La “platisphère” océanique a développé son propre biotope.

Cette accumulation de déchets plastiques masque l’apparition d’un écosystème bactérien porteur d’espoirs (dégradation des hydrocarbures) mais aussi de craintes (extension mondiale de bactéries pathogènes). Pour l’instant, on ne peut qu’observer.


Cycle (???) des déchets plastiques dans les océans

La plastisphère est un terme utilisé pour désigner les écosystèmes constitués en grande partie de composants plastiques créés par l’homme, principalement les vortex de déchets présents dans les gyres océaniques.

Ces déchets plastiques de nature hydrophobe stimulent la formation rapide de biofilms qui suscitent un large éventail d’activités métaboliques et entraînent la succession d’autres micro-et macro-organismes . On a identifié plus de 1000 espèces d’algues, de bactéries et de mycètes, y compris des membres du genre vibrio, bactéries responsables du choléra. En profondeur, certains de ces micro-organismes sont luminescents: ils attirent les poissons qui, leurrés, avalent des microplastiques.

Contrairement aux substances biologiques (algues, plumes, excréments, cadavres d’animaux) dont la lyse est très rapide, les microplastiques constituent une surface flottante durable et très propice à la constitution de biofilms, des abris pour bactéries pouvant alors se transporter à distance sur toute la terre. Par ailleurs, comme le plastique est décomposé en fragments minuscules et éventuellement en microplastiques, il est également consommé par le plancton, et de fait entre dans la chaîne alimentaire et consommé par l’homme.

Macro ou microplastiques? En tous cas un nid à micro-organismes en constante évolution.

Les microbes attachés aux plastiques sont une communauté biologique distincte avec des caractéristiques physiques et chimiques différentes de celles des microbes libres. Les microbes profitent vraiment d’être à la surface des plastiques – ils sont très opportunistes. Lorsqu’elles n’ont pas de substrat disponible, elles restent longtemps à l’état dormant. Mais quand ils trouvent un substrat comme le plastique, ils accélèrent leur développement. En mer Méditerranée, on a identifié beaucoup de cyanobactéries benthiques sur les plastiques. Ces cyanobactéries sont filamenteuses et vivent souvent dans les profondeurs. Elles ont la capacité de s’adapter à des environnements très différents et peuvent s’adapter à différentes concentrations de nutriments car capables de fixer l’azote.

Biofilm et bactéries sur un substrat plastique.

Le système plastisphère abrite des espèces microbiennes toxiques. On retrouve de ces plastiques dans les huîtres et les moules , avec un transfert est direct lorsque vous mangez de ces mollusques filtreurs.

Une autre menace est que d’autres filtreurs (poissons qui mangent en filtrant de petits organismes comme le krill de l’eau de mer) confondent le plastique mince avec le plancton – si vous êtes un poisson, vous ne pouvez pas les séparer. Avec l’ingestion de plastique, le poisson sera affamé et la chaîne alimentaire sera affectée. Tout est connecté.

Plus tôt cette année, des chercheurs allemands ont rapporté que les bactéries vivant sur les microplastiques ont des taux d’échange de gènes anormalement élevés, ce qui peut entraîner une résistance aux antibiotiques. Comment cela pourrait-il affecter le reste de l’écosystème? Ils ont inoculé le plastique et réalisé une sorte de mutation pour adapter les microbes à un nouvel environnement. C’est généralement un processus d’adaptation très long, mais ils montrent que cela peut se produire très rapidement sur le plastique, car il existe de nombreux groupes de bactéries différents.

Cela pourra être nocif pour la santé humaine. Si vous êtes au Bangladesh, par exemple, et que ces plastiques arrivent sur le fleuve, vous pourriez avoir une situation épidémique, car les bactéries s’adaptent très vite.

Biodégradable, est ce un progrès ?

Oui, pour les déchets sur terre, ils dispaissent de nos yeux et sont consommés par une faune souterraine. Mais en mer, c’est différent, ils ont le temps de servir de supports-biofims sur plusieurs semaines, temps suffisant pour le développement et l’évolution de colonies bactériennes au plus près des côtes, lesquelles accueillent désormais 70% des populations humaines.

D’où l’intérêt immédiat de draguer en permanence les macroplastiques en benthiques avant qu’ils ne se dégradent et entretiennt la platisphère.

SOURCE QUANTA MAGAZINE

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