Friction quantique dans les écoulements d’eau à l’échelle nanométrique

Pendant 15 ans, les scientifiques ont été déconcertés les écoulements de l’eau au travers de nanotubes de carbone – des canaux en carbone de taille nanométriques. L’eau s’y écoule paradoxalement plus facilement dans les nanotubes les plus étroits, avec une friction qui devient quasi nulle. Ces écoulements ultrarapides ont déjoué toutes les théories classiques du transport de fluides.

Dans un mix sans précédent de dynamique des fluides et de mécanique quantique, des chercheurs du Laboratoire de Physique et du Laboratoire Pasteur, de l’ENS et du CNRS décrivent une nouvelle théorie donnant enfin une réponse : la “friction quantique”. Ces résultats sont publiés le 3 février dans la revue Nature.

Plus précisément, il s’agit d’une résonance quantique (ou plutôt de sa modulation) entre les vibrations collectives des molécules d’eau qui s’écoulent et les excitations quantiques des électrons dans les canaux de carbone qui les confinent (plus spécifiquement des plasmons de surface aux fréquences terahertz).

Cela ouvre de nouvelles voies pour l’ingénierie quantique de l’hydrodynamique aux plus petites échelles. Il est possible de moduler les flux d’eau, par exemple, en stimulant des excitations électroniques de surface spécifiques, ou en induisant des rotations des monocouches de graphène selon des angles spécifiques. Des expériences sont en cours pour explorer ces prédictions contre-intuitives.

Le couple carbone-eau est vraiment unique et les effets quantiques émergents sont un nouvel atout pour développer des technologies de rupture dans les domaines à l’interface entre eau et énergie. Ces résultats théoriques suggèrent ainsi des voies nouvelles basées sur des membranes carbone pour la filtration du sel de l’eau de mer ou la production d’énergie en utilisant la différence de salinité entre l’eau salée et l’eau douce.

En savoir plus :
Kavokine, N., Bocquet, ML. & Bocquet, L. Fluctuation-induced quantum friction in nanoscale water flows. Nature 602, 84–90 (2022)DOI: 10.1038/s41586-021-04284-7

Informations complémentaires :
Laboratoire de physique de L’École normale supérieure (LPENS, ENS Paris/CNRS/Sorbonne Université/Université de Paris)

Auteur correspondant : Lydéric Bocquet