Connu des médecins comme anesthésique et analgésique mais également des jeunes pour ses effets euphorisants, le protoxyde d’azote, aussi appelé « gaz hilarant », pourrait transformer la façon de traiter la dépression, notamment pour certains patients résistants aux antidépresseurs usuels.
Soigner les personnes dépressives avec du gaz hilarant ? C’est une blague ? Au contraire, c’est du sérieux. Depuis quelques années, plusieurs études à travers le monde ont en effet identifié le protoxyde d’azote comme un potentiel antidépresseur à effet rapide.
Ce gaz incolore de formule N2O, peu coûteux et déjà employé en milieu hospitalier pour ses effets anesthésiants et antidouleur, pourrait changer la donne en matière de prise en charge des personnes dépressives. Car, s’il existe bien des antidépresseurs pour soigner les 5 à 10 % de la population qui souffrent de cette maladie psychique, leurs effets ne se font sentir qu’après quelques semaines, voire plusieurs mois… quand ils sont efficaces. Environ 30 % des patients sont ainsi résistants à toute forme de traitement pharmacologique.
Mais le gaz hilarant manque de crédibilité et souffre d’une mauvaise image, tout particulièrement à cause de son utilisation récréative non dénuée de risques. Afin de valider et de crédibiliser sa prescription dans le traitement de la dépression, le psychiatre Thomas Desmidt du CHU de Tours et ses collègues de l’unité Inserm iBrain ont identifié les mécanismes cérébraux associés aux effets antidépresseurs du N2O grâce à des techniques d’imagerie médicale.
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À ce titre, ils ont réuni un groupe de trente femmes de 25 à 50 ans : vingt avec une dépression résistante et dix volontaires saines. Toutes ont été exposées pendant une heure, sous contrôle médicalisé, à un mélange gazeux contenant autant d’O2 que de N2O. Cette formulation, appelée « mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyde d’azote » (Meopa), est la forme la plus commune d’utilisation du gaz hilarant en milieu médical. Administré par masque, le Meopa est notamment employé pour soulager douleur et anxiété chez les enfants lors de soins. Dans l’étude coordonnée par Thomas Desmidt, l’exposition à ce mélange a permis de réduire nettement les symptômes de 45 % des patientes dépressives sévères. Chez certaines d’entre elles, ces effets ont même duré plusieurs mois. « Ces résultats sont positifs : plusieurs de nos patientes se sont transformées et sont aujourd’hui en rémission », se réjouit le psychiatre, qui rappelle que dans la littérature scientifique les réponses positives au N2O dans la dépression sont de l’ordre de 20 à 40 %, après une seule exposition au produit.