Produisant très peu de lignine, les lianes développent un imposant feuillage qui attire toutes sortes de “prédateurs” herbivores, dont l’Homme. D’où tout un arsenal défensif (épines, amertume des tannins, toxicité des alcaloïdes…), qui a pu être détourné ou amélioré par L’Homme, en particulier dans le domaine médical.
Les lianes étant particulièrement sujettes aux traumatismes (chutes, consommation importante du feuillage, attaques de pathogènes), il n’est guère étonnant qu’elles aient développé une batterie de substances chimiques pour cicatriser ou éviter l’entrée de pathogènes. Ces substances servent aussi à décourager les prédateurs herbivores. Les lianes utilisent également la voie chimique pour des interactions très complexes : elles attirent ainsi les prédateurs et les parasitoïdes des insectes phytophages qui les consomment. Enfin, elles emploient aussi ces substances pour éviter la concurrence avec d’autres plantes.
Par exemple, les cyanoglucosides qui jouent un rôle exclusif de défense contre les herbivores. Les triterpènes, sont également de redoutables substances de défense contre les insectes. Dans la famille des Austrobaileyaceae, ce sont des sesquiterpènes qui se concentrent sous forme d’huiles essentielles éthérées dans les sarments et les feuilles persistantes, sous forme de ponctuations translucides. Soixante-cinq composés ont été détectés dans ces huiles. Certains insectes peuvent se servir de ces substances nocives en stockant ces molécules dans leurs tissus adipeux, ce qui éloigne leurs prédateurs.
Des lianes pour se nourrir
Les lianes alimentaires sont particulièrement nombreuses dans le cas des espèces à tubercules, riches en protéines et en sucres, comme l’igname (Dioscorea sp.), le manioc (Manihot esculenta) ou la patate douce (Ipomoea batatas).
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Le manioc, qui est un aliment de base pour plus de 500 millions de personnes vivant sous les tropiques, se classe au sixième rang des plantes cultivées dans le monde.
La patate douce est originaire d’Amérique centrale. Avec une production de plus de 7 millions de tonnes par an, elle se situe dans le top dix de la production mondiale. Au cours de sa domestication, le port rampant a été privilégié par rapport à la forme lianescente. Ses tubercules peuvent peser jusqu’à 5 kilos, et ses feuilles peuvent également être consommées.
Le poivre, extrait du fruit d’une liane du genre Piper, épice très convoitée depuis le temps des Romains et des Grecs, faisait l’objet d’un monopole jalousement gardé. Il entrait déjà dans les rituels de momification dans l’ancienne Égypte.
La vanille est sans doute la plus célèbre des orchidées lianescentes. C’est une grande liane qui s’élance à l’assaut de larges troncs à l’aide de ses racines adventives . La vanille était jadis administrée sous forme de poudre, de sirop, de teinture, d’essence ou d’infusion. Connue comme stimulant du système nerveux central, elle était recommandée dans les cas d’hystérie, dépression mais aussi pour favoriser les efforts musculaires. On lui certifiait aussi des vertus contre la mélancolie et les rhumatismes. Bien avant cela, de l’autre coté de l’Océan, les Aztèques l’utilisaient comme diurétique et comme dépuratif.
Bien des parties des lianes comestibles peuvent donc être utilisées : leurs fruits (petit pois, haricot, tomate, courge, passiflore, kiwi), leurs tiges (houblon), leurs feuilles (Gnetum d’Afrique), leurs tubercules (igname), leurs fleurs (celles du houblon dont l’amertume parfume les bières), sans oublier la vigne cultivée.
Toute une pharmacopée due aux lianes (liste non limitative)
La richesse en métabolites secondaires des lianes en a fait une source infinie de médicaments. En voici quelques exemples : les décoctions des fruits des lianes du genre Kadsura, d’Asie du Sud-Est, soignent les reins et l’estomac ; celles qui sont obtenues à partir des racines et du bois soignent les rhumatismes, l’eczéma, la malaria ou s’emploient comme expectorants. Le genre asiatique Sparattanthelium regroupe 13 espèces qui grimpent à l’aide d’épines spécialisées disposées sur leur tronc. Ce genre contient des alcaloïdes aporphiniques à propriétés cytotoxiques, vasorelaxantes, anticoagulantes, antioxydantes et antiplasmodiques.
Sur le pourtour de la mer Noire, les feuilles de Smilax excelsa sont consommées et utilisées par les médecines traditionnelles pour leurs propriétés médicinales (antibactériennes, antifongiques, immunomodulatrices, actions hépatoprotectrices).
Et surtout n’oublions pas la vigne, qui nous délivre un vin aux vertus thérapeutiques (lire notre série de 3 articles: in vino sanitas).
Source: Eloge des lianes, par Annick Schnitzler et claire Arnold, Editions Acte Sud. 288 pages, 32 €