Les mystères du lit incliné.

Avec deux annuaires du téléphone pour relever la tête de lit, votre physiologie nocturne prend un coup de légèreté. Oui, mais pourquoi ? Ce principe n’est pas nouveau, mais n’a pas été revendiqué, ni par des médecins, ni par des doctes hygiénistes dont pourtant l’Histoire est jalonnée. Il a fallu la curiosité et l’entêtement d’un ingénieur anglais, pour démontrer la valeur médicale, ou tout au moins les vertus curatives de ce procédé simplissime.

On ne peut plus simple ….

Précision liminaire: le « lit incliné » prend le contrepied des protocoles prescrits par notre médecine : on nous dit en effet : « pour soulager la circulation, dormez avec les pieds en l’air », ce qui a d’ailleurs un effets de soulagement, c’est vrai, mais qui ne dure que quelques heures. Lisez la suite de cet article….

C’est un ingénieur anglais, Andrew Fletcher, pas du tout médecin, même pas biologiste, mais observateur des choses et curieux de nature, qui a démarré une réflexion sur la circulation des liquides (les sèves) dans une plante.

Petit retour en physiologie végétale : tant qu’elles vivaient dans l’eau (algues, mousses), les plantes n’avaient pas de problème de circulation entre les cellules : très peu de parois rigides, quelques pores membranaires, et les cellules échangent leurs contenus nutritifs.

Sur terre, c’est différent, la plante doit aller au devant du soleil, et des tissus différents se partagent les rôles : il faut canaliser les flux, plus exactement deux flux :

  • le flux de la sève montante, qui provient de l’absorption de l’eau du sol par les racines, avec les sels minéraux.
  • Le flux de la sève descendante, qui provient des feuilles et qui est chargée des produits de la photosynthèse, en particulier des sucres. A partir de cette sève dite élaborée, chaque cellule végétale de la plante produira ce pourquoi elle est destinée (des matériaux comme la lignine, des réserves énergétiques comme l’amidon, des protéines, des huiles, etc).

La sève ascendante (sève brute) monte le long de canalicules qui sont des cellules mortes, comme des pailles … et ce qui l’aspire vers le haut, c’est le phénomène de transpiration foliaire : de par le rayonnement solaire, l’eau des feuilles passe à l’état gazeux, ce qui crée une différence de « potentiel hydrique » entre le sol et les feuilles : la plante perd son eau dans l’atmosphère, et c’est ainsi qu’une forêt d’un hectare évapore pour 3000 tonnes d’eau par an … Autre phénomène induit : la plante se refroidit, ce qui lui permet de supporter sans surchauffe l’intensité du rayonnement solaire subi du fait de son immobilité.

Cette montée de sève se produit via un circuit ligneux modifié pour « céder le passage », le xylème, situé au centre de la tige ou du tronc.

La sève élaborée, elle,  circule en retour dans un tissu vivant périphérique, juste sous l’écorce, c’est le phloème : un arbre est un fin manchon de tissus vivants reposant sur une base de tissus morts.

Voilà ce qu’a compris Andrew Fletcher : chez les plantes, la station verticale est favorable au mouvement des fluides. Aussi, qu’en est-il pour nous, qui sommes dressés le jour et allongés la nuit ?

Pour Fletcher, la relation est évidente : comme pour les plantes, notre respiration avec perte d’eau se situe « en haut » du corps, au niveau thoracique, et elle crée un appel naturel des fluides pour l’ensemble du corps.

Les apports hydriques, eux, proviennent de l’intestin, donc l’équivalent des racines (tiens, c’est pas bête, cette comparaison, et les deux fonctionnent grâce à l’action des bactéries saprophytes…).

A l’inverse, le sang au sortir des poumons est plus concentré (comme la sève élaborée) et va redescendre par gravité dans l’ensemble des tissus.

Un grand oublié dans cette réflexion : le cœur.

Ben oui, quand même, nous sommes des individus mobiles, dépensiers en énergie, nous n’avons qu’un liquide nourricier, le sang, il lui faut une circulation extrêmement active et précise, vive le cœur ! D’ailleurs, même chez le fœtus qui est immobile, le cœur est actif dès les premiers jours !

Fletcher n’en disconvient pas : oui, le cœur est indispensable le jour, mais lors du relâchement nocturne, il faut justement le mettre au repos et profiter à la fois de « l’appel respiratoire » et de la gravité pour aider à la circulation du sang.

Et pour cela, il présente un schéma bien renseigné sur notre système circulatoire, on y retrouve les principes de la physiologie végétale.

Déduction logique de Fletcher : notre position allongée à l’horizontale dans le lit ne correspond pas aux vrais besoins physiologiques, elle peut même expliquer certaines pathologies.

Il est d’ailleurs conforté dans cette démarche par des recherches historiques : oui, les Egyptiens, ou tout au moins l’élite de ce peuple, utilisaient des lits inclinés avec une barre d’appui pour les pieds. Oui, on peut retrouver des illustrations datant du moyen-âge, de malades qu’on laisse reposer sur des couches inclinées.

Et Fletcher de confectionner un lit incliné, de s’y coucher chaque nuit avec différents angles d’inclinaison, et de ressentir en lui impressions et soulagements…

Il remarque d’entrée le défaut majeur du procédé : avec une pente même minime, le corps a tendance à glisser vers le bas du lit, les pieds en avant : il faut donc installer une tablette sur laquelle les pieds vont pouvoir s’appuyer : on retrouve ici le modèle égyptien. Et la ressemblance d’ailleurs va plus loin, car Fletcher estime que la pente idéale est de 5° (soit un relevé de 15 cm pour le haut du lit), c’est précisément le chiffre constaté sur les lits égyptiens des musées. C’est la pente où les effets physiologiques  sont tangibles, alors que la gêne due au glissement est tolérable.

Mieux, Fletcher passe des annonces dans le journal local pour recruter des volontaires, en bonne santé ou malades, à tester son lit. Et comme internet prend de l’ampleur, il lance le mouvement pour de bon avec son site inclinedbedtherapy.com.

Avec un protocole de soins aussi peu contraignant, c’est par centaines que des internautes sautent le pas, bidouillent différents sortent de lits, observent les effets et les partagent sur le site ou dans des forums spécialisés.

Des entreprises de literie y voient un marché intéressant, et des lits inclinés sont désormais disponibles dans de nombreux pays, aussi bien pour les adultes que pour les jeunes enfants.

Des bénéfices physiologiques multiples

Fletcher a sur son site réuni de nombreux témoignages dans lesquels il faut faire du tri. Par ailleurs, des forums de patients évoquent régulièrement les ressentis ou les résultats de « volontaires » du monde entier.

Ce qu’il apparaît, c’est que des soulagements, voire des guérisons (??) tangibles sont légion, dans des domaines circulatoires où la médecine académique patauge généralement :

  • les varices et les oedèmes déclives. Ce domaine est intéressant car le « lit incliné » prend le contrepied des protocoles prescrits par notre médecine : on nous dit en effet : « pour soulager la circulation, dormez avec les pieds en l’air », ce qui a d’ailleurs un effets de soulagement, c’est vrai. Mais dès que le patient revient à la station debout, la masse hydrique qui était remontée redescend « prendre sa place » et le gonflement de membres réapparaît, malgré les « bas de contention qui ont quand même leur rôle à jouer.

Avec le lit incliné, on assiste graduellement à une atténuation de la tension veineuse, avec donc des varices qui se font discrètes, et une réelle diminution, jour et nuit, du volume des oedèmes des jambes. On a ainsi un phénomène actif et durable, qui repose sur le fait que durant la nuit, la dépression veineuse contribue (phénomène à la fois de pression et d’osmose) à intérioriser dans le circuit veineux des masses hydriques encombrantes, en quelque sorte un drainage du marais conjonctif.

  • Les rétentions hydriques généralisées. Si les oedèmes déclives  des jambes reposent sur un mauvais retour veineux, il existe des affections diverses dans lesquelles un symptôme important est une infiltration généralisée des conjonctifs des jambes, des bras, mais aussi de l’abdomen, du cou et jusqu’aux poumons. C’est le cas des personnes clouées au lit, c’est le cas des insuffisants cardiaques ou rénaux, c’est le cas des personnes au foie enflammé (cirrhoses , viroses ou cancers), c’est aussi le cas de personnes traitées à long terme par les corticoïdes.

Le lit incliné permet des améliorations parfois spectaculaires, avec une reprise de diurèse chez des insuffisants rénaux et une élimination graduelle du trop plein hydrique, ce qui libère de leur gangue spongieuse des organes jusque là noyés et asphyxiés. Il s’ensuit une amélioration dans des domaines très variés, tels que des ronflements, des maux de dos, des mictions nocturnes, des douleurs articulaires, ainsi qu’une baisse de poids  conséquente.

  • Les migraines sont les affections neurologiques dont les améliorations sont les plus facilement observables. Les effets sont  constatés en quelques jours en accompagnement d’un meilleur sommeil et d’une diminution de stress ou de l’anxiété.
  • Des affections cutanées, en particulier des psoriasis, sont régulièrement cités comme soulagés ou réduits dans leur intensité en peu de temps après la mise en place du lit incliné.
  • Les décalcifications, en particulier chez les personnes âgées et alitées, sont enrayées, sans doute du fait de l’appui des pieds sur la planche de bas de lit qui agit par effet piezo-électrique…

Parmi les observations et témoignages récoltés par Fletcher et ses apôtres, il en est qui ont moins de valeur, car émanant de malades en cours de traitements, il est difficile de faire la part des choses. Sont ainsi régulièrement citées des soulagements pour des personnes en chimiothérapie (migraines et oedèmes gommés), pour des malades de Parkinson ou de sclérose en plaque, pour des déficits de l’attention chez des enfants….

Et si on parlait système lymphatique ?

Accaparé par son parallélisme de la circulation des sèves / circulation des sangs,

 Fletcher a tout de même pris en compte l’action du cœur, mais il a quelque peu négligé un intervenant pourtant essentiel : le système lymphatique.

En complément du circuit sanguin, l’ensemble des tissus est drainé par un réseau collecteur dont le courant circule en sens unique, le système lymphatique. Ce système a une triple fonction :

  • au niveau intestinal, il récupère les produits de digestion de la famille des lipides, qui ne peuvent se mélanger au sang veineux comme les sucres ou les protéines.
  • Il draine les déchets métaboliques de l’ensemble des tissus  conjonctifs, jusqu’au plus profond des organes, jouant ainsi un rôle de rein disséminé…
  • Il  draine également les « intrus » bactériens des tissus et leur impose un contact ténu avec des cellules immunitaires (lymphocytes, macrophages) qui les éliminent localement au sein de ganglions lymphatiques encapsulés, de forme ovale. Chaque ganglion présente des extensions de la capsule, qui abritent des centres germinaux où s’accumulent les cellules immunitaires. Ce sont également ces ganglions qui piègent les cellules cancéreuses métastatiques échappées de tumeurs, qui pourront ou non être détruites par les macrophages, ou bien s’échapper encore et poursuivre leur trajet dans l’organisme.

Les vaisseaux lymphatiques sont équipés d’une succession de valves, ce qui permet à la lymphe d’entrer dans le vaisseau, mais pas de refluer. Les capillaires tissulaires grossissent de proche en proche pour donner des vaisseaux, eux mêmes régulièrement agencés en ganglions, et l’ensemble des vaisseaux se réunissent près du cœur pour déverser leur contenu dans les veines sous-clavières qui s’abouchent directement au cœur.

Trois remarques :

  • à la différence du système cardio-vasculaire, le système lymphatique ne dispose pas d’une pompe centrale, le transport de la lymphe étant assuré grâce au péristaltisme de petits muscles lisses, à l’efficacité des valvules, et à la contraction (pression) des muscles adjacents.
  • L’ensemble de la lymphe (dont le chyle intestinal) évite de passer par le foie, contrairement au sang veineux apporté par la veine porte.
  • Deux « ganglions » particuliers, la rate et le thymus, on un rôle dans la maturation et la gestion des cellules immunitaires.

Et si on revenait à notre lit incliné ?

Les succès les plus flagrants concernent les oedèmes  et les varices. Ces pathologies sont nécessairement liées au système lymphatique, qui au niveau des jambes est quasiment accolé au système veineux.

Ces pathologies sont d’ailleurs traitées par un «drainage lymphatique » plus efficace que les médicaments à objectif purement veineux.

Le lit incliné impose une pression du conjonctif supérieure à celle qui prévaut dans les vaisseaux lymphatiques : le flux hydrique a donc tendance à rejoindre la lymphe.

Et ceci d’autant mieux que les pieds s’appuient sur la planche au fond du lit, ce qui entraine une tension musculaire : on a ainsi un drainage lymphatique naturel et efficace.

Autre élément non abordé par Fletcher : le repos intestinal nocturne : le tarissement du chyle digestif  permet une bien meilleure efficacité de la circulation lymphatique … à la condition d’une frugalité lors du diner.

Autres pathologies où le lit incliné est réellement efficace : les sinusites, céphalées et autres migraines, autant d’inflammations en relation avec le liquide céphalo-rachidien.

Notre cerveau baigne dans le liquide céphalo-rachidien (LCR), dont la composition est très proche de celle du plasma, avec nettement moins de protéines. Ce LCR est secrété à partir de zones très vascularisées, les plexus choroïdes, au rythme d’environ 500 ml par jour. Ce liquide se répand tout autour du cerveau (réalisant un « pare-chocs liquide efficace) et s’insinue dans la moelle épinière jusqu’aux lombaires (c’est là qu’on peut en faire un prélèvement pour analyses). Le LCR « s’échappe » du cerveau par des abouchement s au système lymphatique (voir schéma : Courtoisie JL Thomas, L Jacob, L Boisserand et la revue Medecine Sciences volume 35, n°1)

Ce LCR a donc un rôle multiple de protection et de drainage  (on l’appelle le « système glymphatique ») des tous les éléments inutiles ou encombrants du tissu nerveux, lequel pour 2% du poids du corps, compte pour 25% de notre métabolisme !

A l’intérieur du cerveau, le LCR remplit des cavités, les ventricules, exerçant ainsi une tension interne dans l’encéphale. Qui dit tension dit aussi hypertension : une hyperproduction ou  une mauvaise circulation du LCR  sont sources de pathologies.

La circulation du LCR est accélérée durant le sommeil, lorsque la taille des neurones et des astrocytes diminue et que l’espace interstitiel augmente (de 50% environ). C’est le moment de la « grande purge » du cerveau. A l’inverse, si troubles du sommeil ou stress cérébral, on aura une hypertension du LCR avec ses pathologies associées.

On comprend que la situation déclive qui améliore la circulation générale de la lymphe, ait une action d’évacuation du LCR avec toutes les substances inflammatoires associées, et une diminution de la pression, soit un soulagement de l’encéphale et des sinus.

Fletcher a fait une belle trouvaille, malheureusement totalement ignorée par la médecine conventionnelle.

Il n’a pas su l’expliquer, s’est limité à des intuitions pas vraiment convaincantes.

Nous apportons ici des réflexions très actuelles (la découverte du système glymphatique n’a que deux ans !) qui demandent à être fouillées.

En attendant, trouvez vous deux vieux annuaires du téléphone, négociez au mieux avec votre compagne ou compagnon des nuits, et en route pour des nuits inclinées !

Jean-Yves Gauchet