Le deuil est une réaction et un sentiment de tristesse éprouvée à la suite de la mort d’un proche. Souvent associé à la souffrance, le deuil est aussi considéré comme un processus nécessaire de délivrance, nommé résilience. Autrefois intégré à une notion de fatalité, le deuil est souvent repoussé dans un cadre scientifique ultime teinté de morale.
Le deuil vient du latin dolus, la douleur. Le deuil est un processus actif, on dit « faire le deuil ». L’individu en deuil peut sembler souffrir d’un état dépressif plus ou moins intense, mais un cheminement intérieur se fait. Selon des étapes qui ont été analysées et décrites par le Dr Elisabeth Kübler-Ross.
Ces étapes s’échelonnent sur un temps différent selon les circonstances, les croyances, les maladies. En voici le tableau.
En tant que vétérinaire, je vis aux cotés de mes clients dans la peine ces différentes phases, auxquelles il faut rajouter un sentiment spécifique: la culpabilité. En effet, les animaux ont cette “chance” de pouvoir être euthanasiés dans des conditions convenables, mais c’est aux maîtres d’en pendre la décision. D’où la culpabilité. Un sentiment terrible, qu’il faut atténuer, voire dissoudre, avec les mots qu’il faut.
Personnellement, je fais écouter à ces gens dans l’incertitude et dans la peine, cette chanson magnifique de Francis Cabrel, elle ouvre l’esprit sur la souffrance de “l’autre” qui va partir.
Mais revenons au deuil pour les humains. La mort, processus naturel lié à la vie, autrefois gérée par la religion (“il, elle a rejoint Dieu là-haut”), a été récupérée par la Science et la Société. Avec désormais un intervenant nouveau et essentiel: le coupable.
Je ne m’en doutais pas, mais c’est lors d’une lecture d’un roman de San Antonio (du fils, Patrice Dard), que cette nouvelle donne sociologique m’est apparue, je vous la livre telle quelle, dans le langage particulier de ce talentueux romancier.
“Faire son deuil, en voilà une tournure inventée par les psys, relayée par les médias, puis monnayée par les avocats. Faire son deuil ! Je voudrais bien qu’on m’explique ce que ça signifie. Ou plus exactement, je crains d’avoir pigé: on fait le deuil d’un être cher le jour où l’on comprend qui est responsable de sa mort. Alors c’est l’assassin, le pervers confondu par son ADN, le toubib qui jouait au golf au lieu de poireauter dans la salle de réa, la vilaine bactérie qu’on a fini par identifier, le chauffard du dimanche avec ses trois grammes douze, l’infirmière qui avait morphiné mémé parce qu’elle n’en pouvait plus de lui changer ses couches, l’Etat qui a laissé planter des antennes bigophoniques hautement cancérigènes, l’instit qui n’a pas empêché le cancre de basculer par la fenêtre, le tremblement de terre qui a bousillé ta famille, l’incendie qui l’a carbonisée, l’inondation qui a emporté tonton, la canicule qui a désséché nos vieux, les froidures qui vont les surgeler, la Senecefe qui a déraillé, Air Franchouille qui s’est planté,..
Faire son deuil ! Découvrir le coupable, celui par qui le drame est arrivé, celui qui donne ou n’empêche pas la mort! Mais il est tout désigné, bordel, ce responsable universel, il s’appelle la Vie! A partir de l’instant où tu te sais mortel, tu n’as qu’à t’en prendre qu’à toi-même. Ou à intenter un procès à tes parents!
Faire son deuil, mon cul ! J’interdis à quiconque de m’imposer ou même de me suggérer la fin d’une souffrance. Les douleurs de mon âme ne sont pas négociables. Maintenant, si faire son deuil, c’est laisser passer le temps, laisser croupir ses ressentiments, vieillir ses sentiments, alors là, oui, peut-être? En attendant, j’attends.
Ces sentences sont tirées de l’ouvrage “Le silence des anneaux”