Autopsie d’une erreur médicale

Comment une simple erreur de transcription d’ordonnance peut entrainer un enchaînement funeste, qui implique toute la chaîne médicale où chaque maillon a failli. Un désastre humain qui peut se produire des dizaines de fois par jour.

Une ligne d’erreur d’interprétation, et c’est le début d’un drame …

Les faits suivants sont réels, ils viennent d’être jugés par le Tribunal de Lyon.

Monsieur D est suivi aux Hospices civils de Lyon pour une récidive de cancer. Il ne souhaite pas se faire hospitaliser, et demande une prescription pour une chimio à domicile.

L’oncologue établit la prescription sur son dictaphone, mais sa secrétaire transcrit sur l’ordonnance “Alerkan 10 mg”, alors que le médecin avait prescrit 2 mg. “deux, “dix, c’est effectivement très proche phonétiquement. Première erreur.

Cette ordonnance est passée au médecin qui la signe sans remarquer l’anomalie. Seconde erreur.

Cette ordonnance est alors faxée à la pharmacie, l’ordonnance étant confiée au patient. La préparatrice prépare la commande (avec donc l’erreur de posologie) en l’interprétant: en effet, l’Alerkan 10 mg n’existe pas, elle va donc calculer et délivrer pour 55 comprimés par jour d’Alerkan 2mg. Troisième erreur.

Le patient débute son traitement avec une surdose importante. Mais ce n’est pas fini … L’ordonnance originale, expédiée par la poste, arrive à la famille. qui repasse à la pharmacie, croyant qu’il s’agit d’une suite de traitement. Et la préparatrice reste dans cette opinion, elle délivre à nouveau la même surdose. Quatrième et cinquième erreur…

Le malade se sent très mal, il consulte son médecin traitant qui prescrit des analyses qui sont alarmantes. Le labo d’analyse expédie ses résultats au service d’oncologie, mais sans doubler cette transmission d’une alerte écrite ou d’un appel téléphonique. A l’hôpital, cette feuille va se placer dans le dossier, sans caractère d’urgence. Sixième et septième erreur.

Monsieur D repart aux urgences où il décède en quelques jours.

Devant les tribunaux, les différents maillons de la chaîne sont poursuivis pour homicide involontaire, à l’exception du médecin traitant qui apparaît comme témoin assisté.

Les peines prononcées illustrent l’effet domino du cumul en cascade. Aucun “rempart” n’a fonctionné pour couper cette chaîne d’erreurs.

Pour l’oncologue (qui n’a pas relu son ordonnance): 18 mois de prison avec sursis.

Pour la collaboratrice de la pharmacie (qui n’a pas apprécié l’erreur de l’ordonnance et n’en a pas alerté le médecin prescripteur): 24 mois de prison avec sursis.

Pour la pharmacie (personne morale employeur): 20 000 euros d’amende dont 10 000 avec sursis pour défaut de surveillance.

Remontrance est faite par le tribunal au labo d’analyse qui n’a pas jugé bon d’alerter l’oncologue, et aux Hospices de Lyon pour l’utilisation de dictaphones (en principe, chaque médecin doit rédiger personnellement ses ordonnances), mais sans aucune peine prononcée.

Il s’agissait là du procès au pénal. Une audience sur les intérêts civils aura lieu prochainement.

Source: Fabienne Rizos-Vignal (merci!) – Le quotidien du Pharmacien n° 3650.

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