On a “démoustiqué” la France en plusieurs étapes, d’abord dans les Landes au XIXème siècle, puis sur la côte méditerranéenne (Camargue, étangs du Languedoc) dans les années 60. Puis on les a oubliés, ces moustiques, jusqu’à maintenant où d’une part de nouvelles conditions climatiques leur font la part belle, d’autre part ils servent de vecteurs à des maladies nouvelles et très difficiles à soigner.
Les moustiques (Culicidae) sont des insectes diptères qui vivent dans des endroits humides et chauds, qui se nourrissent plutôt de productions végétales, mais dont les femelles ont besoin pour la maturation des oeufs, d’un ou de plusieurs repas de sang. C’est à l’occasion de ces piqures, que les moustiques jouent un rôle de vecteurs de virus ou de parasites extrêmement préjudiciables en santé publique.
Les adultes sont des insectes à deux ailes, très fluets, qui ont une activité rythmée, saisonnière mais aussi nycthémérale. Avec un pic de vigueur en fin de journée, quand ont lieu aussi bien les accouplements que les repas de sang des femelles.
Dans les 48 heures qui suivent un repas de sang, les femelles déposent leurs oeufs à la surface d’une eau stagnante et tiède. Et encore 48 heures plus tard, ces oeufs vont éclore pour donner naissance à des larves aquatiques immergées, qui respirent grâce à leur siphon situé en bout d’abdomen. Ces larves se nourrissent dans l’eau (bactéries,phytoplancton) et passent par quatre stades larvaires, puis un stade nymphal, et enfin se métamorphosent en adultes.
Chaque espèce possède son mode de vie, ses horaires, ses végétaux préférés, et pour les femelles leurs proies préférées. Concernant l’Homme, il est repéré par diverses productions dues à sa respiration, sa sudation, son urine, ou diverses suintements de la peau: dioxyde de carbone, acides lactiques et butyrique, ammoniac, etc …
Le moustique et son écosystème
Les moustiques, tous sexes confondus, se nourrissent de nectar de fleurs, et participent au passage à leur pollinisation . A ce titre , ils ont une utilité directe en milieu rural.
Les larves jouent un rôle important d’épurateurs des milieux aquatiques , mais aussi de biomasse alimentaire pour les poissons, les oiseaux, les chauve-souris et les batraciens.
Le moustique, insecte piqueur
Le mâle possède une trompe souple (labium) pour simplement se nourrir, alors que la femelle a développé des stylets vulnérants qui pénêtrent à travers l’épiderme, jusqu’à perforer un capillaire sanguin ciblé par sa chaleur et ses vibrations. Ces stylets délimitent deux canaux: l’un, canal salivaire, par lequel est injectée une salive anesthésiante et anticoagulante, l’autre par lequel est aspiré le sang qui, s’il est infecté, va contaminer le moustique. les micro-organisme ainsi ingérés franchissent la paroi stomacale, se multiplient, et s’accumulent dans les glandes salivaires, prêtes à une inoculation.
Les maladies transmises par le moustique
Nous nous limiterons aux maladies qui touchent le territoire français. Ne sont en particulier pas étudiés les fièvres du Rift et du Nil occidental, les filarioses, ainsi que les encéphalites .
nota: le virus du sida peut se retrouver chez une femelle moustique, mais il ne peut s’y reproduire ni se rassembler dans la salive: le moustique ne peut donc pas transmettre cette maladie.
LE PALUDISME
Il s’agit d’une parasitose du sang (globules rouges) par un protozoaire minuscule, le Plasmodium pour lequel l’Homme (comme de nombreux animaux), est un hôte intermédiaire. Injecté lors d’une piqure, le Plasmodium va immédiatement infecter les cellules du foie, puis les globules rouges où l’on peut les détecter facilement. Dans ces globules rouges ont lieu plusieurs cycles de multiplication qui impliquent l’éclatement des hématies accompagnés d’ épisodes fébriles.
Entièrement éradiqué du territoire métropolitain, la paludisme est une affection majeure des zones tropicales et équatoriales.
Les symptômes: fatigue intense, vertiges et céphalées, nausées, fièvre , hémo globinurie et ictère.
Le paludisme est aggravé chez les enfants (immunité progressive chez les adultes), et se recoupe souvent avec d’autres parasitoses, la tuberculose , et le sida.
En France, cette maladie n’est pas rare, (5 à 7000 cas annuels) et repose sur des infections réalisées lors de voyages, par toxicomanie, ou bien chez les populations migrantes.
Pour les touristes ou voyageurs en zones sensibles, la prise de méfloquine (Lariam) à 1 comprimé par semaine (de 3 semaines avant le voyage jusqu’à 4 semaines après le retour) est devenue la règle (suivie en fait par moins de 20% des voyageurs).
LA DENGUE
Il s’agit d’une maladie tropicale qui touche essentiellement l’Asie et l’Amérique du Sud. La France est concernée à travers les îles Caraïbes, la Guyane et les iles du Pacifique.
L’agent vectoriel est un moustique, l’agent infectieux un virus dont la nocivité s’affirme avec les années. C’est désormais une maladie majeure de ces zones où la chasse aux moustiques devient une cause nationale.
Les symptômes classiques sont ceux d’une grippe, avec fièvre, céphalées et douleurs musculo-articulaires en deux phases sur une semaine, puis récupération avec le bénéfice d’une auto-vaccination pour le sérotype du virus pathogène.
Mais une dengue hémorragique, très grave chez les enfants, a pris le pas sur la maladie classique, elle touche particulièrement les plus jeunes (vierges de tout contact antérieur) et les adultes qui ont déja contracté la dengue avec un autre sérotype ( phénomène des “anticorps facilitants”), c’est dire que l’évolution de ce mal est exponentielle.
D’autant que dans certains pays (Thaïlande), 50% de la population subit une maladie silencieuse, asymptômatique, ce qui fait autant de porteurs “sains”.
Il n’y a pas de traitement autres que les antalgiques et antipyrétiques, sur un fil du rasoir car ces produits majorent le risque hémorragique.
Un essai de vaccin aux Philippines a été un désastre sanitaire, on y a vu ce que c’est que des anticorps facilitants ….
LE CHIKUNGUNYA
Cette maladie d’origine africaine se développe selon deux foyers principaux, l’Indonésie, et les îles de l’océan indien, dont la Réunion. Depuis 2005, cette île est devenue une source de contamination vers la métropole.
L’agent contaminant est un virus qui ne se transmet que par la piqure de moustiques (type Aedes) femelles via leur salive. Ce virus se multiplie chez la moustique, ce qui fait qu’elle est infectante toute sa vie.
L’épidémie de 2005 a permis de mieux connaître cette maladie jusque là souvent confondue avec la dengue.
L’incubation dure de deux à quatre jours, avec d’entrée une forte fièvre, puis un érythème (éruption de boutons) et des douleurs rhumatismales intenses (doigts, poignets, coudes, genoux …), parfois des troubles digestifs.
Ces douleurs musculaires et articulaires peuvent persister pendant plusieurs semaines. La production d’anticorps est importante, et installe chez le malade guéri une protection à vie.
Les traitements n’agissent que sur les symptômes (paracétamol, AINS), les cas les plus aigus sont néanmoins traités par l’interféron.
Une importante polémique s’est déclenchée en 2006, lorsque des soignants de la Réunion ont constaté l’efficacité concrète de la prise de chlorure de magnésium (20 g/jour), qui agit très certainement contre le virus lui-même. Malgré des excellents résultats sur le terrain, les autorités médicales ont fermement déconseillé ce traitement, et les sachets de MgCl2 sont devenus introuvables sur l’ile.
Le “moustique-tigre” Aedes se développe désormais en Europe du sud, et les cas de chikungunya s’accumulent en Italie et on s’attend à un phénomène identique en France, d’autant que les voyageurs venant de Réunion sont des réservoirs à virus pendant une semaine après le retour.
LA LEISHMANIOSE
Il s’agit d’une maladie parasitaire du sang due à un protozoaire flagellé (Leishmania) transmis par un insecte de type phlébotome. Il s’agit d’une zoonose qui touche le chien et l’homme.
Elle est présente dans les pays tropicaux, mais elle s’étend actuellement sur le pourtour méditerranéen, et en France dans un triangle Menton – Perpignan – Mende.
Chez l’homme, on distingue la leishmaniose cutanée, la plus répandue (“bouton d’orient”) qui correspond à une lésion au niveau de la piqure, le parasite est au fond et doit être traité localement. Et la leishmaniose visérale, beaucoup plus grave, qui comme chez le chien , touche le foie et la rate.
Le chien représente un réservoir naturel de parasites, d’autant que la moitié des chiens touchés le sont de symptômes très discrets. Dans les zones concernées (côte méditerranéenne), il est important de surveiller nos compagnons, et de noter en particulier un éventuel amaigrissement, des lésions cutanées ulcérantes, en particulier sur les ailes de la truffe, et au niveau des coussinets. Les griffes sont anormalement longues, des saignements de nez constituent un symptôme d’alerte.
Le vétérinaire constate généralement une augmentation de volume du foie et de la rate, et des tests sérologiques permettent d’affirmer le diagnostic. Le traitement s’appuie sur des injections de sels d’antimoine, et sur la prise de comprimés d’allopurinol. Traitement efficace, mais long et parfois mal toléré. Un vaccin récent, Canileich, peut également être utilisé en immunothérapie .
La lutte contre les moustiques
A grande échelle, cette lutte passe par une modification de l’environnement, en limitant les gites de ponte: drainage, collecte des eaux usées, élimination des stockages à ciel ouvert.
La lutte biologique passe par la protection des prédateurs (oiseaux, batraciens), ou par l’élevage et le lâchage de toxorhynchites, une autre famille de moustique qui ne piquent pas les vertébrés, mais dont les larves carnivores éradiques les stades larvaires des moustiques vecteurs.
La lutte chimique, par insecticides, a semblé mettre l’homme en vainqueur de la Nature, puis est devenue un exemple typique de son impuissance. Toujours plus de produit, pour encore moins d’effets, le moustique est déclaré vainqueur …
A l’échelle domestique, on évitera de s’exposer le soir (ceci est valable pour les chiens en zone de leishmaniose), on portera des habits clairs, on évitera parfums et aliments riches en arômes (fromages, bière). Il existe des répulsifs naturels (citronelle, mélisse, thym, lavande, géranium, pyrêtre, une astuce de “broussard” consiste à enduire sa peau de salive imprégnée de nicotine.
Les “ondes répulsives” sont inefficaces, en particulier contre le femelles … Les moustiquaires de lit imprégnées d’insecticides constituent actuellement les meilleures protections .
Angelina Viva