Les vêtements et notre santé

Il y a la forme, le contact, la manière de porter … Et puis la substance du vêtement, les divers traitements qu’il a subis. Et puis comment vous l’entretenez, avec quoi … Certains vêtements sont réellement dangereux. Mais il existe aussi des vêtements pleins de promesses, capteurs de signaux biologiques, protecteurs  de la peau, capables également de soins infirmiers. Nos vêtements vont sans doute évoluer très vite.  Sachons prendre les bonnes directions.

Le phénomène s’est révélé depuis quelques années, contre les dénégations des industriels qui brandissent leurs propres analyses: tout autour de nous, des milliers de substances, parfois à la limite du mesurable, sont répandues et se mélangent pour constituer une soupe chimique extrêmement diluée. On sait que c’est néfaste, mais la démonstration est difficile.

C’est peut-être avec les abeilles, nos sentinelles biologiques si fragiles, que nous prendrons conscience de l’intensité du problème. Car les abeilles, on peut les compter, mesurer leurs trajets, peser leur production, et ceci dans des périodes très courtes et néanmoins significatives. 

Chez l’homme, la montée dramatique des allergies et de différents cancers, a fait suspecter l’action insidieuse de substances dans l’eau et l’alimentation, nous l’avons régulièrement évoqué dans Effervesciences. Puis on s’est intéressé aux cosmétiques, puisque on se tartine la peau, la chevelure, voire nos muqueuses, avec des produits où le marketing a de beaucoup précédé le sérieux scientifique. 

Et en quelques années, des dizaines de substances, qui étaient employées à doses significatives (triclosan par exemple), ont été bannies de nos déodorants, dentifrices et autres crêmes solaires.

Et bizarrement, les mêmes substances, mais aussi bien d’autres, sont toujours présentes dans les tissus de nos vêtements, au contact constant de notre peau. Il est temps de s’y intéresser sérieusement.

La peau, une voie d’entrée malmenée.

Pendant longtemps, la peau a été considérée comme une barrière très efficace, totalement imperméable. Les agressions chimiques étaient supposées alors réduites aux contacts respiratoires, digestifs, et accessoirement sexuels. Puis on s’est aperçu que la peau laissait passer les substances grasses, qui savaient se dissoudre dans le sébum de surface, puis s’introduire dans l’hypoderme.

Le transport à travers la peau se réalise par diffusion passive et la couche cornée de l’épiderme sert de réservoir temporaire aux substances appliquées localement. On a établi la liste (forcément incomplète) de solvants qui pénètrent facilement, et qui du coup peuvent introduire des substances préalablement intégrées. On y trouve les éthers de glycol, les hydrocarbures aromatiques (dont l’omniprésent benzène), les cétones, les hydrocarbures chlorés (tétrachloéthylène, etc …) et bien d’autres substances que nous retrouverons imprégnés à des vêtements.

Ces solvants sont par nature liposolubles, mais ils sont souvent également polaires et non dénués d’une certaine hydrosolubilité, ce qui améliore encore leur capacité d’absorption cutanée.

Allergie de contact au textile.

Divers facteurs ont une influence sur le passage percutané: état d’abrasion de la couche cornée, inflammation locale, température, degré d’hydratation de la peau, présence d’autres substances, qu’on utilise en particulier en cosmétologie: une peau asséchée et irritée par de multiples soins “d’hygiène”, ou au contraire imprégnée de substances grasses, est une peau où le passage des solvants est facilité.

Les irritations (vêtements trop serrés) impliquent une inflammation, une multiplication accélérée des cellules de la peau, et une moindre cohésion des cellules épidermiques: les solvants s’y introduisent “comme dans du beurre”, mais aussi les métaux lourds, les bactéries, les poussières …

Cette capacité sélective à absorber des substances dans le bon solvant a permis de révolutionner certains traitements avec l’arrivée des patches, ces feuilles adhésives qu’on applique sur la peau et qui diffusent une substance de manière très précise, dans la dose et dans le temps. Contraceptifs, antalgiques, alcaloïdes, hormones diverses, les patches constituent un véritable eldorado médical. Et nous verrons que certains tissus de vêtements peuvent jouer ce rôle de patch, un rôle calculé et revendiqué, mais qui aura des effets inattendus.

Mais c’est pour expliquer la présence de bisphénol dans les organismes, qu’on a encore poussé plus loin les investigations. En effets, les mesures de bisphénol chez des individus testés, ne correspondaient pas à ce qu’ils auraient pu ingérer (par mesure permanente des aliments et de l’eau de consommation, et en soustrayant  les pertes urinaires).

Car un grand nombre d’objets manipulés chaque jour (tickets de caisse, cartes de crédit, emballages divers), contiennent jusqu’à 1/1000 de BPA, ce qui est loin d’être négligeable. Les recherches (INRA à Toulouse, Daniel Zalko) ont été effectuées sur des disques de peau de porc (65% du bisphénol parvenaient à forcer le passage, puis sur des disques de peau humaine (45% de passage). Ainsi donc, se méfier de tous ces papiers thermiques, mais aussi savoir que la peau absorbe “malgré elle” des substances largement indésirables.

On peut quasiment considérer la peau comme une membrane à travers laquelle passent les molécules en fonction de leur taille, leur polarité, leur concentration. Avec un terme pour en caractériser cette capacité de passage: la perméation.

Mais le passage en percutané de substances nocives est accompagné d’une réalité physiologique fondamentale pour expliquer les dégâts qu’elles occasionnent: en effet, nos organismes ont été “conçus” dès l’embryon, pour éliminer des substances nocives qui pénêtrent par le tube digestif. Ces substances sont alors transportées par le sang veineux jusque dans le foie, où le processus de détoxication joue à plein.

Mais ce qui n’était pas prévu, c’est que notre mode de vie fasse pénétrer ces substances par les muqueuses, et surtout par l’épiderme. Dans ce cas, elles sont entraînées par le sang veineux directement vers le coeur, et à partir de là dans tout l’organisme sans aucune épuration. C’est ainsi que nos tissus chargés en lipides, comme l’encéphale ou le conjonctif des seins, se chargent en substances liposolubles intégrées à ces solvants omniprésents dans notre environnement.

Textiles “naturels”: un long chemin du champ à la boutique …

Bien avant leur passage en filature, les fibres naturelles vont recevoir un certain nombre de traitements qui vont les imprégner de substances plus que suspectes:

les fibres de coton, de soie, de chanvre ou de lin sont disponibles dès la récolte sans traitement chimique (se méfier toutefois des pesticides: la culture du coton consomme 25% du total des phytosanitaires de la planète, il en reste forcément des traces dans votre tee-shirt …).

la laine, qui est imprégnée (40%) d’un suint riche en pesticides, est traitée par un solvant très efficace, le trichloréthylène. Elle en principe rincée, avec quelle efficience ?

Puis, seconde étape, ces fibres sont lavées et blanchies, en utilisant une “substance taxi” qui collecte les impuretés pour les évacuer lors du rinçage. La molécule la plus usitée est l’EDTA, en principe, on ne la retrouve pas sur les vêtements, mais elle est expédiée larga manu dans le milieu naturel où elle agit comme modulateur du système endocrinien, toutes hormones confondues.

Le process industriel se poursuit par la teinture, ou bien par l’impression des tissus. A coté d’une minorité de colorants naturels, les industriels emploient tout un éventail de combinaisons chimiques pour la plupart délétères. Selon le type de textile et son usage, on emploiera des colorants directs, “collés” aux fibres grâce aux sels d’ammonium quaternaire, puis au formaldéhyde. Ou bien des colorants naturellement agrégables grâce à des propriétés chimiques agressives: c’est le cas des colorants soufrés, des teintures au chrome, un métal lourd particulièrement néfaste dans les organismes vivants.

Les tissus bariolés subissent une impression (comme un journal !) de multiples passages, mais les pigments doivent être fixés au moyen d’un polymère, un plastifiant généralement de la famille des phtalates.

C’est alors le moment de déposer sur le tissu un ou plusieurs apprêts selon les besoins du fabricant de vêtements: les objectifs majeurs sont de rendre les tissus résistants au rétrécissement, infroissables (plus besoin de repassage), totalement imperméables, ou bien encore résistants au feu (ignifuges) ou à visée médicale (traitements antibactériens, fongicides ou antimoustiques …).

Un composé est omniprésent lors de tous ces traitements: le formaldéhyde. Cette petite molécule issue de l’alcool méthylique, donc peu onéreuse, a la capacité de réunir les fibres et de conserver leur forme malgré leur étirement (usage sur le corps), leur lavage-rinçage-essorage, mais aussi de retenir les colorants et les encres d’impression. 

Le formaldéhyde est bien connu comme carcinogène. Le processus commence par des irritations cutanées (de concert avec d’autres substances, comme les sels de chrome), puis des dermites dans toute l’épaisseur de la peau, avant de modifier localement le substrat intercellulaire, c’est à dire les prémices de la cancérisation. 

Chaque pays a institué une dose limite de formaldéhyde dans les textiles, selon l’âge et le statut des consommateurs. Mais, en particulier sur les textiles importés de Chine, il n’est pas rare de mesurer des doses jusqu’à 8 fois supérieurs aux normes européennes, le pompon étant atteint lorsqu’il s’agit de vêtements de nuit qu’on porte 8 heures par jour plusieurs jours par semaine …

Dans le tissu, le formaldéhyde est sous forme dite “liée” aux fibres (donc pas toujours mesurable), et ne se libère que sous des contraintes physiques (chaleur du corps, lavage) ou chimiques (humidité de la sueur).

Les textiles synthétiques: colorants “dispersés” et électricité statique: 

Nous venons de voir que les textiles dits “naturels” sont générateurs de bien des problèmes, du fait de toutes ces substances utilisées pendant leur fabrication, et qui y restent actives. Mais avec les textiles synthétiques, on s’aperçoit que les réactions cutanées, mais aussi générales, sont encore pires. 

Bien sûr, on va retrouver dans les synthétiques toutes les molécules “d’apprêt” également utilisées sur les fibres d’origine agricole. Dès qu’on voit sur l’étiquette “anti quelque chose” (anti   … tache, froissement, bactérien, statique, odeur, rétrécissement, etc …), on peut s’attendre à la présence de substances indésirables pour notre santé.

 Mais en plus, les tissus synthétiques acceptent difficilement les teintures utilisées sur les textiles naturels. Il faut utiliser des colorants nettement plus agressifs au niveau chimique, pour adhérer à ces fibres lisses et sans cesse sujettes à des phénomènes électriques. On les appelle les “colorants dispersés”, et sont par essence des produits délétères, mais par dessus le marché ils demandent plus de substances d’accompagnement (formaldéhyde, chrome, cuivre, etc …) lors du processus de teinture. 

Au résultat, ce sont bien les tissus synthétiques qui sont à la base de la  majorité des dermatites de contact, des maladies qui passent parfois inaperçues, ou qui sont prises pour d’autres affections, mais qui peuvent également s’avérer dramatiques et dans de grandes proportions. 

Le colorant bleu clair, spécifique aux personnels de compagnies aériennes, a été repéré comme particulièrement nocif lorsque intégré au nylon, au polyester, ou aux fibres acryliques. Avec retour aux chemises blanches, ou bien en coton …

Une particularité de certains textiles synthétiques, c’est leur capacité à développer et supporter de l’électricité statique. Ce qui peut n’être qu’énervant sous forme de décharges inopinées, peut s’avérer délétère à long terme. Plusieurs études tendent à prouver que la fertilité masculine est sous l’influence du port de textiles synthétiques. Comme celle publiée en 1993 dans Urological Research, dans laquelle on fit porter pendant deux ans à des chiens mâles des culottes en polyester (versus un autre groupe de chiens portant des culottes similaires, mais en coton). Les chiens “sous synthétique” présentaient des testicules légèrement atrophiés, et une nette oligospermie génératrice d’infertilité. On a mis en cause cet effet électrostatique. En appopint d’autres désordres chimiques ?  En tous cas, effets biologiques indubitables.

Alors qu’une majorité de sous-vêtements, ou de pyjamas contiennent ce genre de textile …

Et puis l’entretien de nos vêtements n’arrange rien …

Car ces vêtements, il va falloir les laver régulièrement, les sécher et les repasser, toujours plus vite et avec un budget minimal … Et l’on va fatalement retrouver dans ces actions une partie des produits déja utilisés lors de leur fabrication. Sauf que les lessiviers ne sont pas obligés légalement de préciser la composition exacte de leur mixture, secrets industriels oblige …

Les phosphates ont été peu à peu remplacés par divers surfactants synthétiques dont les effets carcinogènes et perturbants hormonaux sont maintenant avérés (EDTA, polyéthylène-glycol, quaternium-15, etc). Mais il s’y rajoute les “azurants”, qui rendent les couleurs plus vives, le blanc plus blanc , ainsi que les adoucissants de confort, et encore des senteurs pour masquer les odeurs des précédents …… encore des substances irritantes et carcinogènes à long terme.

Les laveries “traditionelles” se doivent de livrer des vêtements impeccables, qui fleurent bon la campagne, et bien rigides pour masquer toute imperfection.Et ce résultat dans un temps le plus court possible. D’où l’emploi de produits normalement réservés à l’industrie. La tendance actuelle est aux “laveries vertes” et c’est une bonne chose, même si les procédés employés sont assez nébuleux.

Quand les vêtements sont trop serrés …

Les créateurs de “tendances” n’ont qu’un mot à la bouche: “silhouette”. Par divers artifices vestimentaires, on peut “retravailler” une silhouette pour la faire rentrer dans un moule, celui du canon esthétique du moment.

Les siècles précédents ont vu souffrir les femmes enserrées dans des corsets générateurs de troubles circulatoires et respiratoires. 

Le soutien-gorge ne s’est répandu qu’après les années 20, dans une forme plutôt souple en phase avec cette “libération du corps” qui tenaillait cette élite féminine en quête d’émancipation. Mais les dictateurs de la mode ont vite repris le dessus en imposant des accessoires sanglés bardés d’armatures. Sous couvert de beauté, les femmes replongeaient dans l’inconfort et l’aléa médical.

Quant aux souliers, ils peuvent également entraîner des épreuves conséquentes à ceux, et surtout celles qui les portent.

Le Dr Elisabeth Vaughan, de Caroline du sud, a fait tout un travail d’observation sur des centaines de femmes, pour arriver à cette conclusion: il existe un lien mesurable entre le port de soutien-gorges et la présence de nodules dans les seins. Nodules bénins qui disparaissent spontanément lorsque les femmes concernées délaissent cet accessoire.

Selon ces travaux, corroborés par d’autres chercheurs, il existe deux facteurs principaux qui agissent pour provoquer ces kystes mammaires.

1- l’action mécanique, qui elle-même est multiple. 

Il y a principalement “l’effet garrot” qui consiste à comprimer les tissus et donc à gêner la bonne circulation lymphatique au niveau de la poitrine.

Or, ce drainage permanent est essentiel pour évacuer les toxines ou les diverses substances irritantes qui ont tendance à s’accumuler dans le tissu mammaire. Deux facteurs principaux: l’intensité de la pression, et le temps de la compression. Certaines femmes s’enserrent la poitrine même la nuit …

Vous avez dit “slim” ?

Et puis, toujours dans le domaine purement mécanique, on a le frottement de la peau avec soit des renforts rigides, soit des textiles mal supportés ou carrément toxiques: frottement, inflammation, souffrance cellulaire, acidité tissulaire: le terrain est mûr pour l’apparition de kystes.

2 – l’action purement biochimique due aux substances imprégnant le soutien-gorge. Il s’agit d’un contact permanent, très serré avec un tissu généralement lavé tous les jours et plus ou moins bien rincé. Ces substances auront d’autant plus de facilité à passer via l’épiderme, que les seins sont lavés, puis enduits de déodorants ou de crêmes qui constituent un pont idéal pour leur passage.

Un autre chercheur, Sidney Singer, a réalisé entre autres une étude aux iles Fidji, où deux populations de femmes ethniquement homogènes se cotoient: les “traditionnelles”, qui en restent au sari asiatique, et les “modernes”, qui ont adopté le port du soutien-gorge. Il s’avère qu’à conditions d’alimentation et à environnement égal, les “modernes” sont nettement plus sujettes aux kystes mammaires, et en conséquences aux tumeurs du sein. 

On peut estimer que ces “modernes”, en plus du port du soutien-gorge, fument sans doute plus, utilisent force cosmétiques, portent des vêtements en synthétique … Mais c’est bien au niveau des seins que se joue l’impact délétère.

Un autre accessoire d’habillement peut s’avérer dommageable: la chaussure. Avec ses deux hypertypes: l’escarpin de cigogne et et la tong de traine savate.

L’une et l’autre ont des conséquences sur la cambrure naturelle de la colonne vertébrale, avec tous les ennuis qui en découlent, depuis les douleurs posturales jusqu’à des céphalées ou des arthroses, en particulier du genou.

Le pied doit idéalement être soutenu par un talon “raisonnable” de deux à quatre centimêtres, qui peut d’ailleurs se trouver dans la chaussure sous forme de semelle intérieure adaptée (cas des chaussures de sport).

Sachons également que la plante des pieds, zone de sudation exacerbée, est également une zone d’absorption des tous les produits chimiques qui imprègnent chaussettes et souliers. N’oublions pas qu’un des moyens expéditifs de se séparer d’un fâcheux, en Afrique, est de lui enduire le cuir de ses chaussures avec l’alcaloîde disponible au village … Le résultat est atteint en moins de trente jours. C’était la durée à attendre, au temps béni des cours de la Renaissance, pour un résultat identique chez celles et ceux à qui on avait offert des gants également imprégnés d’arsenic ou d’antimoine …

Plus récemment, la mode “unisexe” des slips réduits à une maigre lanière immiscée dans une intimité malmenée, nous avons nommé le string, a fait beaucoup pour la prospérité des gynécologues et autres proctologues: nos muqueuses ne sont pas faites pour un tel effort et un tel débordement chimique et bactérien. 

Angelina Viva

Source: “Ces vêtements qui nous tuent”

Publié par

admin1402

Vétérinaire à Toulouse, je gère bénévolement ce blog suite à l'arrêt de parution du journal "paper" Effervesciences" survenue durant la crise covid. Désormais, les infos sont en ligne, gratuietement.