Le remède placebo à l’hôpital: une pratique très courante, discrète … et efficace

Les services hospitaliers de médecine interne ont à traiter des pathologies diverses. Cette étude récente montre que 62% des médecins et 78% des infirmières ont déclaré utiliser des placebos, en particulier la nuit, en sus de traitements déjà en limite de posologie, et sur des malades exigeants, pour ne pas dire encombrants. Avec des résultats évidents, bases de leur prescription quasi routinière.

Le placebo est un remède à priori sans efficacité pharmacologique (généralement du glucose en gélules ou en comprimés), qui est prescrit à un malade avec une promesse (ou du moins une intention affirmée au malade) de soulagement. Ce type de protocole “de soins” est désormais bien étudié, il agit par des phénomènes physiologiques internes qui libèrent des endorphines, ou divers neurotransmetteurs en fonction de la pathologie, de la typologie du malade, de l’aspect et de la “mise en scène” de la prescription, mais surtout en fonction de la confiance accordée au médecin prescripteur.

Une étude récente (Anne Héron et coll, Fac de Santé à l’Université de Paris) fait apparaître que cette pratique est bien développée en France en milieu hospitalier.

L’administration du placebo en gélule par voie orale est la forme la plus couramment utilisée. À l’hôpital, il est administré principalement la nuit, le plus souvent sans prescription médicale, en cas de douleur, d’insomnie ou d’anxiété, à des patients dits « difficiles » (solliciteurs d’attention et de soin). Dans la plupart des cas, les patients ne sont pas informés qu’il s’agit d’un placebo. La majorité des professionnels « croit » en l’effet placebo, mais se considèrent cependant insuffisamment informés et formés à son utilisation. Fréquemment utilisé à l’hôpital, son efficacité thérapeutique étant largement admise, des considérations éthiques et juridiques imposent de recommander que sa nature soit précisée au patient lors de sa prescription (au même titre que les autres préparations hospitalières). On parlera alors de « placebo ouvert », c’est-à-dire que des explications sur les effets et les mécanismes d’action du placebo seront données au patient. Des études récentes montrent que dire au patient qu’il reçoit un placebo ouvert n’affecte en rien son effet.

Ce qu’on sait de “l’effet placebo”

Les traitements placebo jouent un rôle important en médecine dans deux domaines principaux : les études expérimentales, dans lesquelles ils sont utilisés comme contrôle pour déterminer les effets spécifiques d’un nouveau traitement (par exemple dans des essais cliniques en double aveugle) ; en pratique clinique, où ils sont considérés comme de véritables outils thérapeutiques.

La réponse au placebo est empreinte d’un certain mystère : elle varie d’un individu à l’autre et, chez un même patient, d’une prescription sur l’autre. De nombreuses études montrent que la plage d’efficacité du placebo peut s’étendre de 4 à 86 % selon les pathologies, avec des résultats qui sont importants dans le traitement de la douleur ou des nausées.

La réponse au placebo est également influencée par le contexte environnemental, la culture, la maladie, et dépend du pouvoir de conviction du médecin, de son empathie mais aussi de la confiance que lui accorde le patient.

L’effet placebo est également attribué à l’effet symbolique du médicament, par opposition à ses propres effets pharmacologiques ou physiologiques. D’autres paramètres interviennent dans l’efficacité d’un placebo, comme sa voie d’administration, sa posologie, sa forme galénique mais également sa couleur. 

Effet psychologique, oui (confiance à son docteur), mais surtout physiologique.

La réponse au placebo n’est pas seulement psychologique. Elle fait partie d’une réalité biologique. Il s’agit de processus cérébraux entraînant des modifications importantes de paramètres physiologiques, telles que la libération d’hormones et de neurotransmetteurs, la réponse du système immunitaire, la modification des paramètres cardiovasculaires, la modulation de la sensibilité à la douleur, etc.

Des neurotransmetteurs, tels que la dopamine et la sérotonine, seraient impliqués dans le mécanisme d’action de l’effet placebo. Des chercheurs du centre médical Beath Israel Deaconess (BIDMC) et de l’université de Harvard ont récemment avancé l’hypothèse d’un composant génétique dans l’effet placebo, en montrant l’implication des allèles du gène COMT (catéchol-O-méthyltransférase) responsable de la synthèse de la dopamine cérébrale. L’élévation dopaminergique pourrait ainsi être l’un des substrats biologiques de l’effet placebo activant la voie de la récompense « motivation-émotion ».

En milieu hospitalier: des prescriptions bien balisées…

L’utilisation du placebo est fréquente dans les hôpitaux français puisque près des deux tiers des professionnels de médecine polyvalente ayant répondu à l’enquête ont déclaré l’utiliser.

 À l’hôpital, il est administré principalement la nuit, le plus souvent sans prescription médicale, en cas de douleur, d’insomnie ou d’anxiété, à des patients dits « difficiles » (solliciteurs d’attention et de soin).

La forme orale, en gélule rouge, est la forme d’administration la plus couramment utilisée. Dans une revue systématique internationale réalisée à partir de 22 études issues de 12 pays différents, il est montré que la proportion de médecins déclarant utiliser souvent ou périodiquement un placebo varie entre 17 % et 80 % pour les placebos purs, entre 54 % et 57 % pour les placebos impurs et entre 41 % et 99 % pour les deux types de placebos. La France ne fait donc pas exception. Les professionnels de médecine polyvalente déclarent utiliser des placebos pour traiter l’insomnie, la douleur et l’anxiété, ce qui est confirmé pour d’autres spécialités médicales.

Malades informés du protocoles, ou non ?

L’efficacité de la prescription de placebos repose essentiellement sur une “croyance”, une confiance du malade à son médecin (ou à son infirmière) et au remède utilisé. C’est bien pour cela que le patient NE DOIT PAS SAVOIR s’il est en mode placebo. Dans les essais en double aveugle, comme dans les soins “placébotisés”

Et l’éthique dans tout ça? Pour les essais thérapeutiques, le patient est averti qu’il est en cohorte de recherche, il l’a accepté. Dans les soins dispensés dans les services hospitaliers, on évite (toute discussion interminable et crainte de l’échec clinique) d’en avertir les patients.

Et pourtant, plusieurs études récentes suggèrent cependant que dire au patient qu’il reçoit un placebo avant son administration ne réduit pas son effet: le patient alors s’auto-persuade que ce subterfuge assumé est passage obligé pour son soulagement.

À la lumière de cette étude, il apparaît essentiel de former les professionnels de santé à l’utilisation du placebo, en insistant sur la nécessité d’une prescription avec traçabilité dans le dossier médical, et d’une information préalable du patient visant à potentialiser les effets bénéfiques du placebo.

Source: medecine/Sciences

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