Chaque fois qu’on veut modifier brutalement un processus biologique, même pour de bonnes raisons, on met en route une réaction de résilience qui est parfois plus forte que le phénomène visé. Avec des succès apparents très temporaires, puis des fiascos à la fois sanitaires et économiques. Il en est ainsi avec l’utilisation des pesticides, des herbicides et des antibiotiques.
La résilience, cette capacité d’adaptation d’un organisme aux diverses agressions ou modifications du milieu, est un des fondements de la Vie.
On l’appellera « force vitale » ou résilience pour faire savant, mais elle est universelle et très efficace. Et elle n’apparaît pas dans les équations des scientifiques qui veulent modifier le Vivant. Elle crève les yeux du moindre jardinier, mais elle est négligée par les champions de la biochimie qui ont la haute main sur nos agro-productions et sur notre santé.
On en subit les conséquences dans trois domaines qui sont devenus trois tragédies.
1 – Les antibiotiques et l’antibiorésistance.
Toutes nos muqueuses produisent des substances protectrices contre les bactéries. Elles agissent localement, et plutôt efficacement. Idem chez les végétaux, de leurs racines à l’extrémité des feuilles.
Les antibiotiques, eux, existent dans la nature, produits par des micro-organismes qui se défendent également contre les bactéries. Mais les bactéries ont cette capacité à la fois de se multiplier à bride abattue lors d’un stress non mortel, donc d’évoluer très vite pour muter et trouver une parade métabolique, et à la fois d’échanger entre elles des plasmides, ces fractions d’ADN baladeurs qui portent les gènes de résistance, même d’une espèce bactérienne à l’autre !
Au résultat, suite à des années d’emploi d’antibiotiques, une résistance partagée à la plupart des molécules. Un fiasco médical et un désengagement des labos.
2 – Herbicides, OGM, adventices, et foisonnements imprévus.
C’est un phénomène qui est prudemment occulté car il met en cause des pans entiers de l’économie agricole. Mais les faits sont là : pour éliminer les « adventices », ces plantes sauvages qui s’invitent dans les champs de nos monocultures productivistes, on recourt à deux procédés :
- les herbicides, pulvérisés sur les plants. Autrefois atrazine, mise de coté comme perturbateur endocrinien, puis le round-up universel si controversé actuellement.
- Les OGM, qui permettent justement à la plante modifiée de résister au round-up…
Les effets « bénéfiques » auront duré environ 15 ans, avant que des espèces végétales ne contournent la toxicité de cet herbicide, et n’ayant plus aucun autre végétal concurrent, ne se mettent à foisonner dans les sillons de la monoculture. La solution transitoire est de mettre toujours plus de round-up … qui commence aussi à endommager la culture principale, car les OGM, elles aussi, évoluent pour se débarrasser de ses gènes encombrants !
Les « superweeds » comprennent l’ambroisie (qui de surcroît est éminemment allergène, merci pour les allergiques !), l’amarante, l’ortie, et diverses graminées comme l’ivraie, le brome, ou le chiendent.
3- Pesticides et évolution des « ravageurs ».
Les « ravageurs » sont souvent des larves gloutonnes au métabolisme élémentaire, mais vigoureux. Les pesticides ciblent un domaine précis de ce métabolisme pour le bloquer, et c’est efficace … jusqu’à ce qu’une mutation simple, ou bien plus fréquemment la répétition d’un gène qui produit une enzyme protectrice, ne vienne en réduire les effets.
Là encore, même tarif : augmenter les doses ou changer de pesticide. Mais la résistance une fois installée, c’est la ruine pour le producteur et le danger sanitaire pour les consommateurs.
4- Et il en est de même pour le cancer….
Petit apparte au passage : les traitements du cancer qui visent à éliminer les cellules tumorales en visant une partie bien précise de leur métabolisme (et c’est le cas des « traitements ciblés » tombent dans le même piège : une résistance opiniâtre de clones cellulaires et une reprise de la maladie.
Les solutions raisonnables
Notre civilisation technicienne teintée d’une religion où Dieu nous aurait enjoint de soumettre la Nature, est dans ce domaine en situation d’échec.
La Nature, on doit s’y intégrer, voire négocier avec, mais pas la bousculer.
Et les agriculteurs bio, avec l’expérience de la biodynamie, ont su trouver des solutions raisonnables dans bien des domaines. Pas des actions raisonnées, c’est à dire calculées (le nouveau blabla du productivisme), mais des actions raisonnables.
Pour la vigne, on passera un peu de temps à enfouir les adventices au pied des ceps et on économisera sur les frais de pesticide. On laissera pousser des buissons producteurs sous les fruitiers … ou on y laissera pâturer des moutons .
En élevage, on se sépare avantageusement des antibiotiques en diminuant le stress (plus de place pour chaque animal), en améliorant la flore intestinale, en utilisant les capacités naturelles de huiles essentielles…
On peut aussi faire jouer les concurrences : certaines plantes se tolèrent, d’autres pas. Certains insectes se nourrissent des larves d’une autre espèce… Avec un pesticide, on les tue tous d’un coup … sauf que l’espèce cible résistera.
Et puis on peut jouer sur les différences d’endurance à un produit pour minimiser les phénomènes de résistance. Par exemple en réduisant l’utilisation d’un pesticide : cela permet à des organismes non résistants de supplanter les souches résistantes, ils pourront par la suite être tués par un retour à l’utilisation du pesticide.
Et cette pratique commence d’ailleurs à s’organiser dans le domaine du cancer : les « mini-chimios », bien mieux tolérées, ne font que ralentir la multiplication des cellules cancéreuses, mais elles laissent le champ libre au développement d’autres cellules cancéreuses moins délétères… on ne guérit pas la maladie, mais on la rend chronique…
Exemple concret: les effets inattendus d’un OGM insecticide
L’idée était la suivante : en introduisant dans le génome d’un végétal le gène producteur d’une substance insecticide (gène capturé sur la bactérie Bacillus thuringiens), on permet à cette espèce végétale de produire elle-même l’insecticide qui la protègera.
C’est ainsi que ce gène « Bt » a été introduit chez des « cultivars » de soja, de maïs, ou de canne à sucre. Effectivement, les « ravageurs » visés se sont montrés sensibles, et les plantes ont un temps paru en très bonnes santé.
Sauf qu’en quelques années d’exploitation, on s’est aperçu que ces OGM »Bt » étaient devenus sensibles à d’autres « pestes » jusqu’ici très discrets. Très discrets, et insensibles au « Bt ».
Par quel mécanisme ces nouveaux prédateurs sont ils apparus ? On a pu noter que les plantes OGM, moins attaquées par leurs « ravageurs » principaux, se défendaient moins : ils ne produisaient plus de terpinoïdes, ces terpinoïdes qui jusque là les protégeaient des autres insectes….
Angelina Viva