Quand les cahiers de parchemins remplacèrent les rouleaux de papyrus. Pour une lecture bien plus simple, et plus abordable. Un grand pas en avant pour le partage des connaissances.
Un codex est un cahier formé de pages manuscrites reliées ensemble en forme de livre. Cet ancêtre du livre moderne s’est répandu dans le monde romain à partir du premier siècle, pour progressivement remplacer le rouleau de papyrus (le volumen) grâce à son faible encombrement, son coût modéré, sa maniabilité et la possibilité qu’il offre d’accéder directement à n’importe quelle partie du texte. En s’imposant définitivement au 5ème siècle, le codex constitue un changement de paradigme dans l’histoire du livre en modifiant la forme même du support de lecture tout en reprogramant les gestes et les usages entourant la pratique.
L’utilisation du codex en tant que document officiel est attestée à la mort d’Auguste. Un an avant celle-ci, il avait déposé auprès des vestales quatre documents devant être lus au Sénat après sa disparition : testament, consignes funéraires et état de l’Empire pour les trois premiers, le contenu du quatrième étant discuté. Le tout était composé de deux codices (les testaments) et de trois volumina.
Par la suite, le codex sera adopté par les premiers chrétiens pour faire circuler les textes sacrés. Ce format — alors inhabituel pour des livres — permettait en effet de différencier le texte des évangiles des volumina ainsi que des rouleaux sur lesquels les juifs écrivaient la Tora. D’autre part, le format codex est plus compact et plus économique, car il permet l’écriture des deux côtés de la feuille. Enfin, étant plus petit que le rouleau, il peut être plus facilement transporté par les évangélisateurs chrétiens.
Même si le rouleau de papyrus était depuis très longtemps le livre par excellence, il sera progressivement remplacé par le codex. Cela n’a pas été sans heurts, car les ouvrages en format codex manquaient du prestige attaché au support traditionnel du savoir qu’était le volumen, et n’étaient pas considérés comme de vrais livres.
Le remplacement du rouleau par le codex aura des conséquences majeures sur l’organisation du livre ainsi que sur la façon de lire, et il permettra le développement ultérieur de l’imprimerie. La principale révolution introduite par le codex est la notion de page. Avec le codex, le lecteur peut accéder de manière directe à un chapitre ou à un passage du texte, alors que le rouleau impose une lecture continue. Cette révolution est majeure. Il faudra vingt siècles pour qu’on se rende compte que l’importance primordiale du codex pour notre civilisation a été de permettre la lecture sélective et non pas continue, contribuant ainsi à l’élaboration de structures mentales où le texte est dissocié de la parole et de son rythme.