On a segmenté les mémoires selon leur origine, leur contenu, leur utilité, mais reste à déterminer sur quoi repose cette capacité de savoir et de souvenir. Jean-Paul Tassin, neurobiologiste, avance le concept de “bassin attracteur”.
Le cerveau humain est constitué de milliards de neurones, eux mêmes reliés entre eux par des centaines de milliards de connexions, ou synapses.
A chaque souvenir correspond un réseau de neurones, visuels, auditifs, ou autres, selon le signal enregistré. Pour qu’un souvenir s’imprime, laisse sa trace dans le cerveau, il doit laisser naissance à ce qui peut être nommé un bassin attracteur.
A lire également: comment la mémoire s’est développée au cours de l’Evolution
Par exemple, la première fois qu’un enfant voit une pomme, le fruit active un réseau de neurones essentiellement visuels, codant la forme et la couleur. Puis des neurones codant le goût (apprentissage du goût acide) et la texture sont peu à peu associés au réseau des neurones visuels. Dès lors, à chaque fois qu’il voit une pomme, le même ensemble de neurones s’active. Progressivement, les connexions qui relient ces neurones se renforcent, et ce réseau finit par être associé au concept “pomme”.
Puis d’autres réseaux associés à ce premier réseau “physique” se forment au fur et à mesure que l’enfant découvre d’autres pommes différentes par leur couleur ou leur goût. La majeure partie de ces réseaux intègre aussi des neurones associés aux émotions, par exemple quand l’enfant de fait offrir une part de tarte cuisinée par sa grand mère.
Ainsi, c’est l’entrée répétée d’une même information qui donne naissance à un souvenir. La quantité d’informations n’est limitée que par le nombre de neurones composant le système, et par la qualité de leurs synapses.
Si l’on présente au système une partie quelconque d’un souvenir (exemple, la couleur), il converge vers un état stable qui tend à restituer le souvenir dans sa totalité: chaque souvenir correspond à un état d’énergie minimale. C’est une bassin attracteur qui attire vers un souvenir stocké les informations qui s’y rapportent et les y agrège.
Ce modèle a l’intérêt de rendre compte de deux caractéristiques essentielles du système nerveux central: la propriété de traiter l’information en parallèle, et celle de reconstituer à partir d’éléments épars une information complète.
Ainsi, nous reconnaissons un visage familier , même à distance, de façon quasi instantanée.
Jean-Paul Tassin nous livre une illustration amusante de ce concept de bassin attracteur. Voici un texte à lire de deux manières différentes:
Si vous le lisez au mot à mot en cherchant le sens de chacun de ces mots, vous allez évoquer un sacré charabia !
Inversement, en lecture rapide, on se met à comprendre le sens du texte. C’est que les ensembles de lettres de chaque mot, malgré leur désordre, et parce qu’ils sont associés dans une phrase qui a du sens, ont activé les bons bassins attracteurs. Le mot incorrect active le bassin attracteur correct et la phrase signifiante se révèle: quelques élements d’un tout suffisent à activer le tout.
Les coulisses du cerveau, par Jean-Pol Tassin.
Dans cet ouvrage, Jean-Pol Tassin mêle son parcours personnel et ses recherches pour mener une réflexion sur les bases biologiques de l’inconscient. En analysant ses diverses manifestations, l’auteur en propose un modèle de fonctionnement, enjeu majeur pour mieux comprendre aussi bien les comportements humains que
de nombreuses pathologies.