L’apport des plantes amères en dermatologie: pour une amérothérapie ciblée.

La médecine actuelle fait peu de cas de la phytothérapie pour soigner les dermatoses inflammatoires ou proliférantes. Les traitements prescrits reposent sur des molécules de synthèse qui trouvent souvent leurs limites (corticoïdes) ou bien dont le coût ne permet pas une utilisation pour tous.

Plusieurs plantes à saveur amère sont traditionnellement utilisées en lotions, pommades ou autres préparations locales pour traiter diverses maladies de peau. Voici les principales plantes identifiées dans la littérature récente et leur mode d’utilisation :

Bardane (Arctium lappa)

  • Partie utilisée : racine
  • Propriétés : dépurative, diurétique, sudorifique, anti-inflammatoire, antimicrobienne
  • Indications : éruptions cutanées suintantes (acné, eczéma, furonculoses, psoriasis, infections pilo-sébacées)
  • Usage : en application locale sous forme de lotions ou pommades, ou en décoction pour laver les zones atteintes.

Pensée sauvage (Viola tricolor)

  • Partie utilisée : plante entière
  • Propriétés : mucilages, acide salicylique, flavonoïdes ; soulage les démangeaisons et diminue les rougeurs
  • Indications : dermatoses sèches de type eczéma, démangeaisons, rougeurs
  • Usage : en application locale sous forme de cataplasmes ou lotions.

Fumeterre (Fumaria officinalis)

  • Partie utilisée : plante entière
  • Propriétés : acide fumarique, dépurative, anti-inflammatoire
  • Indications : eczéma, psoriasis
  • Usage : en lotion ou cataplasme, parfois intégrée à des préparations pour application cutanée.

Saponaire (Saponaria officinalis)

  • Partie utilisée : racine
  • Propriétés : saponosides, nettoyante, dépurative
  • Indications : problèmes de peau, eczéma, psoriasis
  • Usage : ajoutée à des lotions ou shampoings pour les affections cutanées.

Armoise annuelle (Artemisia annua)

  • Partie utilisée : plante entière
  • Propriétés : anti-inflammatoire, cicatrisante
  • Indications : soins cicatrisants, vergetures, inflammations cutanées
  • Usage : en pommade, appliquée localement sur les zones à traiter.

La gentiane, notamment la gentiane jaune (Gentiana lutea),

 est reconnue depuis longtemps en phytothérapie et en cosmétique pour ses vertus bénéfiques sur la peau. Son usage dermatologique repose sur plusieurs propriétés principales, validées par des études et la tradition médicale.

  • Anti-inflammatoire : L’extrait de gentiane réduit l’inflammation cutanée, atténue les lésions, la rugosité et les croûtes, et limite l’hyperkératose et l’hyperplasie (épaississement et prolifération cellulaire de la peau). Cela est attribué à l’inhibition de la production de cytokines pro-inflammatoires (comme TNF-α, IFN-γ, IL-6, MCP-1).
  • Antioxydant : Grâce à ses flavonoïdes et iridoïdes (notamment le gentiopicroside), la gentiane neutralise les radicaux libres, protège les cellules cutanées du stress oxydatif et ralentit le vieillissement cutané.
  • Antibactérien : Elle a démontré une efficacité contre certaines bactéries responsables d’infections cutanées, comme Streptococcus pyogenes.
  • Cicatrisant et régénérant : La gentiane favorise la résorption des cicatrices, stimule la régénération cellulaire et améliore la réparation de la barrière cutanée.
  • Drainant et décongestionnant : Elle aide à réduire les œdèmes (gonflements) et les rougeurs, notamment autour des yeux, en stimulant la microcirculation et la lymphangiogenèse.

Autres plantes amères ou dépuratives utilisées localement

  • Ortie (Urtica dioica) : régule le sébum, réduit l’acné et l’eczéma, utilisée en lotion ou cataplasme.
  • Consoude (Symphytum officinalis) : cicatrisante, anti-inflammatoire, utilisée en pommade ou cataplasme.
  • Calendula (Souci officinal, Calendula officinalis) : apaisant, anti-inflammatoire, utilisé en macérât huileux, crème ou lotion pour eczéma et irritations.
  • Reine des prés (Filipendula ulmaria). Les sommités fleuries sont anti-inflammatoires (véritable  “aspirine végétale”) par voie générale, les racines sont astringentes et vulnéraires (soignent les plaies), mais aussi détersives.

Ces plantes sous diverses formulations (feuilles, fleurs, racines) et présentations galéniques (pommades, lotions, etc), sont utilisées selon des savoirs ancestraux, constatés et confirmés au cours des siècles. Mais sans trop savoir précisément quelles molécules sont à l’ouvrage, et sur quelles capacités de l’organisme malade elles agissent.

Si la Science s’est intéressée très tôt aux molécules actives issues des plantes (même encore aujourd’hui, plus de la moitié des remèdes courants sont issus de ces savoirs, mais le plus souvent re-créés par synthèse chimique), elle a laissé de côté les substances amères, dont les sensations en bouche sont des obstacles majeurs à leur prescription. 

On a fait plus de recherches pour “désamériser” des substances (remèdes, mais aussi aliments, comme les radis, les endives ou les artichauts…), que pour comprendre comment agissent ces mêmes substances.

Et puis avec la connaissance croissante des récepteurs gustatifs, que nous avons en bouche ces vingt dernières années, on a identifié dans nos papilles buccales un certain nombre de molécules appelées TAS2R, qui savent reconnaître tel ou tel type d’amer, et déclencher une action biologique (goût, dégoût), mais aussi actions nerveuses en particulier via le système para-sympathique.

Puis, mieux encore, on a recherché, puis trouvé ces récepteurs d’amertume TAS2R dans tout le corps: dans les bronches et les poumons, tout au long de l’appareil digestif y compris ses glandes, dans la vessie, le cerveau … et ce qui nous concerne ici, dans la peau, derme et épiderme compris. 

Ainsi, dans tout notre organisme, des récepteurs TAS2R sont disponibles pour réagir à la présence de substances amères. Mais quelles substances amères, et pour quelles réactions physiologiques ou thérapeutiques ?

Au niveau de la peau et des muqueuses, les récepteurs TAS2R sont au rendez-vous.

De nombreuses affections cutanées reposent sur une migration et une prolifération de cellules immunitaires au niveau cutané. D’origine allergique (hypersensibilités, eczémas de contact),  infectieuse (staphylococcies chroniques), ou génétique (atopies), ces inflammations sont entretenues par la production locale de substances irritantes, comme le TNF, les leucotriènes, ou l’histamine.“

Par exemple, la dermatite atopique (DA) est la maladie inflammatoire chronique de la peau la plus courante, caractérisée par une peau sensible et sèche et des lésions eczémateuses qui provoquent généralement de fortes démangeaisons. De plus en plus de preuves indiquent que les lymphocytes T infiltrant la peau, en particulier les lymphocytes T auxiliaires 2 (Th2), jouent un rôle essentiel lors de l’initiation et du maintien de cette affection.

Les corticoïdes obtiennent des effets immédiats mais qui s’estompent à long terme et entraînent des effets indésirables sur plusieurs fonctions (digestive, rénale, métabolique…).

De nombreuses études ont montré que ces cellules immunitaires (lymphocytes, mastocytes,voir plus haut) présentent des récepteurs TAS2R qui, sollicités par des ligands amers, cessent leur migration et leur production de substances irritantes. On a alors un soulagement progressif  des irritations cutanées.

On a attribué des numéros aux récepteurs TAS2R, pour les identifier et les classer selon leur présence dans un tissu, et selon leur affinité pour telle ou telle substance amère.                                                                                Les récepteurs TAS2R (bitter taste receptors) sont bien exprimés dans la peau humaine, où ils jouent des rôles défensifs et régulateurs au sein des kératinocytes, fibroblastes et cellules immunitaires cutanées. Leur activation par des substances amères déclenche des signaux de défense, de détoxification et d’immunomodulation.

Les récepteurs TAS2R dans les kératinocytes

Les kératinocytes expriment une large gamme de gènes TAS2R, notamment TAS2R1, TAS2R3, TAS2R4, TAS2R5, TAS2R8, TAS2R9, TAS2R14, TAS2R30, TAS2R38, TAS2R42, TAS2R60 et dans certains cas TAS2R31.​
Les récepteurs les mieux caractérisés sont :

  • TAS2R14 : activé par des extraits végétaux de gentiane, thé, fenouil, ou quinquina, permet la détection et la libération de composés chimiques potentiellement toxiques.​
  • TAS2R38 : activé par des substances telles que le houblon, la valériane  augmentant la production du transporteur ABCB1, un mécanisme de détoxification cellulaire.​

Ces récepteurs confèrent donc aux kératinocytes une capacité sensorielle chimique et défensive, contribuant à l’élimination des substances toxiques et à la protection contre les agents extérieurs.

Expression dans les fibroblastes

Les fibroblastes cutanés expriment également certains TAS2R, notamment TAS2R16, dont l’activation par des agonistes amers comme la salicine (reine de prés), réduit l’expression des cytokines inflammatoires induites par le LPS (effet anti-inflammatoire).​
Cela suggère un rôle modulateur sur l’inflammation du derme et la cicatrisation.

Récepteurs TAS2R dans les cellules immunitaires de la peau

Les cellules immunitaires sont souvent présentes dans des situations pathologiques (infections, allergies, auto-immunité), et elles possèdent des récepteurs qui les rendent  sensibles à certains composés amers.

Les mastocytes (récepteurs TAS2R  4, 5, 10, 14, 19 et 46), sensibles à la gentiane, la quinine, le fumeterre, pour une modulation de leur action  anti‑inflammatoire fonctionnelle: inhibition de la synthèse de TNF‑α et d’autres médiateurs; effets sur la dégranulation variables selon l’agoniste.

les neutrophiles infiltrants sont sensibles via TAS2R 16 (agonistes: gentiane, angélique, salicyline) avec une forte diminution de leur migration. 

les monocytes et macrophages sont sensibles à TAS2R 4,14, et surtout 46 (agonistes: quinine, gentiane, fenouil, fumeterre, reine des prés), avec pour effets une protection contre le stress oxydant, le maintien/renforcement de fonctions antimicrobiennes, la modulation de la signalisation inflammatoire

Les effets physiologiques constatés:

Protection cellulaire :

  • Activation des mécanismes de détoxication via l’excrétion accrue de substances nocives (ex. : antihistaminiques toxiques).
  • Amélioration de la survie des kératinocytes exposés à des agents toxiques (+50% de taux de survie dans certaines études)1.

Régulation immunitaire et anti-inflammatoire :

  • Dans les macrophages, stimulation d’une réponse anti-inflammatoire..
  • Inhibition de la migration des lymphocytes T et réduction de la production de médiateurs pro-inflammatoires (ex. : TNF, histamine) dans les dermatites.

Réparation tissulaire :

  • Activation des kératinocytes favorisant la cicatrisation et le renforcement de la barrière cutanée contre les pathogènes.
  • Modulation du métabolisme cutané via des interactions avec les récepteurs au sucré (ex. : tissu adipeux)4.

Il est à noter que ces deux effets principaux (fléchissement de la migration des cellules immunitaires, et arrêt de leur production de substances irritantes), sont précisément les effets recherchés par l’utilisation des corticoïdes, donc à effet égal, sans les effets secondaires.

Les substances amères qui ont été testées en laboratoire comprennent un grand nombre de familles chimiques, essentiellement d’origine végétale, plus quelques molécules de synthèse comme le dénatonium qui est terriblement actif sur quasiment tous les TAS2R, et qu’on réserve pour amériser des produits et en empêcher la prise alimentaire (ex: enduire des troncs de jeunes arbres contre le broutage des moutons).

Et c’est ainsi que parmi les substances amères repérées pour leur action sur les récepteurs de la peau et des muqueuses, nous allons retrouver une partie de celles indiquées plus haut comme “traditionnellement utilisées” pour soigner des dermatoses ou dermites. Sans surprise, nous y retrouvons le thé vert, le houblon, la gentiane, la reine des prés ou encore le quinquina ou le fenouil. Un amer un peu particulier (la stévia) a un rôle secondaire d’’édulcorant non sucré qui “arrondit” la sensation d’amertume des tisanes ou autres élixirs.

Mais grâce à la connaissance des types de TAS2R cutanés, et des toutes les études et essais thérapeutiques engagées à ce jour, nous dirons “qu’on peut faire mieux”

On peut désormais attribuer à chaque type de récepteur, dont on connaît la localisation et les effets physiologiques, un type de substance amère bien identifié, disponible de manière fiable, et inscrit dans la liste autorisée des “compléments alimentaires”, même si on les fera agir localement sous forme de lotion ou de pommade.

Par exemple, le TAS2R 14, omniprésent dans la peau et très actif lorsqu’il est sollicité, est très sensible à la quinine (extraite … du quinquina rouge), à l’épicatéchine (extraite du thé noir), à la caféine, et aussi de l’humolone (extraite du houblon).

Et ainsi de suite pour la petite dizaine  de récepteurs cutanés. 

Et au total, on s’aperçoit que l’on peut solliciter efficacement l’ensemble de ces récepteurs avec un nombre limité de substances amères, puisque leurs affinités se recoupent d’un récepteur à l’autre.

Ces substances amères, nous les avons sélectionnées pour leur efficacité, pour leur innocuité, pour leur disponibilité et pour leur prix abordable.

la compresse chaude de nos grand-mères

Dermites suintantes, eczémas, rougeurs , toutes ces affections qui démangent que l’on soigne actuellement par des crèmes ou lotions corticoïdes, étaient soignées souvent avec efficacité, par nos grand-mères, avec tout simplement … des sachets de thé vert mis à infuser pendant une dizaine de minutes, et appliqués plusieurs fois par jour sur les zones à soigner. Les amers (caféine, épicatéchine) anti-inflammatoires , et les tannins cicatrisants jouent leur rôle à la longue, sans effet secondaire . Et puis sont arrivés les corticoïdes qui soulagent sans guérir, mais tellement plus pratiques!                                                                                    Certains naturopathes préconisent d’ailleurs des “bains de thé”  (20 grammes de thé en infusion longue, versé dans la baignoire, avec une friction énergique de tout le corps … Là encore, merci les amers …)

L’élixir des sept amers 

Nous allons les détailler ici, déjà à titre de transparence, mais également pour une parution effective et datée, ce qui empêchera des labos de reprendre et breveter cette formule et se l’approprier …

1- le gentiane (racines, voir plus haut), Ses racines séchées contiennent un glycoside particulièrement actif, l’amarogentine, qui au delà de ses effets bien connus sur la digestion, possède une efficacité appréciable sur les inflammations cutanées, tout en apportant des effets anti-infectieux et cicatrisants.L’amarogentine cible des récepteurs TAS2R de type 1,4,10, 30 et 38 présents dans le derme et l’épiderme.

2- le houblon (cônes floraux): connu pour “amériser” les bières de caractère, le houblon contient deux acides  appelés humolone, et lupolone, très amers, et très actifs sur les récepteurs TAS2R de type 1, 14, 38, et 48 avec des effets anti-inflammatoires et antiseptiques.

3- Le quinquina (écorce et racines) est utilisé depuis des siècles comme amer anti-infectieux, en particulier contre le paludisme. Il contient effectivement des alcaloïdes de la famille des quinines qui ont une action puissante au niveau de la peau sur les récepteurs TAS2R de type 4,10,14,et 46.

4 – Le thé vert (feuilles) contient selon son origine et sa préparation, des polyphénols anti-oxydants, des alcaloïdes (caféine, théophylline) et des flavonoîdes (catéchines, épicatéchines), autant de substances amères très actives sur un grand nombre de récepteurs du corps. Concernant la peau, les cibles sont les TAS2R de type 4,10, 14, et 46.

5 – Le fenouil se trouve dans la formulation de l’élixir essentiellement pour ses effets digestifs (salivation, production enzymatique et modulation du transit) et respiratoires (relaxation des muscles bronchiques), et non pas pour des effets sur la peau.

6La reine de prés  (fleurs) contient en quantités des tanins et des flavonoïdes, ainsi que de la salicyline (une aspirine naturelle), ce qui apporte des effets anti-inflammatoires,et cicatrisants, ceci dans un cadre de phytothérapie stricte, sans action particulière sur les récepteurs TAS2R  cutanés.

7- le fumeterre (fleur entière) n’est que modérément amère, mais dans cet élixir, elle agira également en phytothérapie traditionnelle, comme anti-inflammatoire et adoucissante, en particulier en cas d’eczéma ou de psoriasis.

En résumé, cinq plantes résolument amères, qui agissent sur l’ensemble des récepteurs d’amertume de la peau et deux plantes amères accessoires, dont on profite des effets en phytothérapie traditionnelle. Avec le petit rajout de stévia qui permet une prise en bouche confortable.

Ces composés amers se retrouvent dans deux produits destinés à soulager les inflammations cutanées, en particulier les affections chroniques ou rémanentes:

  • l’élixir (préparé en “do it yourself”) sous forme d’une tisane concentrée. Sont fournies des infusettes contenant 10 grammes du mélange ci-contre, Avec un mode de préparation assez simple: infusion à froid dans du vin blanc sec (deux jours), puis décoction en deux phases, ébullition puis feu doux pendant trois heures. On obtient un demi litre  de concentré d’amers, c’est l’élixir. La tisane concentrée sert de base pour préparer:
  • l’élixir d’amérisation des aliments.
  • le bain de bouche (avec adjonction de bicarbonate de soude)
  • la lotion de friction du cuir chevelu (avec adjonction de vinaigre de cidre).

le savon surgras préparé par nos soins, proposé surtout dans les cas de psoriasis

Un exemple (ici, psoriasis chronique rebelle aux traitements). Evolution sur deux mois avec le savon et la lotion, en utilisation quotidienne.

Notre site internet: theraps.fr

Contact: gauchet31@gmail.com


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admin1402

Vétérinaire à Toulouse, je gère bénévolement ce blog suite à l'arrêt de parution du journal "paper" Effervesciences" survenue durant la crise covid. Désormais, les infos sont en ligne, gratuietement.