Les lianes sont des végétaux qui se sont spécialisés pour grimper le long de stuctures rigides (troncs, parois rocheuses). Produisant peu de lignine, elles sont très vivaces et capables de développement très rapides, parfois exubérants. Et l’Homme a vite su les utiliser, voire les domestiquer.
Certaines lianes font partie de notre quotidien (la vigne, le houblon, le kiwi), mais la plupart gardent leur auréole de mystère. Une invention majeure, qui consiste à économiser sur la construction d’un tronc, tout en développant un feuillage abondant, est une manière élégante d’accéder à la lumière en limitant les contraintes de la gravité.
Cependant, l’absence d’autoportance engendre des contraintes nouvelles auxquelles les lianes ont du répondre: dépandance vis-à-vis des tuteurs, réaction de défense de ces végétaux trop sollicités, sans compter les attaques d’herbivores attirés par leur feuillage prolifique.
Les lianes de toutes les familles végétales ont du alors évoluer en développant des astuces d’accroche (épines, vrilles, suçoirs) et des productions chimiques (tannins, polyphénols) dissuasives pour nombre d’herbivores.
Un des problèmes majeurs des lianes, pour qu’elles s’établissent durablement en forêt, est de rechercher un tuteur dans l’ombre des sous-bois. Pour cela, elles ont développé une stratégie très efficace, l’“hétéroblastie” (terme formé du grec heteros, autre, et blastos, jeune pousse, bourgeon). Durant sa période de jeunesse, souvent non lianescente, l’individu diffère par voie hormonale de sa forme adulte reproductrice pour ce qui concerne le type de croissance, la forme des feuilles et la phyllotaxie (l’ordre selon lequel les feuilles se disposent sur les tiges). Au cours de ce stade de jeunesse, la plante ne fabrique qu’un minimum de feuilles, qui se remplacent au fur et à mesure sans se faire de l’ombre. Elle rampe au sol à la recherche de lumière et d’un tuteur. Elle peut vivre ainsi des années, voire sans doute des dizaines d’années, sans passer à la forme mature si les conditions ne s’y prêtent pas.
Un exemple bien étudié est celui du lierre, une plante familière des forêts d’Europe. Les transformations physiques observées de l’état juvénile à l’état adulte sont guidées par une hormone, la gibbérelline, dont le taux varie en fonction de la situation de la liane en forêt.
En économisant sur la construction d’un tronc, les lianes peuvent développer un feuillage dense, sensiblement plus fourni que celui d’autres plantes, mais seulement lorsqu’elles atteignent la canopée. Un autre atout dans cette course vers la lumière consiste en la capacité des lianes à faire de la photosynthèse dans des environnements très éclairés et très chauds, souvent rencontrés en canopée. Les feuilles des arbres sont, elles, limitées par un processus appelé “photo-inhibition” (brûlure des feuilles à une exposition trop violente).
Crochets, vrilles, ou crampons ….
Dans l’histoire des lianes, on peut supposer que ces mécanismes se sont perfectionnés au cours de l’évolution : d’abord les aiguillons et les épines, puis les crochets et les vrilles. Les vrilles ont pu ensuite donner naissance à la volubilité. La multiplicité des modes de grimpe est favorable à une coexistence sur des espaces réduits. Ainsi, les crochets et les épines ne permettent pas aux lianes d’atteindre de grandes hauteurs, ni des poids considérables. Elles restent donc plutôt en sous-bois, quoiqu’il existe plusieurs exceptions. En revanche, les vrilles, qui s’enroulent avec une force étonnante aux branches de faible diamètre, permettent à l’individu de ne pas glisser au sol et, ainsi, d’occuper des espaces bien plus considérables en hauteur comme en largeur. Dans une certaine mesure, c’est également le cas des lianes volubiles. Lianes à vrilles et lianes volubiles peuvent aussi aisément passer d’un porteur à l’autre.
En revanche, les lianes à crampons, qui s’ancrent solidement sur un large tronc, sont plutôt fidèles à leur support mais compensent la modestie des surfaces occupées, et la difficulté de passer d’un tronc à l’autre, par des volumes plus imposants .
Second article à paraître: Comment l’Homme a “domestiqué” un grand nombre le lianes.
Source: Eloge des lianes, par Annick Schnitzler et claire Arnold, Editions Acte Sud. 288 pages, 32 €