants (la biosphère) constituerait, de concert avec son fondement minéral et géologique, un vaste organisme capable de réaliser une auto-régulation de ses composants pour favoriser la vie … ou tout au moins jusqu’à maintenant.
Cette hypothèse repose sur diverses constatations (écologiques, climatologiques, biologiques), et non pas sur des expérimentations : il se trouve donc encore des scientifiques pour bouder cette hypothèse, arguant qu’on manque encore de preuves irréfutables.
Pourtant, Lovelock est un chercheur reconnu dans le monde de la chimie et de l’écologie.
Il ne met en cause aucune avancée de la Science, que ce soit l’Evolution selon Darwin ou les principes actuels de la génétique et de l’épigénétique.
Au contraire, il en réalise une synthèse, qui, comme toutes les initiatives transversales, mettent en rogne les spécialistes patentés. Parmi ces spécialistes, il en est un, Richard Dawkins, qui l’a « marqué à la culotte » pendant des dizaines d’années. Leur affrontement a été enrichissant et a bien fait avancer cette controverse.
Gaïa et l’évolution des espèces
Lovelock intègre le principe évolutioniste qui veut que les espèces les plus adaptées à leur milieu s’y installent et s’y multiplient. Selon Darwin, c’est le milieu qui sélectionne les espèces et qui les fait évoluer.
Mais Lovelock ajoute cette hypothèse qui fait hurler Dawkins : « à l’inverse, les espèces, et en particulier les plus ténues (bactéries, algues), sont en mesure de modifier l’environnement pour parvenir à une co-évolution à la fois du Vivant et de son substrat atmosphérique et minéral ».
Evolution, oui, mais dans un cadre d’auto-régulation où rien n’est statique et encore moins définitif.
Gaïa et la cybernétique du Vivant
Chaque élément individuel réagit avec tous les autres selon des boucles de rétro-actions qui assurent l’auto-régulation du Vivant.
Ce principe naturel facile à observer met de coté le principe de finalité : pourquoi aller chercher un Architecte de l’Univers quand les choses s’auto-régulent sagement et naturellement ?
Il faut simplement avoir en tête que tout le Vivant repose sur l’interaction de tous ses éléments, sur la participation de la totalité de ces éléments, et sur le vieux principe lavoisien (rien ne se perd, rien ne se crée), mais en l’étendant à des systèmes ouverts doués d’organisation, une forme d’intelligence naturelle qui permet aux systèmes vivants de trouver vite et bien la meilleure solution, et la plus économique, à une nouvelle situation.
En système ouvert (avec un apport d’énergie et d’information du Cosmos voisin) et avec cette capacité d’initiative spontanée, le Vivant se dégage de la malédiction de l’entropie.
L’Evolution trouve là un terreau insoupçonné pour faire évoluer les espèces dans un cadre global.
C’est à partir d’une étude sur la production par les algues de DMS (Dimethyl Sulfide) sur le vaisseau Shackleton, que Lovelock entrevoit un principe de régulation qu’il étendra à toute la biosphère : les émissions de DMS par le plancton marin modifient l’absorption de la lumière de la planète et sont impliqués dans la régulation climatique, via un processus similaire à celui de l’albedo.
Idem pour le refroidissement local des forêts tropicales par l’évaporation de l’eau.
Idem pour bien des « cycles » naturels, qu’ils soient quotidiens jour et nuit), mensuels (phénomènes dus aux marées) ou saisonniers.
L’apport décisif de Lynn Margulis.
Pour s’imposer, une théorie doit apporter des explications tangibles dans un domaine où tout le monde patauge.
Et ce domaine en question, c’était celui de la brusque montée de l’oxygène dans l’atmosphère terrestre, correspondant à une mise en route du règne animal.
On avait bien conscience que cet oxygène produit par des algues était toxique pour l’ensemble des bactéries anaérobies. Alors comment apparaissent et prospèrent des organismes qui vont non seulement survivre, mais s’assembler et s’organiser pour donner les métazoaires, des organismes aux cellules diversifiées ?
C’est la biologiste Lynn Margulis qui apporte une réponse sensée : certaines bactéries ont sû s’adapter à la présence d’oxygène, et elles ont été absorbées par d’autres, plus grosses, à qui elles ont fourni cette capacité d’utiliser l’oxygène, ce poison atmosphérique, et les sucres des végétaux, pour synthétiser toutes les molécules de la vie animale.
Non seulement elle trouvait une origine et un sens à l’apparition des mitochondries, mais Lynn Margulis apportait en même temps un argument massue pour Lovelock : notre terre Gaïa sait s’adapter aux pires bouleversements, mais elle est prête pour cela à sacrifier des espèces. C’est arrivé plusieurs fois, on a appelé cela des extinctions massives, qui ont touché des espèces terrestres ou marines.
Le graphique bleu indique le pourcentage apparent de genres animaux marins ayant disparu depuis 500 millions d’années. Comme on le voit, c’est un phénomène quasi régulier, qui dit régulier dit régulation … Gaïa sait se débrouiller pour rebondir en cas de difficultés …
Cette capacité d’aurorégulation porte un nom dans le domaine de la physiologie : c’est l’homéostasie. Entrevue par Claude Bernard au XIXème siècle, puis développée par Cannon, l’homéostasie st une des bases du Vivant : tout écart d’une fonction physiologique par rapport à une moyenne considérée comme vitale, soit subit une régulation par l’organisme pour revenir à cette moyenne, soit signe la mort de l’organisme tout entier. Le sang nous montre un magnifique exemple d’homéostasie complexe, qui prend en compte à la fois l’eau, le pH, la quantité d’oxygène, la température, tous ces facteurs étant gérés par une kyrielle de processus biochimiques contrôlés eux-mêmes par des organes ad-hoc . En amont de tout cela, une Evolution implacable qui a éliminé tous les processus défectueux pour ne garder que ce qui fonctionne …
Pour comprendre, il faut échanger les savoirs
Si l’homéostasie demande pour sa compréhension de bonnes connaissances en physiologie, ça devient beaucoup plus compliqué au niveau de la Terre : il faut en effet croiser les connaissances et les expérience de dizaines de sciences différentes jusque-là confortablement attribuées à des spécialistes, comme autant de baronnies, avec cooptation et prébendes au sein du monde scientifique.
Jusqu‘à l’arrivée d’internet, toutes ces microsciences étaient structurées par les publications, elles mêmes sous la coupe d’éditeurs très « business » et de « publishers » influents. S’informer était ruineux, l’abonnement à ces revues très onéreux. Alors, croiser les savoirs, vous n’y pensez pas !
Avec le net, c’est à la fois la masse d’informations (où par ailleurs il faut faire le tri…) et leur instantanéité (qui n’est pas un gage de véracité) qui prévalent. Avec en prime des photos, des vidéos magnifiques qui expliquent et qui convainquent.
L’Hypothèse Gaïa devient une évidence pour des millions de terriens.
Peut-on réprouver la démographie grandissante ?
Si la plupart des arguments de l’Hypothèse Gaïa sont à présent acceptés, intégrés dans une compréhension scientifique du monde, Lovelock traîne toujours une réputation de misanthrope dans les sphères politiques, religieuses, et économiques.
C’est qu’il ne mâche pas ses mots à propos de la démographie humaine.
« Les choses que nous faisons à la planète ne sont pas agressives et ne représentent pas non plus une menace géophysique, tant que nous le faisons pas à grande échelle. S’il n’y avait sur Terre que 500 millions d’humain, pratiquement rien de ce que nous faisons à l’environnement ne perturberait Gaïa (…) Ce n’est pas une simple question de surpopulation : une forte densité de population causerait moins de perturbation en milieu tempéré de l’hémisphère nord que dans les tropiques humides ».
Ainsi, Lovelock se permet :
- de s’opposer à des dogmes religieux qui prônent une fécondité sans limite aux populations croyantes.
- de s’opposer aux doctrines de la politique libérale, qui donnent une valeur économique à chaque citoyen : plus la population augmente, et plus on est riches.
- de mettre le doigt sur des domaines entiers de l’économie qu’il faudrait rapidement mettre sur la touche (surpêche maritime, chimie omniprésente, gâchis des protéines animales, etc).
- de donner un avis sur les zones géographiques qui pourraient accueillir telle population, au détriment des autres ?
Autant dire que Lovelock (ainsi que certains écologiques vite taxés des « Khmers verts) se trouve la cible de détracteurs très divers aux motivations bien divergentes.
On caricature ses écrits pour en faire un « eugéniste » pas fréquentable, tout en proposant des contraceptifs éco-polluants ou des méthodes agricoles « raisonnées ».
En prime, Lovelock trouve le moyen de se fâcher avec une majorité d’écolos, puisqu’il prône une utilisation (provisoire, dit-il) du nucléaire en tant qu’énergie « propre », ou tout au moins celle qui endommage le moins notre planète.
Biographie rapide de Gaïa
Lovelock en a fait en 1988 un résumé circonstancié dans son ouvrage « Les âges de Gaïa », ce qui lui permet au passage de décrire les différents processus de régulation, qui sont apparus successivement (et qui sont toujours actifs).
A l’origine, la Terre est écrasée par l’influence solaire, avec une atmosphère de méthane. Puis elle a en dizaines de millions d’années, fait apparaître du gaz carbonique qui a remplacé le méthane : c’était le fait de micro-organismes frustes, se nourrissant de méthane dans les profondeurs abyssales. Ce gaz carbonique (notre ennemi actuel ?) lui aura été très favorable en créant un état stable, en température et hydratation : les algues ont pu se développer pour produire, nouveau cataclysme, une grande quantité d’oxygène, d’où (merci les mitochondries) un jaillissement du vivant, en particulier dans des océans désormais accueillants à la vie telle qu’on la connaît.
La planète a alors vu une alternance de périodes chaudes et froides, sortes de successions d’expériences destinées à stabiliser définitivement l’atmosphère propice à la vie.
Pour Lovelock en effet, le « but » de Gaïa est principalement de réguler la chaleur solaire néfaste à la vie à partir d’un certain seuil : les acteurs sont les calottes polaires et les glaciers, les nuages, les forêts et les océans.
Mais ces acteurs ont une limite. Et l’action humaine, elle n’en connaît pas. Surpêche (cf méduses), déforestation, abus d’utilisation de l’eau, bétonisation, rejets divers augmentent à une vitesse que Gaïa ne saurait supporter
« Gaïa est en train d’évoluer, conformément à ses propres règles, vers un nouvel état où nous ne serons plus les bienvenus ».
Lovelock nous décrit un avenir bien sombre, et uniquement du fait des hommes, trop nombreux et inconséquents.
Toutes les activités humaines tendent à empirer la situation, et en premier lieu l’agriculture productiviste, véritable agression aux répercussions profondes : « les écosystèmes naturels ne sont pas là simplement pour être transformés en exploitations agricoles, ils servent également à préserver les climat et l’équilibre chimique de la planète ».
La déforestation est en second lieu un enjeu fondamental pour l’équilibre planétaire.
En rajoutant les rejets industriels qui entretiennent ce réchauffement, et la mise en route de phénomènes auto-entretenus (ex : la fuite du méthane jusqu’ici bloqué dans le permafrost), on arrive au terme d’une belle aventure humaine, sur une terre aride et une mer où ne survivent que les méduses.
Cancers, obésité, scléroses, des maladies humaines qu’on peut attribuer à Gaïa ?
Quel que soit leur niveau de fonctionnement (de la cellule à l’individu, du groupe humain à Gaïa), les organismes vivants sont confrontés actuellement à des difficultés qui se ressemblent : augmentation de température, pollution chimique, voire électromagnétique, excès en certains constituants ou déchets qui s’accumulent.
La Nature a une capacité extraordinaire pour résister à ces agressions, c’est l’hormésis. Froid, chaleur, radiations, chocs, virus, les organismes ont jusqu’ici trouvé une parade naturelle pour faire le gros dos et passer le cap …
La réaction jusqu’ici a été l’homéostasie chez les individus, et pour notre Terre l’autorégulation du climat et des végétaux (admettons le : les animaux constituent un épiphénomène pour Gaïa, sauf l’Homme).
Et maintenant, tous malades ?
Il y a bien des similitudes entre nos maladies et certaines affections de Gaia.
Ce pullulement subit des méduses dans tous les océans correspond tout à fait à un cancer généralisé, avec des métastases qui étendent cette maladie proliférante dans tous les recoins de l’organisme, jusqu’à des organes essentiels (des centrales nucléaires !)
Des méduses qui comme les cellules cancéreuses, savent vivre sans oxygène, profitant d’un substrat abondant dû à nos erreurs de métabolisme et d’alimentation (excès de glucose chez nous, eutrophysation des mers) et à une présence universelle de corps chimiques (hormones, perturbateurs de toutes sortes) dans l’eau du corps comme dans les flots marins.
L’obésité n’est pas qu’une accumulation de graisses, c’est une erreur acquise au sein de nombreuses fonctions qui se déconnectent.
Concernant Gaïa, on note en dehors de l’accumulation des actions humaines (le béton, les autoroutes, les champs de coton …), un emballement de certaines espèces végétales dites « invasives » qui dont la vitalité n’a d’égale que l’agressivité pour les autres espèces.
Les scléroses sont dues à l’accumulation de déchets métaboliques (acide urique, calcium) ou toxiques dans différents organes. Avec à la clé des douleurs, des inflammations, des oedèmes.
Si on peut difficilement attribuer à Gaïa une capacité dolosive, les oedèmes eux, sont manifestes (inondations, montée des niveaux marins).
Les inflammations sont multiples, on les retrouve dans les zones où la déforestation a mis a nu des zones humides et riches en diversité vivace. La réplique première est un eczéma violent (pluies acides) suivie d’un érythème que les agriculteurs calment à grands coups de phosphore et de pesticides … jusqu’à l’épuisement total de la terre jusqu’ici nourricière, mortification de ces milliers d’hectares en déserts …
Ce phénomène qui ne touchait que la « peau » de Gaïa, à savoir les terres émergées, touche désormais ses « muqueuses », les mangroves totalement sacrifiées dans le monde entier pour la « culture » des crevettes (voir Effervesciences n°10) .
Pauvre Gaïa ?
Ne la plaignons pas, elle en a vu d’autres, et sans doute des pires. Nous ne lui sommes en rien indispensable. Tout juste un parasitisme spontané qui aura gratté un peu plus que les autres. Elle nous survivra haut la main, sous une autre forme … plus favorable à nos successeurs.
Jean-Yves Gauchet