L’erreur de virgule qui a fait couler ce sous-marin …

A une virgule près dans les calculs des ingénieurs, ce sous-marin espagnol avait tout faux: il ne pouvait que couler, trop lourd de 100 tonnes. Il a fallu tout revoir, pour un surcoût total de 2 milliards d’euros…

Le bâtiment en question, c’est le Isaac Peral (du nom d’un amiral espagnol du XIXème, concepteur de vaisseaux performants), premier d’une série de 4 sous-marins espagnols conçus en collaboration avec Naval Group, donc avec la France.

Un projet très pointu, car intégrant une nouveauté dans le mode de propulsion: plus de moteur diésel (donc repérable), mais pas non plus de nucléaire, ce sous-marin inaugurait une propulsion par moteurs électriques mus par du courant produit par des piles à combustible. Beau projet, avec un avenir d’exportation important pour les pays n’ayant pas de capacité nucléaire.

Et puis la France se trouve écartée du projet, on parle de raisons politiques (la France serait alors trop proche du Maroc, alors en conflit ouvert avec les espagnols), et la construction du prototype est alors entièrement réalisée dans le radoub de Carthagène, par l’entrprise Navantia.

Le chantier avance, jusqu’au moment où on refait tous les calculs … Oupppps le sous-marin est trop lourd de 100 tonnes, jamais il ne pourra naviguer, tout juste couler. On retrouve la trace de l’erreur, une bête erreur de calcul due à une virgule mal, très mal placée et qui avait échappé aux ingénieurs de contrôle.

Nota: une bévue du même type a complètement flingué en 2020 le développement du vaccin anti Covid de Sanofi: “quelqu’un” s’était trompé dans le pesage (des pounds au lieu de grammes) des antigènes à intégrer au vaccin, en fait trois fois moins que la dose préconisée par les immunologistes. Tout refaire, alors que les commandes avaient été prises? Non, trop tard, les concurrents à ARN auront raflé la mise….

Penaud, le ministère de la Défense espagnol fait appel (moyennant 14 millions d’euros) aux Américains d’Electric Boat pour trouver une solution. Verdict : il faut rallonger le bateau, pour améliorer sa flottabilité. Au lieu des 71 m de long pour 2 200 tonnes, le sous-marin passe à 81 m. Mais cela coince encore : le dock de Carthagène (où les sous-marins sont construits), a été conçu pour accueillir des vaisseaux… jusqu’à 78 m. Il va donc falloir, entre autres, allonger le port, moyennant 16 millions d’euros.

L’ironie de l’histoire ne s’arrête pas là : les modifications n’ont pas pu être appliquées au premier des quatre modèles. Le S-81 (Isaac Peral) était déjà trop avancé dans sa construction, il ne sera modifié qu’une fois livré. Le système de propulsion AIP, qui permet au sous-marin de rester sous l’eau pendant deux semaines, risque de ne pas pouvoir faire avancer un navire plus lourd de 50 %, et ne sera de toute façon livré qu’en 2026, sur le troisième modèle.

Entre les changements de conception et les retards, au total, le coût des quatre sous-marins devrait se monter à 4 milliards d’euros. Soit le double du prix initial, et le double du prix de ses concurrents sur le marché international (comme le Type 214 allemand). Initialement, la livraison du premier modèle était prévue pour 2014… Navantia espère désormais une livraison échelonnée entre 2022 et 2027.

Pour boire le calice jusqu’à la lie, les Espagnols risquent d’avoir à demander un coup de main à DCNS (Naval Group), comme le rapporte El Confidencial : les retards accumulés devraient prolonger la durée de service des sous-marins actuellement en circulation : les trois vieux Agosta, datant des années 1980. Pour les moderniser, il va donc falloir faire appel aux Français… dont les Scorpène se vendent déjà à l’international (6 en Inde, 4 au Brésil et 2 au Chili et à la Malaisie).

Sources: Ouest France et Atalayar